(Paris) Table à repasser « pour faire comme maman », boîte à outils « pour bricoler comme papa »… Et si, pour pousser les filles vers des filières scientifiques ou plus simplement pour briser les stéréotypes, on achetait un jouet mixte à son enfant à Noël ?

Chez Oxybul Eveil et Jeux, la mixité est de mise depuis les débuts de l’enseigne il y a 30 ans. « On se base sur la théorie des intelligences multiples du psychologue américain Howard Gardner », qui veut que chaque enfant ait un « talent » en lui qui ne demande qu’à s’exprimer, explique à l’AFP sa directrice, Catherine de Bleeker.

« Notre mission, c’est donc d’éveiller et développer ces talents, sans enfermer l’enfant, afin qu’il soit le plus autonome possible, en éveillant son sens critique… D’où le fait qu’on ne trouvera pas de licences (Star Wars, Reine des Neiges…) chez nous », souligne-t-elle.

Les enseignes spécialisées ont signé il y trois mois aux côtés des industriels du secteur une charte gouvernementale entendant promouvoir la mixité dans les jouets, un « premier pas » selon la secrétaire d’État à l’Économie Agnès Pannier-Runacher. Comme Oxybul, elles ont quasiment toutes intégré le fait de diviser leurs rayons non plus entre garçons et filles, mais en catégories de jouets : créatifs, d’imitation, de construction, d’éveil…

Garçons et filles ensemble

Certains supermarchés et hypermarchés, qui vendent encore un quart des jouets à Noël selon le cabinet spécialisé NPD, sont en revanche à la traîne alors que la Fédération du secteur (FCD) a signé la charte, souligne à l’AFP Marion Vaquero, la fondatrice de l’association Pépite Sexiste, qui épingle sur les réseaux sociaux les clichés diffusés par le marketing.

« On reçoit beaucoup de “pépites” qui proviennent de chez eux : certains réagissent bien quand on leur signale, comme Carrefour, mais d’autres les ignorent », ajoute la jeune femme, qui a lancé une campagne #DesJouetsPasDesClichés avec l’association Meufs Meufs Meufs.

Les industriels font aussi des efforts, assure à l’AFP Frédérique Tutt, experte du secteur des jouets : pour les 60 ans de Barbie cette année, Mattel a ainsi sorti « des modèles “femmes illustres”, en disant qu’avec cette poupée “vous pouvez être qui vous voulez” (you can be anything), donc ingénieure spationaute, présidente des États-Unis… Il n’y a pas de limite », même si la poupée reste mince et blonde.

Au rayon jouets d’imitation, « chez Smoby par exemple on voit maintenant sur les emballages un garçon et une fille qui cuisinent ensemble », précise-t-elle.

Chez Playmobil, « les personnages masculins et féminins sont faits pour évoluer dans différents univers et c’est l’enfant qui va déterminer le rôle de chacun : une princesse peut ainsi se retrouver au volant d’un camion de pompier et c’est tant mieux », indique à l’AFP sa directrice marketing pour la France, Cécile L’Hermite.

Rôle des parents

Si la mixité est donc plutôt valorisée dans le secteur, le concept plus extrême de jouets « non genrés » est en revanche regardé avec suspicion.

Mattel vient ainsi de lancer aux États-Unis « une nouvelle gamme qui s’appelle “creatable world”, des poupées au corps d’un enfant de 8-10 ans et aux cheveux courts », précise Frédérique Tutt, qui pense toutefois que le marché européen n’est pas encore prêt pour ce type de poupées.

« Il faut trouver le juste milieu et ne pas aller vers le “tout neutre” », acquiesce Catherine de Bleeker : si vendre des trottinettes roses peut aider les filles à aller vers plus d’activité physique, « pourquoi pas, il ne faut pas être obtus non plus ».

« On n’a pas vocation à mettre dans l’esprit des enfants que la place d’une maman ne doit pas être dans la cuisine », renchérit Cécile L’Hermite.

Pour elle, ce sont les parents qui ont un rôle à jouer : « il ne faut pas brimer les envies de certains enfants et garder à l’esprit un équilibre dans les thématiques ». Dans cet esprit, en 2020, Playmobil lancera la première « chevalière » et le premier… homme-sirène.