Nicolas Girouard avait 21 ans quand il a acheté sa première habitation, en 1990. Il l’a rénovée et a fait de sa passion son gagne-pain. Douze propriétés plus tard, il s’est amusé à personnaliser l’intérieur du triplex qu’il habite, à Montréal, en mettant en pratique les principes verts qu’il préconise.

« Je me suis demandé comment je pouvais revaloriser le logement et le rendre moins moche, indique l’entrepreneur, à la tête de l’entreprise Les projets de Nicolas. Je l’ai complètement rénové. J’ai creusé 3 pieds sous les fondations. Et j’ai cherché à voir ce que je pouvais récupérer et recycler pour rendre la rénovation la plus écologique possible. »

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Nicolas Girouard aime cuisiner. Il a pris soin d’intégrer un récipient pour les matières organiques dans l’îlot. Il y a une ouverture circulaire dans le plan de travail en inox et un couvercle pour limiter les odeurs. « Plus c’est visible, plus c’est utilisé », précise-t-il.

Selon lui, rendre le bâtiment hyper performant n’aurait pas été meilleur pour l’environnement, car cela aurait entraîné beaucoup de gaspillage. « Il faut se demander comment on peut avoir le moins d’impact possible, précise-t-il. Est-ce logique, écologiquement parlant, d’arracher le gypse et les moulures, pour ensuite les remplacer avec des pertes de matériaux débiles et n’économiser que 200 $ par année ? En construction neuve, oui, il faut se préoccuper de l’efficacité énergétique. »

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D’anciens pots de vitre, qui servent dorénavant de verres, sont rangés sur deux tablettes de bois, qui servaient auparavant de solives de plancher.

Mais dans le cas d’un bâtiment bâti, le gros bon sens veut qu’on regarde les impacts au niveau écologique et économique, et qu’on choisisse ce qui est moins pire pour la planète. Il faut avoir une vision globale. Car après tout, le bâtiment le plus écologique est celui que l’on ne construit pas.

Nicolas Girouard

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D’anciennes solives de plancher et de vieilles boîtes à beurre ont été mises à contribution pour former une bibliothèque.

Certifié ÉcoEntrepreneur Plus par l’organisme Écohabitation, il s’est creusé les méninges par conviction, mais aussi pour se servir de sa maison afin d’inspirer les 150 à 200 étudiants qui viennent chez lui chaque année dans le cadre de formations organisées par Écohabitation, Solution ERA, l’APCHQ ou la Commission de la construction du Québec (CCQ).

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Les portes des armoires de cuisine ont été réalisées par un ébéniste, qui a pris les quatre côtés
et le fond d’anciennes boîtes à beurre pour faire un patchwork.

Des exemples dans toute la maison

Sa cuisine et son salon se distinguent particulièrement grâce à l’utilisation de matériaux récupérés. De la vaisselle est par exemple rangée sur deux tablettes de bois, qui servaient auparavant de solives de plancher. Cherchez les verres. D’anciens pots de vitre remplissent dorénavant cette fonction. D’autres anciennes solives de plancher ont été mises à contribution pour fabriquer une bibliothèque.

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Les armoires de cuisine ont été faites avec d’anciennes boîtes à beurre déconstruites.
Les caissons sont en mélamine sans composés organiques volatils (COV).

Ses armoires de cuisine ? Elles ont été faites avec d’anciennes boîtes à beurre déconstruites. Un ébéniste en a pris les quatre côtés et le fond pour faire un patchwork. Les caissons sont en mélamine sans composés organiques volatils (COV).

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L’inox, indestructible, contraste avec le bois.

« Je cherchais partout des vieilles caisses de bouteilles de vin en bois, avec des noms de château écrits dessus, raconte-t-il. J’en parlais à tout le monde. J’ai finalement trouvé chez la mère d’un ami un lot de 25 boîtes à beurre, qu’elle gardait depuis toujours. Je les ai achetées pour 100 $. »

Les caissons et la réalisation des façades des portes et de l’îlot ont coûté environ 2000 $, révèle-t-il. Deux immenses comptoirs et un dosseret en inox fabriqués par une entreprise montréalaise ont coûté la même chose, pour un total d’environ 4000 $.

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D’anciennes boîtes à beurre ont aussi été utilisées pour réaliser l’îlot. Le revêtement du plancher étant aussi en bois, l’inox ressort.

« J’ai choisi l’inox pour le contraste avec le bois et pour sa durée de vie, dit-il. C’est indestructible. Dans 20 ou 30 ans, si je suis tanné, je pourrai installer les comptoirs ailleurs et les réutiliser. On ne peut pas faire cela avec du granit, du quartz ou du Corian. L’inox, entièrement récupérable, s’intègre dans la philosophie d’un bâtiment écologique, ayant le moins d’impact sur la planète. »

Bien sûr, une surface en inox s’égratigne. Et les siennes ne font pas exception. « Plus il y a d’égratignures, plus cela veut dire qu’il y a eu des partys de Noël et des fêtes de famille », souligne celui qui aime beaucoup recevoir parents et amis — quand nous ne sommes pas en période de confinement. « Il y a plein de traces et cela fait partie du vécu. Comme dans un restaurant, on voit qu’elles ont été utilisées. Mais c’est complètement propre et on n’a pas à craindre les éclaboussures de vin rouge. »

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Nicolas Girouard a aussi économisé en achetant des électroménagers neufs, mais légèrement abîmés.

Quant aux briques ornant un mur de la salle à manger, elles n’ont pas été posées lors de la construction de la maison, en 1929. Patiemment, Nicolas Girouard a plutôt récupéré une par une les briques qui entouraient l’ancienne cheminée, du sous-sol jusqu’à la toiture. Certaines portent encore des traces de peinture blanche ou noire, indiquant qu’elles-mêmes ont jadis été récupérées. « Elles ont une troisième vie, croit le propriétaire. C’est cool d’avoir des artefacts installés peut-être pour la première fois en 1860 ou 1880, dans le Vieux-Montréal. »

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Nicolas Girouard a récupéré une par une les briques qui entouraient l’ancienne cheminée, du sous-sol jusqu’à la toiture. Elles ajoutent beaucoup de chaleur dans la salle à manger, ouverte sur la cuisine. Certaines portent des traces de peinture blanche ou noire, indiquant qu’elles-mêmes ont jadis été récupérées.

Le plancher ayant dû être remplacé, le choix du revêtement a aussi été réfléchi : les lattes d’érable argenté huilé, d’une entreprise québécoise, sont étroites, de longueurs inégales et de grade 3. « Ce type de bois, qui est presque un déchet, ne coûte pas cher, indique-t-il. Or, c’est un produit intéressant, économique et écologique. »

Sa cuisine et sa salle à manger représentent fort bien ce qu’il se plaît à répéter : écologique veut dire économique. De surcroît, il a aménagé un espace original pour recevoir parents et amis.