Dépassements de coûts, escalade des tensions avec l'entrepreneur, chantier qui se prolonge indéfiniment... Lorsque l'on rénove, difficile de ne pas virer complètement marteau. Le secret pour des travaux sans douleur? Les atomes crochus.

Dépassements de coûts, escalade des tensions avec l'entrepreneur, chantier qui se prolonge indéfiniment... Lorsque l'on rénove, difficile de ne pas virer complètement marteau. Le secret pour des travaux sans douleur? Les atomes crochus.

Yves et Geneviève (noms fictifs), un couple dans la trentaine, ont entamé la rénovation de leur salle de bains à la mi-mars. Le projet, qui devait durer une semaine, a pris trois fois plus de temps que prévu. À un moment, le constructeur a tenté de déboucher le drain du bain durant plus de huit heures avant d'accepter de faire venir un plombier qui a réussi l'opération en 10 minutes. Vers la fin du chantier, il a fallu six heures pour effectuer l'installation d'un seuil de porte. Pour justifier les excès de temps, l'entrepreneur a eu recours au chantage émotif, prétextant avoir des problèmes dans sa vie privée.

«À ce moment, le lien de confiance était brisé et les relations, tendues, explique Geneviève. C'était rendu au point où il voulait que je sois présente à chaque décision qu'il prenait. Cette expérience m'a appris à ne pas m'entêter lorsqu'il n'y a pas de chimie avec quelqu'un.»

 Des histoires de rénos qui tournent au vinaigre, Guy Simard, conseiller technique en bâtiment à l'Association provinciale des constructeurs d'habitation du Québec (APCHQ), en a entendu des centaines. «Si ça ne clique pas dès le début, même si l'entrepreneur a très bonne réputation, il est peut-être mieux de faire appel à quelqu'un d'autre», dit-il.

À son avis, il est primordial d'avoir une bonne communication avec le maître d'oeuvre dès l'étape des plans. «Si vous vous rendez compte qu'il ne prend pas le temps de vous expliquer tous les détails du projet, c'est qu'il y a anguille sous roche.»

Qui m'aime me suive

Pour un plus gros projet, la chimie entre les différents membres de l'équipe de rénovation est aussi cruciale. «Les gens choisissent les sous-traitants presque uniquement selon le prix», déplore Peter Donovan, entrepreneur. «Pourtant, des ouvriers habitués à travailler ensemble sont beaucoup plus efficaces.»

Pour écarter les frais supplémentaires sur la facture finale, il faut également éviter de demander des suppléments aux sous-traitants sans en parler à son contremaître. «Les clients tentent souvent de jouer dans le dos du chef de projet en demandant des travaux supplémentaires aux ouvriers en pensant que c'est gratuit. Mais lorsqu'ils reçoivent la note, ils font vraiment le saut! C'est généralement là que les relations s'enveniment», dit Peter Donovan.

Bonnes relations

Pour favoriser la bonne entente avec les ouvriers tout au long du projet, l'APCHQ suggère de leur réserver en tout temps un accès aux toilettes, à l'eau et au téléphone. Les rapports devraient également rester polis. L'emploi du vouvoiement est de mise dès le début du chantier. Finalement, la confiance envers les ouvriers est très importante «même s'il faut continuellement vérifier leur travail», précise Guy Simard de l'APCHQ.

«Les clients déplaisants ont de la misère à lâcher prise», déplore l'ébéniste Jean-François Vézina. «Il est très important de laisser les ouvriers faire le travail. Le résultat sera beaucoup plus réussi, c'est certain», conclut-il.

Sport extrême pour le couple

 Des séparations pour cause de travaux qui tournent mal, l'ébéniste Jean-François Vézina et l'entrepreneur Peter Donovan en ont vu plus d'une. Les constructeurs ajoutent que, plus souvent qu'on ne le croit, des chantiers s'interrompent abruptement en raison de ruptures, surtout chez les jeunes tourtereaux.

 Le couple qui s'engage dans l'aventure des rénovations doit donc être fort et préparé. «C'est toujours plus exigeant que les gens ne l'évaluent», affirme Johanne Côté, psychologue spécialiste en thérapie conjugale. «On sort de notre routine et de notre zone de confort. Faire des travaux peut nous plonger dans des situations extrêmes. On dépense plus d'énergie et on atteint plus rapidement nos limites.»

 Selon la psychologue, il ne faut pas entamer des travaux pour se rapprocher en tant que couple. À son avis, il faut se poser deux questions : «Est-ce qu'on est capable de se rajouter du stress? Notre amour est-il assez fort? Les gens ont de la misère à s'évaluer», souligne Johanne Côté. Elle conclut que le secret pour rester équilibré est de se planifier des moments de détente à deux loin du chantier.

Cinq conseils pour rénover l'esprit en paix

 1- Planifier : Pour des travaux majeurs, les spécialistes conseillent aux propriétaires de commencer à planifier un an avant la date de lancement. «Très souvent, les gens commencent leurs travaux avant même que les plans soient finalisés», affirme David, un designer d'intérieur de Québec. Pour éviter les dépassements de coûts et les mauvaises surprises sur le chantier, il vaut mieux avoir terminé les plans et effectué tous ses achats avant le début des rénovations. La consultation d'un architecte ou d'un inspecteur est également recommandée.

 2- Prévoir un coussin : L'Association provinciale des constructeurs d'habitation du Québec (APCHQ) suggère sur son site Web gomaison.com d'arrondir son budget à la hausse de 10 % à 20 % pour les imprévus et les «tant qu'à y être». De plus, une fois le contrat signé avec l'entrepreneur, une somme supplémentaire équivalente à environ 30 % du montant du contrat doit être dégagée pour servir de coussin en cas de problèmes.

 3- Étudier les plans : Pour éviter les accumulations de frais imprévus, il est très important de comprendre exactement les plans confectionnés par l'architecte, le contremaître ou le designer. «D'habitude, les gens qui demandent des "extras" ou qui sont insatisfaits du résultat final n'ont pas regardé leurs plans ou ne les ont pas compris», dit l'ébéniste Jean-François Vézina. «C'est important de savoir où on s'en va. Quitte à payer un professionnel pendant deux heures pour se le faire expliquer page par page!»

 4- Inscrire toutes les modifications au contrat : Guy Simard, conseiller technique en bâtiment à l'APCHQ, suggère de suivre de près l'évolution du projet. «Toutes les modifications devraient être mises sur papier, estimées et signées par les deux parties», dit-il. «De plus, demandez d'être facturé au fur et à mesure pour éviter d'avoir à payer tous les "extras" à la fin.»

 5- Sortir! : «Rénover est plus dur sur les nerfs qu'on le croit», lance Guy Simard. Ainsi, si les moyens le permettent, les propriétaires devraient profiter du moment des travaux pour s'évader le temps d'une fin de semaine, question de se ressourcer et de donner un peu de répit aux ouvriers.