Ce soir, les chrétiens célèbrent la naissance du Christ. Le message de Jésus de Nazareth promet notamment la vie éternelle pour tout pécheur repenti, qui mérite son paradis. Le concept est au coeur des aspirations de l'homme, constate Michel Legrain, philosophe et éditeur français qui vient de publier Guide du paradis.

«Chaque religion a apporté sa propre contribution au concept de paradis», explique M. Legrain, joint à Paris. «Le judaïsme a insisté sur la notion de justice, de récompense pour notre comportement ici bas. Le christianisme, sur l'amour. L'islam, sur le repentir. Dans chaque croyance, on retrouve des tensions entre les représentations matérielles et intellectuelles du paradis, entre le Jugement dernier et l'accès au paradis pour toute l'humanité.»

Dans son livre, l'ex-éditeur scolaire, qui a depuis sa retraite publié des dictionnaires de l'Olympe et de la Bible, oppose ainsi la vision allégorique de saint Augustin, qui dénonçait ceux qui voulaient concrétiser le paradis - qu'il s'agisse des délices charnels du Cantique des cantiques ou de l'Apocalypse promise par saint Jean -, et les «millénaristes» qui ont existé à toute époque, l'Ordre du Temple solaire en étant l'une des dernières manifestations.

«On a vu aussi apparaître, depuis le XIXe siècle, des paradis détachés de la foi, dit M. Legrain. Il y a eu les promesses du progrès, les utopies qui ont dégénéré et sont responsables des carnages du XXe siècle, puis l'espoir qu'il y ait «sous les pavés la plage», les verts qui veulent restaurer une nature au passé idéalisé... Chez vous, en Amérique, on retrouve l'un des paradis séculiers les plus durables, l'idée que tout est possible, le self-made-man. Le Nouveau Monde est d'ailleurs associé à l'idée de paradis depuis le début de la colonisation européenne. Christophe Colomb, quand il a découvert l'Amérique, voulait parachever le paradis naturel qui existait déjà en christianisant les autochtones. Mais comme les paradis des religions, on veut soit atteindre soit revenir à la situation idéale d'avant le péché originel.»

Au coeur de la notion de paradis se trouve l'idée de l'immortalité. «C'est la seule question à laquelle l'homme ne pourra jamais répondre. Pour trouver la solution, il faudrait mourir, et on ne serait plus là pour en témoigner. C'est pour cette raison que la Toussaint et son pendant, l'Halloween, sont parmi les fêtes les plus importantes de l'année. On a une nostalgie possessive des morts, on veut se les approprier comme on s'approprie le paradis.»