On doit faire confiance au père Noël. S'il a promis d'apporter un cadeau, il tiendra sa promesse. Normand Brault, fondateur de l'Opération père Noël, n'a jamais failli à sa parole. C'est pour lui une question d'honneur et de générosité.

Tout a commencé en 1995 avec une enfant de 7 ans en crise, une enfant désespérée, en pleurs, placée pour sa protection dans un centre jeunesse. «Je n'irai pas à la maison à Noël! Je ne verrai pas ma petite soeur! Je n'aurai pas de cadeau!» Elle s'est enfin apaisée à la suite de la promesse que lui a faite Normand Brault d'intercéder pour elle auprès du vieillard à la barbe blanche, si elle lui écrivait une lettre.

 

Ainsi a démarré l'Opération père Noël il y a 14 ans. Pour Normand Brault, qui a entendu l'appel de détresse et lui a donné suite, c'était le début d'une longue et vaste chaîne de générosité spontanée. Avec peu de moyens, beaucoup d'imagination et d'amour et un réseau de personnes sensibles, Normand Brault a permis à des enfants en difficulté de rêver. Grâce à ce père Noël engagé, c'est près de 2000 enfants des centres jeunesse, des enfants de familles pauvres, qui recevront à Noël le cadeau qu'ils ont demandé.

Pour ce dévouement indéfectible, La Presse et Radio-Canada l'ont choisi Personnalité de la semaine.

Un peu de magie

Il s'agit d'un réseau anonyme de pères Noël. Voici comment cela fonctionne. Ceux qui travaillent dans le réseau des centres jeunesse, qui sont en contact avec des familles démunies dans les CLSC par exemple, qui savent que quelque part un enfant sera oublié à Noël, proposent à l'enfant d'écrire au père Noël et de lui fait part de sa demande. La lettre est acheminée à un lutin d'Opération père Noël qui la remet à une personne désireuse de jouer le rôle de père Noël auprès de cet enfant. Cette personne achète le cadeau, l'emballe, signe une carte au nom du père Noël et le cadeau est acheminé à l'enfant le jour même de Noël.

«Ce que j'ai découvert avec le temps, au-delà du plaisir que l'on fait aux enfants, c'est la réaction des adultes, dit Normand Brault. D'abord, ils sont émus par la lettre de remerciement de l'enfant, mais ils ont aussi l'impression de réparer quelque chose dans l'injustice du monde. Le geste enrichit donc l'un et l'autre.»

Dès le premier Noël, celui où la petite fille a lancé son cri de désespoir, il y a eu une trentaine d'autres enfants, bébés, enfants, adolescents, qui ont vu leur rêve se réaliser. «On ne pouvait pas les abandonner! J'ai donc sollicité les gens de ma famille, mes amis, mes collègues, afin de les mettre à contribution.»

Normand Brault enseigne à l'Université du Québec à Trois-Rivières en psychoéducation. Il est coordonnateur au Centre de formation, responsable des programmes de formation pour les intervenants, en formation continue. «Heureusement que j'ai le soutien de mon employeur, dit-il. C'était mon rêve que l'Opération père Noël s'étende partout au Québec. C'est chose faite.»

En ces temps difficiles, les besoins augmentent. «C'est dur à évaluer maintenant, mais je suppose qu'il y aura de 15 à 20% d'augmentation des demandes cette année. Et le miracle se répète sans cesse, je n'ai jamais manqué de pères Noël. Dans les lettres que je reçois, il y a ces demandes insupportables: des mitaines, des bottes, un manteau d'hiver!»

M. Brault ajoute: «Vous ne croyez pas aux miracles? En allant acheter le cadeau d'un enfant, une de mes mères Noël est tombée par hasard sur une boutique qui offrait des manteaux à 5$, car les tailles n'étaient pas conformes. Elle en a acheté 32!»

La tendre carapace

M. Brault poursuit: «Un enfant a écrit au père Noël: «Viens, je te donnerai des biscuits.» Certaines lettres font preuve d'une maturité qui n'a pas d'affaire là. La vie a forcé ces petits à être ailleurs, seuls au monde. Moi, dans mon enfance à Drummondville, j'ai connu des Noëls magnifiques. Et là je suis en contact avec la chair à vif!»

Le cadeau que l'enfant reçoit est à la fois un plaisir et une tristesse. Comment fait-on pour se protéger, pour ne pas sombrer dans la désespérance? «Je suis un professionnel de l'intervention. J'ai fait ma vie dans la souffrance. Il y a des techniques, des moyens pour protéger sa santé mentale», assure-t-il.

Et puis il y a d'autres larmes qui lui viennent devant la bonté. Une mère monoparentale: «Donnez-moi une lettre, je veux contribuer.» Des témoignages, des gestes simples, toujours anonymes. Sauf que de temps en temps, il faut bien donner l'exemple. Comme la chanteuse Marie-Mai, qui a répondu il y a un an à l'appel de l'un de ses jeunes fans, atteint d'un cancer au cerveau en phase terminale.

«La plus belle chose pour moi? Découvrir chaque fois combien les gens sont bons! Particulièrement avec les enfants. Et de voir tous ces héros, pères Noël, lutins, participer à la pérennité de l'oeuvre», conclut M. Brault.