Le repas n'est pas terminé! Ce ne serait pas Noël sans fromages ni desserts. L'abondance est de rigueur. Autrefois, les tartes avaient toujours une place de choix sur la table des maisons canadiennes-françaises, tout comme les beignes, la bûche, les biscuits et les gâteaux. Chez les Anglais, le fameux Christmas pudding, préparé des semaines à l'avance, était roi.

BEIGNES

La tradition des beignes de Noël remonte à très loin, sous le régime français. On faisait cuire les beignes dans le saindoux, mais à un moment, on a trouvé plus économique d'utiliser de l'huile de mammifère marin, comme le phoque et le béluga. Quelques familles de Madelinots font toujours leurs croquignoles dans l'huile de loup-marin. Pour la levure, au lieu de poudre levante, on utilisait de la perlasse (poudre de cendres) ou du salaratus, qui s'activait à l'aide d'un acide, comme le lait sûr. Chaque village avait sa recette, sa façon de faire. Certaines cuisinières mettaient de la muscade ou, à partir du XXe siècle, des essences comme le citron ou la vanille. Selon la recette et la région, on appelait les beignets merveilles, croquignoles, sourires, porcs-épics (pâte à pain frite piquée avec un couteau). Les beignes étaient saupoudrés de sucre ou bien servis avec des confitures ou de la mélasse. La version choisie pour notre cahier est celle de ma belle-mère, Loraine Denis, qui la tient elle-même de sa maman Noëlla, native de Saint-Ubalde, dans le comté de Portneuf.

PLUM-PUDDING

Le plum-pudding ou Christmas pudding est un gâteau qui se prépare généralement longtemps à l'avance puisque la tradition veut que toute la famille «tourne» le pudding le dimanche avant l'avent (le Stir Up day), en faisant un voeu. Bien qu'il ait pris sa forme définitive à l'époque victorienne, le pudding trouve ses origines au XVe siècle. Son rôle premier était de préserver la viande à la fin de la saison. On l'associait à des fruits séchés qui servaient de conservateurs. Au XVIIIe siècle, les techniques de conservation ont évolué puis les ingrédients salés et sucrés du pouding ont donné naissance à deux recettes différentes: les pâtés à la viande d'une part, puis le plum-pudding de l'autre. Ce dessert était à l'origine mangé à la fête de la Moisson. Ce n'est qu'à partir des années 1830 qu'il fut associé à Noël. La poète Eliza Acton fut la première à mentionner le Christmas pudding dans son livre Modern Cookery for Private Families (1845).

TARTE AUX CANNEBERGES SÉCHÉES

Dans la littérature, on parle de tarte aux bleuets séchés. Michel Lambert se rappelle la tarte aux atocas sauvages que son père réclamait à Noël. Nous avons amalgamé les deux recettes, pour rendre la préparation plus accessible. Les canneberges séchées sont abordables et se trouvent partout. La tarte aux atocas et bleuets était aussi préparée par les autochtones. Une ex-employée à la cuisine de Michel Lambert, dont l'arrière-grand-mère était innue, a confirmé cette information. On faisait aussi des tartes et des galettes avec les deux fruits dans sa famille, à Ferland-et-Boilleau, dans les années 40.

STILTON

Ce fromage est originaire du comté de Leicestershire, en Angleterre. Connu depuis longtemps comme Roi des fromages, le stilton bleu est l'un des rares fromages britanniques à avoir reçu le label «appellation d'origine contrôlée» de la Commission européenne. Pour pouvoir s'appeler stilton, le fromage doit obligatoirement être originaire du Derbyshire, du Leicestershire ou du Nottinghamshire et être élaboré selon des règles de fabrication très strictes. Sept fromageries seulement sont autorisées à fabriquer du stilton. Son histoire remonte à 1730 et fait de lui le plus fin des fromages anglais. On le sert traditionnellement à Noël entre la dinde et le plum-pudding. Pour les grandes occasions, on creuse un trou au centre du fromage pour y verser, chaque jour, une bonne cuillerée de porto, et ce, pendant une semaine. Il se sert alors avec un doigt de vieux porto. Plutôt que d'utiliser du porto, nous avons choisi un vin fortifié québécois, La fortune rouge, du Domaine de l'île Ronde. Dans le temps des Fêtes, beaucoup de fromageries (notamment Hamel et Atwater) font encore leur propre stilton au porto.

NOIX ET FRUITS

Plusieurs variétés de noix faisaient partie du garde-manger québécois dès le début de la colonie: amandes, noisettes, noix communes (dites de Grenoble), noix longues ou pacanes. Les autochtones en consommaient beaucoup. Plus tard, on les servait à la fin du repas avec les fruits de saison et les desserts. La France nous envoyait aussi des noix de Grenoble pour répondre à la grande demande. On transformait parfois les noix en friandises qu'on appelait des pralines en les enrobant d'un sirop de cassonade. Elles étaient également utilisées dans le sucre à la crème, le pain aux bananes et les gâteaux aux fruits. Les premières oranges arrivées chez nous venaient d'Espagne. Elles étaient le symbole de l'or et de la lumière, associées à la richesse, au paradis, à l'ailleurs. On les offrait en cadeau à Noël et au jour de l'An.