Derrière chaque maison d'époque se cache une histoire. Lorsqu'une famille de Notre-Dame-de-Grâce a décidé d'entreprendre des rénovations dans sa demeure centenaire, elle voulait faire place à la nouveauté, mais sans que son histoire disparaisse. Les architectes de La Shed ont eu le délicat mandat d'ouvrir les murs, tout en gardant leurs secrets intacts.

Écrin contemporain pour souvenirs anciens

Après avoir passé 15 ans dans cette résidence du début du XXe siècle à Notre-Dame-de-Grâce, les propriétaires étaient mûrs pour un vent de fraîcheur. Leurs trois enfants - qu'ils avaient élevés dans cette maison - grandissaient, et la configuration des lieux n'était plus optimale. Toutefois, pas question de faire table rase: ils voulaient par-dessus tout garder le cachet de leur maison d'époque, pour en conserver la beauté, certes, mais aussi parce qu'elle renfermait tous les souvenirs familiaux accumulés au fil des ans. Un défi délicat, que les architectes de La Shed ont accepté de relever. Voici, pièce par pièce, les changements contemporains qu'ils ont apportés, tout en mettant en valeur l'âme de la maison d'origine.

L'entrée

Dès l'entrée, on comprend tout de suite que la résidence qui date de 1916 a subi une importante intervention contemporaine, mais en gardant son charme suranné. «C'est une maison que les occupants ont beaucoup aimée et appréciée, donc si on démolissait tout et qu'on n'arrivait qu'avec du neuf, il n'y avait plus vraiment d'intérêt à la rénover», lance Sébastien Parent, architecte à La Shed, la firme qu'il dirige avec Renée Mailhot et Yannick Laurin. Lorsqu'on dépasse le vestibule, on se retrouve dans un immense espace lumineux, ouvert sur les deux étages. «L'ouverture sur tous les niveaux, qui est surmontée d'un puits de lumière, est un élément qui est assez frappant dans l'entrée», souligne l'architecte. L'intervention toute blanche s'insère délicatement entre les moulures, les boiseries et les planchers de chêne rouge, qui ont été conservés.

Le salon

Les propriétaires voulaient davantage de lumière, mais sans perdre l'aspect feutré qui caractérise les maisons d'époque comme celle-ci, précise Sébastien Parent. «Dans ces maisons anciennes, on a généralement des petites pièces, assez fermées, avec un intérieur plutôt sombre. Donc l'idée, c'était d'ouvrir, tout en pouvant être assis dans le salon et se sentir enveloppé. On souhaitait conserver les deux, c'était ça, le défi.»

La salle à manger

Comme le salon, la salle à manger est restée à peu près telle quelle, sauf pour l'immense fenêtre qui semble avoir été taillée avec un emporte-pièce tant ses contours sont précis. En effet, les cadres ont été encastrés comme pour donner l'illusion d'un tableau qui découpe le paysage. «Ce qu'on voulait, c'était d'ouvrir sur la cour pour amener de la lumière. Donc on est venus percer le fond de la salle à manger avec une fenêtre. Avec les cadres qui ne paraissent pas, ça a tendance à mettre en valeur le paysage», note l'architecte.

La cuisine

Comme la plupart des ajouts contemporains dans la maison, le mobilier dans la cuisine est tout blanc, que ce soit du Corian ou de la céramique. Aussi, tout ce qui a été ajouté est traité comme du mobilier, déposé en quelque sorte dans la coquille ancienne. «L'îlot a été travaillé comme une grande table sur quatre pattes, alors que le meuble au fond a été traité comme une armoire: il ne va pas jusqu'au plafond et ne touche pas aux murs de chaque côté. Ça devient des accessoires qui permettent de mettre en valeur ce qui est ancien et d'origine.»

L'étage

En haut de l'escalier, la passerelle de lattis de bois flotte au-dessus du vide. C'est là que se trouvent les trois chambres des enfants, ainsi que l'espace des parents, juché au-dessus de la cuisine. La passerelle est faite de lattis de bois ajouré, un schéma qui reprend délicatement les barrotins de l'escalier. Ces petits ponts de bois sont également faits de la même essence que l'escalier d'origine, en chêne rouge.

La chambre des parents

La chambre principale est séparée du reste de l'étage par une zone tampon, où se trouvent une salle de bains et une penderie de type walk-in pour les parents. Les architectes ont travaillé dans l'optique qu'on puisse tout ouvrir ou tout fermer, avec des portes pleine hauteur qui disparaissent dans les murs quand elles sont ouvertes. «Les propriétaires sont conscients que leurs enfants vieillissent et qu'un jour, ils vont peut-être habiter ici tout seuls», explique Sébastien Parent.

La cour

La maison d'origine possédait déjà une excroissance, mais son orientation - à droite de la façade - empêchait le soleil d'entrer dans la cour. Les architectes l'ont détruite et ont plutôt créé un ajout de l'autre côté de la façade, en crépi d'acrylique. Bien que contemporain, ce volume est typique du quartier, souligne Sébastien Parent. «Quand on se promène dans la ruelle, on en voit plein. C'est une réinterprétation de la volumétrie typique du village Monkland.» Toute la brique a été récupérée, notamment pour fabriquer la terrasse adjacente à la cuisine. Quant à l'aménagement paysager, il a été réalisé en partenariat avec Friche atelier.

La cour... anglaise

Puisque le rez-de-chaussée était déjà assez haut par rapport au sol, les architectes ont pu aménager aussi une cour anglaise, qui se trouve quelques pas plus bas, au niveau du sous-sol. On y accède en empruntant les escaliers en blocs de béton massifs. La petite cour devient un endroit idéal pour lire ou se relaxer, et ce, à l'abri des regards. Quant au plancher de la cuisine, il semble flotter et vient se poser délicatement sur la terrasse.

Photo David Boily, La Presse

En haut de l'escalier, la passerelle de lattis de bois flotte au-dessus du vide.

Les beaux contrastes

«Dans chaque pièce de la maison, il y a toujours un contraste entre un élément nouveau et un élément ancien», énonce Sébastien Parent. Les architectes (et les ébénistes avec lesquels ils ont travaillé) ont parfois dû faire des pieds et des mains pour arriver à ce résultat. En voici quelques exemples.

L'escalier

L'escalier, magistral, trône au centre de la maison. Auparavant caché entre deux murs, qui le soutenaient, il est maintenant visible à travers la baie vitrée qui donne sur la cuisine. Il a été démonté, restauré puis remonté avec une structure autoportante. «Ça devient comme un événement vedette dans la cuisine qui est toute blanche, et très graphique aussi», estime l'architecte Sébastien Parent.

Le vaisselier

Le vaisselier était autrefois encastré dans la salle à manger, où il faisait partie intégrante du mur où se trouve maintenant la grande fenêtre. S'ils voulaient absolument percer le mur, il était hors de question de se débarrasser du vaisselier, une vraie antiquité de la maison. Ils l'ont donc déplacé dans la cuisine et l'ont transformé en meuble, en lui fabriquant des côtés!

Photo David Boily, La Presse

L'escalier a été démonté, restauré puis remonté avec une structure autoportante.

La lingerie

La lingerie a été ajoutée dans la petite salle d'eau qui se trouve entre le rez-de-chaussée et le sous-sol. Tout comme le vaisselier, ce meuble a été déplacé: il était autrefois dans le couloir de l'étage. Tout le reste de la salle d'eau a été dessiné le plus sobrement possible par les architectes. «Les équipements sanitaires sont super épurés. Les lavabos, la barre à serviettes, le support à papier de toilette, tout a été choisi avec soin pour que ce soit intégré. On reste dans la simplicité pour que les parties anciennes soient mises en valeur.»

La grande ouverture

Cette ouverture entre le salon et la salle à manger, qui semble banale, a pourtant été agrandie en hauteur et en largeur. «On a conservé les cadres d'origine, mais on a élargi un peu les ouvertures», explique l'architecte. Ils ont même ajouté de la hauteur aux portes, et l'illusion est totale! «Tout a été fait avec des éléments anciens. C'était très important pour nous de ne pas faire du faux vieux, que tout soit authentique dans la maison.»

Les fenêtres 

L'autre salle de bains, située à l'étage, met aussi en évidence les éléments d'origine, dont la céramique blanche qui entoure le cadre de cette fenêtre. Petite illusion d'optique: quand il n'est pas tiré, le rideau de douche vient aussi habiller la fenêtre.

Photo David Boily, La Presse

L'ouverture entre le salon et la salle à manger a été agrandie en hauteur et en largeur.