Angle Saint-Anselme et boulevard Charest, côté sud, se précise l'ossature de l'immeuble de six étages en devenir du fonds d'investissement de la CSN, Fondaction. Elle est en bois. C'est pourquoi elle intrigue automobilistes et passants, plutôt habitués, pour ce genre de chantier, au béton et à l'acier.

Un badaud, rencontré sur les lieux, se confie au Soleil : «Je me demande si le bâtiment va tenir bon et s'il sera assez résistant au feu.» D'autant plus que les poutres, une fois le chantier terminé, demeureront apparentes.

 

Rien à craindre, dit Martin Girard, porte-parole de la Régie du bâtiment. «Le projet répond à tous les critères de résistance structurelle aussi bien qu'au feu», atteste-t-il. Tandis qu'il a été démontré, à la suite d'essais ou d'analyses, que le matériau et le système de construction, par équivalences, s'accordent aux exigences du Code national du bâtiment.

Directeur de l'administration de Fondaction, Jean-Pierre Simard déclare que la «structure est réputée aussi performante que le serait une autre en acier et [ou] béton».

Le bois employé est donc aussi sûr que l'un et l'autre. «Il n'est pas meilleur, mais pas moins», résume Sylvain Gagnon, ingénieur et chercheur au centre de recherche sur le bois FTInnovations, division Forintek, rue Franquet, à Québec.

FTInnovations, rappelle-t-on, est un organisme privé, sans but lucratif, de recherche et de développement qui exploite des laboratoires à Québec, Montréal et Vancouver. Il aura été partenaire dans la mise en oeuvre de l'édifice en hauteur, unique en son genre, de Fondaction.

«En réalité, l'immeuble est hybride. Il sera fait de bois, d'accord. Mais aussi de béton», rend compte le directeur de recherche du laboratoire de Québec, Richard Desjardins.

Car la cage d'escalier, en béton, telle une colonne vertébrale, encaissera les «efforts latéraux de la construction». Le poids du bois étant, au reste, inférieur à celui de l'acier ou du béton.

Plus gros

Encore que le bois de l'immeuble est plus gros que structurellement nécessaire. Ce, afin qu'il puisse mieux tenir tête au feu, le cas échéant. Il peut brûler, mais sans que soit mise expressément en péril l'intégrité de sa structure interne.

Car lorsque des poutres (14 po sur 28 po) de grande taille brûlent, un champ de carbone se forme à la surface. Ce qui protège la partie intérieure. Elles peuvent donc résister longtemps avant de crouler sous les charges «prescrites».

Bois construit

C'est sans compter l'immense génie du matériau lui-même. Il est construit. En fait, il s'agit de bouts de bois savamment assemblés.

Ce bois construit, avant qu'on n'en ait avalisé le principe, a été remué, brassé, tourmenté et «persécuté» en laboratoire, d'où il est sorti vainqueur. Ce, suivant l'approche du «ça passe ou ça casse».

D'un autre côté, si l'épinette blanche, le pin gris ou le sapin sont les essences les plus utilisées dans les «bois construits» ou d'ingénierie, c'est l'épinette noire, matière première de l'immeuble Fondaction, qui est la plus recherchée en raison de sa «haute tenue mécanique».

Il faut à l'épinette noire 90 ans avant sa complète maturité. Cependant, poussant posément dans les forêts boréales de chez nous, elle est petite quand on la récolte. «D'où sa haute densité et sa fibre robuste», se félicite M. Desjardins. De plus, elle cache bien ses attributs. Car, sur pied, elle paraît malingue.

Et parce que le «bois construit» ne fait pas de caprice quant aux longueurs, tout dans le tronc de l'épinette noire est employé. Y compris la tête.

Opposition

Tous les morceaux, dont les anneaux de croissance et les fibres s'opposent souvent pour une stabilité ou une force optimale, sont liés fermement à la colle phénolique, de polyuréthanne ou mixte. Elle n'émet qu'une quantité infinitésimale de gaz toxiques, comme en Californie, et se moque des températures élevées.

«Le côté écologique est fondamental dans le développement des adhésifs bien qu'ils soient surtout développés pour leurs capacités mécaniques, leur défense contre l'humidité, les incendies spécialement et leur pérennité», dit le directeur de la recherche.

Pour remettre les pendules à l'heure, il rappelle que les constructions monumentales telles que l'édifice Fondaction ne sont pas nouvelles sous le soleil. On en a fait, au Québec, dans le passé. C'est la tradition des poteaux et poutres qui continue, «mais de façon plus sécuritaire à cause de bois hautement technologiques».