Kyle MacDonald a lancé son projet One Red Paperclip le 12 juillet 2005. Sur son bureau, à côté de son ordinateur, il y avait un trombone rouge. Il voulait échanger ce trombone contre un objet d'une valeur supérieure. Rapidement, il s'est retrouvé avec un stylo en forme de poisson. Il a ensuite échangé le stylo contre une poignée de porte. Puis la poignée contre un réchaud Coleman. Puis le réchaud Coleman contre une génératrice rouge. Puis... Pour voir toute la série, visitez oneredpaperclip.blogspot.com.

Un an et quatorze échanges plus tard, il avait atteint son objectif: devenir propriétaire d'une maison. C'est le village de Kipling, en Saskatchewan, qui la lui a donnée, en échange d'un rôle dans un film, offert par l'acteur, réalisateur et scénariste Corbin Bernsen (vedette de la célèbre émission des années 80 L.A. Law).

 

Le village de Kipling a tenu des auditions à la American Idol auxquelles ont participé 140 aspirants acteurs. C'est le jeune Nolan Hubbard qui a été choisi. Le film, Donna on Demand, est sorti en 2009. Kipling aurait aimé accueillir la première mondiale du long métrage, mais Corbin Bernsen, qui entre-temps était tombé amoureux du petit village et de ses habitants, jugeait que le ton du film n'était pas nécessairement «approprié» pour une projection grand public. Il a donc offert une solution de rechange fort intéressante: écrire un nouveau scénario exprès pour Kipling.

C'est ainsi qu'est né le film Rust, sorte d'hommage au petit village de 1100 habitants. Ces derniers ont fondé une maison de production. Les résidants et les fermiers des alentours ont payé de leur poche pour produire le film indépendant. Au total, ils ont payé 250 000 $. Ils aimeraient bien que le film génère assez de recettes pour rentrer dans leur argent. La sortie officielle est prévue au printemps.

Les résidants de Kipling ont profité du tournage pour tourner une page plutôt sombre de l'histoire du village. Ils ont mis le feu à la ferme dans laquelle la GRC avait trouvé le pédophile Peter Whitmore avec un garçon de 10 ans, il y a quatre ans. Ce beau brasier a autant servi à exorciser un démon dont le village voulait se débarrasser qu'à créer des «effets spéciaux» pour le film.

Kyle MacDonald a assisté à une projection de Rust le 3 décembre dernier, à Kipling. Il affirme que le film, un suspense autour du personnage d'un prêtre (Corbin Bernsen) qui vit une crise de foi, est excellent. «Les acteurs et figurants, dont la plupart sont des gens du village, jouent très bien. C'est surprenant. C'est un vrai beau film, avec un beau message.»

C'est à l'occasion de cette visite à Kipling qu'il a rendu officielle sa décision de redonner la maison au village. Kyle et sa conjointe, Dominique, ont habité la maison pendant environ six mois en trois ans. Kyle étant fort sollicité pour donner des conférences un peu partout dans le monde, le couple a décidé de revenir à Montréal, plus près d'un aéroport international.

«J'ai annoncé l'an dernier que j'étais prêt à échanger la maison. On m'a offert des camions, des voyages, etc. Mais comme la maison et sa sculpture de trombone géant sont devenues des attractions touristiques, ma priorité était que celles-ci bénéficient à la communauté. Les gens de Kipling Films se servent de la maison lorsque je ne suis pas là, mais, pour des raisons juridiques, ils devaient toujours me demander la permission. J'ai donc décidé de la leur céder une fois pour toutes. Je n'avais pas envie de la vendre. Le but n'était pas de faire un coup d'argent.»

Néanmoins, il a quand même réussi à vivre des conférences qu'il donne depuis la fin de l'expérience et du livre qu'il a écrit, One Red Paperclip: Or How an Ordinary Man Achieved His Dream with the Help of a Simple Office Supply, et qui a été traduit en 14 langues.

«Je suis allé en France, au Japon, à Taiwan. Je participe à des activités d'entreprises, je vais dans les écoles, dans des boîtes de marketing. Parfois, mes conférences ressemblent à des discours de motivation, d'autres fois, c'est plus près du spectacle d'humour... Je m'adapte à la situation. Pendant un certain temps, j'étais même convoité par Sony Films, qui me payait pour mes idées. C'était à l'époque où les blogues commençaient. Ils se cherchaient de nouvelles sources d'inspiration et m'appelaient de temps en temps pour savoir ce que je faisais, sur quoi je travaillais.»

Quant aux droits du film sur l'histoire de Kyle, ils sont revenus à son propriétaire. DreamWorks les a détenus pendant deux ans, mais sans les utiliser. Kyle attend qu'un projet réellement intéressant se présente.

Entre les conférences et les contrats de rénovation avec son frère, à Vancouver, le nomade s'apprête à faire un voyage en Inde avec sa bien-aimée. Ils ont la bougeotte. «Je ne tiens jamais longtemps en place et je n'aime pas les emplois de 9 à 5», déclare le blogueur, que l'on peut suivre au www.oneredpaperclip.com.