Les gouvernements européens vont définitivement enterrer jeudi un projet défendu par Bruxelles mais que les consommateurs n'arrivent pas à digérer: l'autorisation d'importer des volailles américaines désinfectées au chlore.

La décision sur ce dossier en discussion depuis le printemps est attendue en début de soirée lors d'une réunion des 27 ministres européens de l'Agriculture à Bruxelles.

«En plein scandales du porc irlandais à la dioxine et du lait chinois à la mélamine, un tel projet fait désordre. Le refus ne sera qu'une formalité, les Etats peuvent difficilement le faire accepter à leurs consommateurs», souligne une source diplomatique.

Les Etats-Unis privilégient une méthode radicale pour tuer les bactéries dangereuses dans leur volaille, salmonelles et autres campylobacters, qui consiste à les tremper dans une solution chimique antimicrobienne, contenant notamment du chlore.

Cette pratique est interdite dans l'UE où les vétérinaires préfèrent des contrôles d'hygiène préventifs tout au long de la chaîne alimentaire.

Toutefois en mai, le commissaire européen à l'Industrie Günter Verheugen a proposé de lever, à certaines conditions, l'interdiction d'importer des poulets américains en vigueur depuis dix ans.

L'enjeu commercial est modeste, l'Europe étant plus qu'auto-suffisante pour ses volailles, mais les partisans de la «bonne bouffe» se sont immédiatement emparés de l'affaire, érigée en bataille pour la défense des Chapons (poulets haut de gamme mangés à Noël) et autres poulets de Bresse contre le «chicken» industriel d'Outre-Atlantique.

«Une politique basée sur un traitement antimicrobien à la fin de la chaîne, est inacceptable lorsqu'une approche de l'étable à la table plus efficace existe», proteste Muriel Danis, une représentante à Bruxelles de l'organisation européenne des consommateurs (BEUC).

Face au tollé, la Commission a dû modifier sa proposition. Bruxelles demande que le poulet chloré américain soit clairement identifié dans les rayons par des étiquettes peu ragoûtantes du type «décontaminé par des produits chimiques».

Les Américains devraient en outre rincer à l'eau potable les volailles, une fois désinfectées, et l'importation ne serait autorisée à titre provisoire que pendant deux ans.

Mais rien n'y fait. Les experts vétérinaires européens ont recommandé de ne pas suivre la proposition, les députés européens estiment qu'«elle ne correspond pas aux exigences des citoyens européens en matière de sécurité et d'hygiène alimentaires» et les gouvernements ne veulent pas entendre parler.

«Il en va d'une certaine idée de la qualité alimentaire que nous nous faisons», répète le ministre français de l'Agriculture Michel Barnier, dont le pays est à la tête de l'UE jusqu'à la fin de l'année.

L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) n'a il est vrai pas aidé à clarifier le débat en rendant un avis partagé: elle conclut que la méthode américaine ne laisse pas de résidus toxiques, tout en demandant «davantage de recherche» sur les effets à long terme pour l'organisme.

Le revers sera particulièrement amer pour le commissaire allemand Günter Verheugen, qui a porté le projet à bout de bras en tant que co-président du Conseil économique Transatlantique, un organe mis sur pied pour aider à lever les obstacles aux échanges entre l'Europe et les Etats-Unis.

Sa collègue à la Santé, la Chypriote Androulla Vassiliou, ne devrait en revanche pas verser beaucoup de larmes. Peu convaincue par les poulets chlorés, elle avait hérité un peu contrainte et forcée de ce dossier peu après sa nomination en avril et ne l'a défendu que du bout des lèvres.