Il suffit souvent de quelques bouts de bois et d'un peu de quincaillerie. La cabane, notre premier toit à tous, ne tient qu'à quelques matériaux rudimentaires. Nichée dans les arbres, elle devient le refuge par excellence. Impossible en bas d'en capter le moindre secret, et les adultes n'y sont bienvenus que sur invitation spéciale... ou pour y déposer une collation. Bienvenue dans l'enfance de l'architecture.

Il suffit souvent de quelques bouts de bois et d'un peu de quincaillerie. La cabane, notre premier toit à tous, ne tient qu'à quelques matériaux rudimentaires. Nichée dans les arbres, elle devient le refuge par excellence. Impossible en bas d'en capter le moindre secret, et les adultes n'y sont bienvenus que sur invitation spéciale... ou pour y déposer une collation. Bienvenue dans l'enfance de l'architecture.

 Bâtir une cabane haut perchée

 Une maison dans les arbres, c'est romantique. Symbole par excellence de l'enfance, elle nourrit les rêves et les coups pendables... en autant qu'elle tienne debout! Voici quelques conseils prodigués par Louis Hurtubise, qui vient d'en ériger une pour son petit-fils, et par Martin Rousseau, un entrepreneur qui en construit professionnellement depuis 15 ans.

 > Un seul arbre robuste et en bonne santé suffit pour bâtir une cabane. On l'érigera alors tout autour, en s'appuyant sur le tronc, ou encore en ajoutant des madriers au sol pour supporter la structure.

 > Les matériaux récupérés donnent un air sympathique à une maison dans les arbres, mais mieux vaux utiliser du bois traité neuf pour supporter le plancher. On s'assure alors d'une solidité à long terme.

 > Certaines vis ne conviennent pas au bois traité et s'oxydent rapidement. Les fabricants de quincaillerie indiquent sur leur produit s'il convient ou non à ce type de bois.

 > Si un arbre passe au travers de la cabane, un espace d'au moins cinq centimètres autour du tronc ou des branches lui permettra de grandir sans abîmer la construction.

 > Construire une cabane seul relève de l'exploit. Pour construire la plateforme, plusieurs paires de bras peuvent être nécessaires.

 > Des outils sans fils assurent une certaine sécurité. Juché à trois mètres du sol dans une échelle, la gestion d'un cordon d'alimentation comporte des risques.

 > Il est préférable d'enlever les pierres au pied de la cabane. Si par malheur un enfant tombait, il risquerait alors de se blesser gravement.

 > Un tour de reconnaissance régulier préviendra une détérioration prématurée. Dès qu'un étau se relâche et qu'un clou se relève, on effectue les correctifs.

Un nid pour Léonard

 Un feu de camp crépite, pendant que Louis Hurtubise profite du soleil, au bout d'un quai. Il entend jouer son petit-fils de 9 ans, Léonard, mais il ne le voit pas. Le garçon, du haut de sa cabane dans les arbres, installe une corde pour ses soldats de plastique.

 Même tout près, on ne devine pas la présence de la maisonnette. La forêt dense de la région de Saint-Alphonse-de-Rodriguez, dans Lanaudière, la cache complètement. Seuls les «wouaaaaaah!» du garçon, occupé à lancer ses personnages en bas de la plateforme, trahissent sa présence.

 Léonard ne descendra qu'attiré par du «cipâte» aux bleuets. Après avoir avalé son dessert en un rien de temps et largement complimenté sa grand-mère sur sa cuisine, le revoilà reparti dans les arbres.

 Le jeune propriétaire laisse volontiers les adultes le rejoindre dans sa cabane, mais il octroie un passage privilégié à son grand-père. C'est lui qui, l'an dernier, lui a construit son nid dans les arbres.

 Tout naturellement, il fut alors décidé que l'abri se nommerait «la cabane à Louis».

 «Ça m'a tellement fait plaisir, raconte M. Hurtubise. Ça allait de soi que je fasse ça pour Léonard...» Le grand-père s'arrête, visiblement ému de voir son petit-fils si heureux d'avoir sa propre maisonnette.

 «J'ai aidé mon grand-père à la construire, renchérit le garçon. J'ai cloué cette planche, et puis celle-ci. Mais ce que j'ai préféré, c'est l'aider à faire le trou pour l'échelle.»

 À une douzaine de pieds dans les airs, la cabane à Louis compte une plateforme de bois, un toit fait avec la toile d'une vieille tente-roulotte, et des câbles en guise de garde-corps. Quatre enfants peuvent s'y amuser confortablement.

 Responsable de l'aménagement de sa maisonnette, Léonard préconise un style plutôt minimaliste. Deux sièges, des boîtes de plastique, un bac dans lequel il range quelques jouets, et une corde de nylon vert lui suffisent. La forêt complète le décor.

 Quand ses copains l'accompagnent sur la terre familiale, ils s'amusent des heures perchés dans les arbres. De la cabane, ils ont une vue sur un lac, et sur l'aire de pique nique où les adultes discutent.

 L'enfance de l'architecture

 Qu'elle soit perchée ou pas, la cabane devient, en quelque sorte, le premier toit que possèdent les enfants. Voilà ce qui pousse Martin Rousseau, président d'Aménagement MR, à en construire de façon professionnelle depuis 15 ans.

 «Les enfants ont souvent une idée très précise du type de maison qu'ils veulent, remarque l'entrepreneur de la région de Québec. Ils me parlent comme de petits architectes, et la plupart du temps, je réussis à leur livrer l'idée qu'ils avaient en tête au départ.»

 D'après lui, l'erreur que font bien des parents, c'est de surcharger la cabane qu'ils construisent. «C'est le principe de la boîte de carton: si on observe bien les enfants, on constate assez vite qu'ils n'ont pas besoin de fioritures. Il n'ont besoin que d'un coin à eux, où ils peuvent se cacher, tout en sachant que les adultes ne sont pas loin.»

 Bien que leur architecture soit simple, les cabanes d'Aménagement MR demandent beaucoup de planification. Au bout du compte, les parents qui font appel à l'entreprise paieront entre 3000 et 5000$ pour que leurs héritiers jouent dans les arbres derrière la maison. Le prix comprend une maisonnette fermée, un toboggan et un escalier pour y accéder. Martin Rousseau s'assure toutefois que le module de jeu puisse être déplacé en partie si la famille déménage.

 Pour une cabane plus simple, au bout d'une échelle de bois, Louis Hurtubise a pour sa part déboursé 100$. Pour la réaliser lui-même, il a travaillé deux fins de semaine avec son fils et son petit-fils. «Pour le plancher et les garde-corps, j'ai eu la chance de récupérer des matériaux ici et là», explique-t-il.

 Éco-cabanes

 Louis Hurtubise a construit la cabane de son petit fils en prenant un soin jaloux des arbres dans lesquels il travaillait. La plateforme est fixée à quatre cèdres grâce à des grosses vis et autant écrous. Transperçant des madriers, la quincaillerie ceinture chacun des arbres et les serre comme un étau.

 «Il n'y a pas d'inquiétude à avoir avec cette technique, assure le grand-père. Nous vérifions seulement de temps à autre que les écrous soient assez serrés.»

 Martin Rousseau utilise la même technique. Il lui arrive aussi de laisser les arbres entrer dans la cabane, plutôt que de les couper. «Ça fait partie du charme de ces maisonnettes, croit-il. Une cabane qui a des formes inégales ou qui est traversée par un tronc, c'est tellement plus vivant!»

La chicane autour de la cabane

 Si les enfants dictent eux-mêmes les règles qui régissent la vie dans la cabane, leur municipalité a quand même son mot à dire. Pour une question de hauteur ou d'emplacement, la plupart des villes du Québec peuvent faire détruire une maisonnette qu'elles jugent inadéquates. Autant s'informer avant de construire.

 D'une municipalité à l'autre, les règlements varient. La plupart d'entre elles exigent cependant que les cabanes dans les arbres ne soient construites qu'à l'arrière de la maison.

 «Dans l'arrondissement de Saint-Hubert, il y a un article spécifique pour les maisonnettes pour enfants dans un arbre, affirme Linda Rivard, chef des communications corporatives à la Ville de Longueuil. Il y est fait mention de la hauteur du plancher, qui ne doit pas excéder trois mètres, et des lignes de servitudes qui doivent être respectées.»

 L'arrondissement du Vieux-Longueuil permet aux enfants d'être légèrement plus aventureux, en jouant à 3,5 mètres du sol. Dans les autres quartiers de la ville, l'administration examine les projets un à un.

 Bataille jusqu'en Cour Suprême

 Pete Nelson, auteur du livre Un monde de cabanes, raconte dans son ouvrage qu'une mésentente au sujet des règlements municipaux n'a rien d'un jeu d'enfant. Au Mississippi, la famille Welch a dû se battre jusqu'en Cour Suprême pour empêcher la démolition de leur cabane devant leur cottage. Le couple et ses quatre enfants ont eu gain de cause, mais les frais judiciaires encourus se chiffrent à plus de 30 000$.

 «Nous suggérons fortement aux propriétaires de s'informer des règlements municipaux avant la construction de leur cabane, même si elle est toute petite. On évite alors une grande déception pour toute la famille.»

 

Photo André Tremblay, La Presse

Léonard et Louis ont une vue imprenable sur un lac, du haut de cette cabane dans les arbres.