Près de 15 % des familles québécoises sont recomposées. Pour certaines d'entre elles, Noël est synonyme de véritable casse-tête. Entre les gardes alternées, les anciens et nouveaux conjoints, les cadeaux donnés en double, comment organiser le temps des Fêtes en toute sérénité ?

Des trucs pour passer au travers

Chaque année, de nombreuses familles font face au défi de l'organisation des fêtes de fin d'année. Chez qui ? Comment se partage-t-on la garde des enfants ? Est-ce qu'on alterne les années ? Et que fait-on quand il y a un nouveau conjoint qui veut tout changer ? Nous avons consulté la Dre Nadia Gagnier, psychologue, qui nous donne quelques conseils.

Avoir une bonne communication

«Ça peut être un casse-tête lorsque les gens manquent de communication et de flexibilité. Quand il y a une bonne communication et qu'on comprend les besoins de chacun, il y a moyen d'arriver à un compromis. La souplesse est une belle qualité à avoir en famille recomposée. La rigidité peut vite devenir source de conflits.»

Planification

«Il faut réserver et planifier les dates pour organiser les soupers familiaux de Noël. Certaines familles ont un horaire clairement établi qu'elles reprennent d'année en année et qui fonctionne très bien, d'autres alternent les dates. Quand on s'y prend d'avance, ça se passe toujours mieux.»

Créer de nouvelles traditions

«Voir Noël comme la période des Fêtes et non plus comme deux jours les 24 et 25 décembre. On peut créer de nouvelles traditions et faire preuve d'originalité. Abandonner le fait que tout le monde doit être réuni au réveillon ! On peut alors organiser entre Noël et le jour de l'An une belle activité familiale comme aller glisser. On peut faire un Noël entre amis aussi, c'est toujours une bonne idée, surtout si on est seul et sans nouveau conjoint.»

La cellule familiale réunie

«C'est une bonne idée de réserver un moment pendant la période des Fêtes où on ne se retrouve qu'avec ses enfants, sans demi-frères ou demi-soeurs, sans conjoint, conjointe, simplement le père ou la mère et leurs enfants. Ça fait du bien, juste la petite cellule familiale, c'est un moment privilégié, et ce, à tout moment de l'année. Ça donne confiance aux enfants, ça envoie un message clair du parent aux enfants : je suis là pour vous. C'est aussi une façon de prévenir les jalousies ou les rivalités entre demi-frères et demi-soeurs.»

Période d'adaptation

«Dans les premières années qui suivent une séparation, c'est souvent difficile, c'est une période d'adaptation et la gestion des Fêtes fait partie de ce changement. Il va falloir se résigner à ne pas voir ses enfants le jour de Noël ou le soir du 31 décembre, ou l'inverse. Ceux qui vont rebondir le plus vite sont ceux qui ont un bon réseau social qui fera en sorte qu'ils seront entourés quand leurs enfants seront chez leur ex-conjoint.»

Les familles nucléaires

«Les familles nucléaires ne comprennent pas toujours le casse-tête que vivent les familles recomposées. Le beau-frère ou la belle-soeur qui organise Noël et qui se plaint qu'il doit jongler avec les horaires de ses frères et soeurs séparés... ça aussi, c'est une réalité !»

Une grande réunion ?

«Il faut savoir que pour 25 % des couples séparés, plus le temps passe et plus on trouve de raisons de détester son ex-conjoint. Pour 75 % des couples, l'entente est bonne pour choisir l'école de l'enfant ou prendre certaines décisions. Mais partager la dinde ensemble ? Ce n'est pas une bonne idée... L'entente n'est peut-être pas assez amicale et l'ambiance ne sera pas à son meilleur...»

Une organisation complexe!

Marie-France*, 46 ans, a deux garçons de 13 et 16 ans nés d'une première union. Son conjoint a lui aussi eu deux garçons (14 ans et 16 ans) de son côté. Le couple, ensemble depuis 11 ans, a une petite fille de 3 ans.

«Pour les enfants, Noël, c'est le bonheur. Ils vivent les Fêtes en double ! Par contre, il faut vraiment se parler entre ex, car il m'est arrivé d'offrir le même hélicoptère téléguidé !», s'exclame Marie-France, qui confie s'entendre à merveille avec son ex-conjoint, avec qui la communication est très bonne.

Depuis 10 ans, les vacances de Noël se séparent en deux, en alternance d'une année à l'autre. Une année, les enfants sont avec elle à Noël et la suivante, c'est au jour de l'An. «C'était douloureux les premières années. Symboliquement, Noël, c'est le 24 ou le 25 décembre. Il y a eu un peu de tristesse au début, ce serait mentir de ne pas l'avouer, on s'est déjà retrouvés mon conjoint et moi au cinéma, le 24, à voir deux films de suite», raconte Marie-France. Le soir du 24 décembre, traditionnellement, c'est là que toute la famille se réunit et le 25 au matin, c'est petits pains au chocolat pour tout le monde. 

«Avec le temps, trouver une autre façon de célébrer Noël, c'est la meilleure chose à faire, dit Marie-France. On se greffe à des amis esseulés, on les reçoit à la maison. Je dirais qu'il faut avoir de la créativité et de l'humilité pour passer à travers cette période sans enfant. Maintenant, il y a notre petite de 3 ans qui est avec nous.»

Cette année, Marie-France explique qu'elle a changé le mode de garde des quatre enfants avec lequel la famille fonctionnait depuis 10 ans. Le couple avait toujours favorisé le fait que les quatre garçons soient ensemble à la maison une semaine sur deux, mais depuis septembre, il fallait donner un peu d'espace à tout le monde. «Avoir quatre adolescents sous le même toit, c'est très intense. Les différences ressortent et on a donc décalé les gardes, chacun sa semaine. Le défi est présent, mais c'est la meilleure situation actuelle, c'est notre nouvelle réalité.» Et ce Noël sera aussi le reflet de ce nouveau «mode ado». 

Marie-Claude s'est organisée pour passer du temps seule avec ses deux garçons, et son conjoint aussi. «On doit être très à l'écoute, c'est une phase à traverser. On en est là dans notre évolution familiale. Ils s'entendent bien, mais il est important de vivre des moments plus intimes pour être capable de vivre avec moins de bruit ! Le 24, on sera à la maison, mon conjoint et moi, avec notre fille. Le 25, on va célébrer avec ma famille, mes garçons et notre fille, sans les garçons de mon conjoint. Ils se verront de leur côté le 31 décembre.»

Marie-France évoque les problèmes de compréhension qu'il peut y avoir entre les différentes familles, que ce soit les nouveaux conjoints des ex et les beaux-frères et belles-soeurs qui souhaitent organiser Noël. «Lorsque ma belle-soeur [famille nucléaire] me reproche de choisir toujours les dates, je lui réponds que j'hérite parfois des dates de partys de Noël dictées par l'ex-conjointe du nouveau chum de l'ex de mon chum ! Vous me suivez toujours ? Ça ne relève pas de moi, non ! C'est un arbre généalogique à gérer !»

Noël avec tous les ex, est-ce possible ? «Non ! Avec mon ex-conjoint, il n'y a pas de problème, mais avec l'ex de mon conjoint, ça ne me paraît pas envisageable...»

*Pour lui permettre de se confier en toute liberté et préserver son anonymat, son prénom a été modifié.

D'une région à l'autre

Caroline*, 38 ans, est mariée, a deux filles de deux ans et demi et 9 mois. Elle a un garçon de 14 ans né d'une précédente union. Son ex-conjoint a une petite fille de 5 ans. Le couple est séparé depuis un peu plus de neuf ans, et ils ont la garde partagée de leur fils, une semaine sur deux. 

À Noël, depuis quelque temps, une routine s'est enfin installée. Le fils de 14 ans est chez son père le 24 décembre, passe le 25 et le 26 avec sa mère, puis part en voyage avec son père après Noël jusqu'au 3 janvier. «En échange, je l'ai pour les vacances scolaires de février», dit celle qui n'a jamais célébré le Nouvel An avec son fils depuis neuf ans.

Chaque année, elle doit aller le chercher à un endroit et le déposer à un autre. «Mes parents sont en Estrie, mon ex est à Saint-Sauveur... Alors il y a déjà eu des échanges au bord de l'autoroute... Ç'a toujours été un peu compliqué. Je pense que le fait d'être parent à nouveau pour chacun de nous a beaucoup aidé. Quand tu n'as pas d'autres enfants à Noël, tu es comme un parent orphelin désoeuvré...»

Elle se souvient d'un Noël où elle s'est retrouvée dans la belle-famille de son frère ou de sa soeur. «C'est un peu embêtant de squatter dans une famille, tu te sens comme un parasite. Et en plus, c'est comme si tu faisais la quête, excusez-moi, je suis toute seule, je suis séparée, c'est Noël et mon enfant est chez mon ex... Ce n'est pas que je n'ai pas d'amis, mais à Noël, tout le monde se retrouve dans sa famille. Et en plus, il faut avoir le moral pour aller dans une famille que tu ne connais pas...» Elle est soulagée d'avoir un mari et deux filles maintenant. « Ç'a tout changé. Je ressens moins de peine aussi de ne pas avoir mon fils le 31 décembre.»

Noël avec tous les ex, est-ce possible ? « Pas question ! Dommage, d'ailleurs... Une séparation qui se passe mal avec des mensonges et des trahisons, disons que c'est un peu difficile... Il y a une blessure qui est restée, surtout que la faute n'a jamais été avouée.»

*Pour lui permettre de se confier en toute liberté et préserver son anonymat, son prénom a été modifié.

Illustration, La Presse

«C'est un casse-tête»

Josée*, 41 ans, a deux enfants de 9 et 12 ans. Séparée depuis six ans, elle est actuellement avec un homme qui n'a pas d'enfant. Son ex-conjoint a une nouvelle conjointe, qui a un adolescent.

«La première année, on est partis tous ensemble à Cuba, car nous étions incapables de nous séparer les enfants à Noël ! Et nous n'étions plus en couple ! Comment imaginer que tu ne passeras plus Noël avec tes enfants ? C'était trop difficile», confie Josée.

Depuis, ils ont statué : le 24 décembre, c'est chez elle, et le 25 décembre, à midi, les enfants fêtent avec leur père dans sa famille. Le jour de l'An, c'est une année sur deux. Et pas de changement.

«Il y a eu des années où mon ex réclamait des changements, car il avait une nouvelle blonde qui avait des enfants en garde partagée et ils fêtaient tous le 24 décembre. On ne peut pas changer, car en plus, mes parents sont séparés, et ils veulent voir leurs petits-enfants», dit Josée.

«C'est un casse-tête. Je suis consciente que ça met en otage toutes les familles. Mes anciens beaux-parents ne peuvent pas changer d'horaire, et moi non plus. Il faut respecter ce qui a été convenu. C'est certain qu'on trimballe les enfants, d'un Noël à l'autre, et je pense qu'ils préfèreraient rester à la maison en pyjama le 25... Mais que voulez-vous...» Cette année, Josée célébrera le 31 décembre avec ses enfants et les parents de son conjoint, qui sont enchantés.

Noël avec tous les ex, est-ce possible ? «Non ! Oh, non ! Je n'ai pas envie. Je me suis séparée pour ne plus qu'il soit dans ma vie... Alors, pourquoi se réunir à Noël et faire semblant qu'on est une famille faussement unie ?»

*Pour lui permettre de se confier en toute liberté et préserver son anonymat, son prénom a été modifié.

Illustration, La Presse