Il serre son bébé contre lui, l'embrasse, le câline, tout en surveillant son aîné de deux ans et demi, qui joue avec la quarantaine d'enfants venus comme eux passer l'après-midi à la prison, sans maman, pour fêter Noël avec leurs pères prisonniers.

AFP

 

«D'habitude, c'est 45 minutes de parloir, mais là, on a plus de deux heures, et il y a l'ambiance, les autres pères avec leurs enfants, c'est que du bonheur», déclare Philippe, 32 ans, son fils de sept mois sur les genoux, assis à une des tables dressées dans la salle polyvalente de la maison d'arrêt de Nanterre, à l'ouest de Paris.

Nappes en papier aux couleurs de Noël, assiettes et verres en plastique de fête, sapin et guirlandes, bonbons et gâteaux... Les trente détenus présents ont du mal à y croire, les enfants encore plus.

Intimidés au début, certains retrouvent vite leur envie de courir, de jouer, tout excités par le déballage des cadeaux, par les tours de magie et les mimiques d'Edith la clown, qui anime la fête.

D'autres, les plus grands, 11 ou 12 ans, restent collés à leur père, l'air grave, puis osent quelques passes du ballon tout neuf.

«Il manque que de la musique, et de la lumière disco», constate Mona, 9 ans.

«Moi je suis un voyou, mais lui, il a 19 et demi de moyenne!», lâche Marco en regardant fièrement son fils.

«C'est dur pour nos familles, plus dur pour elles que pour nous», reconnaît Hicham. «Mais on a fait des conneries, on assume», ajoute-t-il, gros dur aux prises avec les perles qu'il a offertes à sa fille. Pas évident de faire un bracelet.

«Ce n'est pas toujours aussi bien organisé, ni décoré», admet Emmanuel Gallaud, éducateur spécialisé travaillant pour le «Relais enfants parents», une association qui s'est donné pour but de maintenir le lien entre les enfants et leur parent détenu.

Outre son activité au quotidien, les parloirs et l'assistance aux familles, elle organise des petites fêtes dans les prisons depuis une dizaine d'années, en collaboration avec l'administration pénitentiaire.

A Nanterre, c'est la première fois pour Noël, mais on avait déjà fait venir des enfants pour la fête des Pères.

«Les détenus sont très demandeurs, et c'est très intéressant de mener ce genre d'opération», souligne la directrice-adjointe de la maison d'arrêt, Maryline Maisto. Même si 30 détenus seulement sont concernés, sur un total de 900 - pour 600 places.

Les gardiens sont eux aussi étonnés, de voir ces hommes qui changent des couches, donnent un biberon, dorlotent des petits qu'ils couvent des yeux. «Certains nous montrent parfois des photos de leur famille, mais là, c'est un plus», estime une surveillante.

«C'est très bien, mais ce serait encore mieux si les mères étaient là, ce serait plus chaleureux», tempère Serge, 48 ans.

Mais les éducateurs sont formels, les enfants ont besoin d'avoir «papa pour eux tout seuls», cela les «aide à se construire».

Les mères sont donc restées à l'extérieur de la prison, au chaud dans le petit local d'accueil aux familles, ou fumant dehors, en parlant de «leurs vies compliquées». Certaines auraient bien voulu être de la fête, d'autres pas.

«C'est bien comme ça. Nous, nous sommes toujours avec les enfants, eux pas», remarque Nina.

La fête se termine. Les accompagnateurs du «Relais» aident les enfants à remettre leurs manteaux, leur donnent la main, pour aller retrouver leurs mères.

- «Alors c'était bien?"

- «Oui», répondent les enfants, sans plus de détails pour l'instant. Les larmes ne sont pas loin et finissent par couler.