Le journal que vous tenez entre vos mains, que vous mettrez demain dans votre bac de recyclage pourrait être converti en fibre (ouate) de cellulose isolante et insonorisante, se retrouver bientôt sur les tablettes de votre marchand de matériaux et, finalement, dans les murs de votre maison. Ce n'est pas de la fiction.

Plusieurs détaillants en vendent pendant que les entreprises spécialisées en isolation en offrent, puis en soufflent dans les murs et combles des habitations. D'autant que le produit, réputé efficient et de choix, est totalement écologique.

«Au Québec, on fait la mise en marché de la cellulose depuis au moins 30 ans», se rappelle Alain Baron, président et copropriétaire de Isolation Air-Plus de Québec.

Le papier journal (85 %) de rebut non contaminé - à moins que ce ne soit des fibres de bois recyclées - est moulu puis mélangé à du borax (15 %) qui est un sel cristallin de magnésium ou de sodium qui confère à la cellulose une remarquable résistance au feu.

En effet, le borax (ou sel de bore) produit des molécules d'eau lorsqu'en contact avec la flamme ou exposé à une très forte chaleur. Sans compter que le sel rend le matériaux répulsif aussi bien aux insectes qu'à la moisissure.

Parfois, pour stabiliser la cellulose, lorsqu'installée dans des endroits plus à pic, on lui joint une légère bruine lors du soufflage. À moins qu'on y canonne une petite quantité de latex.

Industrie Bonneville (Beloeil), qui l'emploie systématiquement dans les maisons qu'elle usine et dont elle se félicite de la qualité, plaide que la «fibre de cellulose est un des rares matériaux à la disposition de l'industrie du bâtiment» qui soit complètement écologique.

Matériau, au reste, qui est avéré par Environnement Canada comme «Choix environnemental» et certifié Energy Star, mais à la condition qu'il soit mis en place suivant la méthode et les règles en vigueur. Bonneville prend part au discours selon lequel le matériau est recyclé, naturel, non polluant, non irritant. L'entreprise lie le sien avec du latex pour le garantir contre tout tassement lors du transport routier de ses maisons.

Rendement supérieur

Professeur et chercheur de réputation mondiale à la faculté d'architecture de l'Université McGill, le Dr Avi Friedman trouve la cellulose très opportune dans la construction de maisons. Il en fait l'apologie dans le livre Les maisons et les communautés de l'âge de l'information dont il est coauteur, paru en 2003, et édité par la Société d'habitation du Québec (SHQ).

«Sa résistance thermale est supérieure à celle de la majorité des fibres isolantes. De plus, cette fibre n'est ni irritante ni toxique», coécrit-il . Sans compter qu'elle n'exige que peu d'énergie pour sa fabrication.

Concepteur de la maison évolutive, flexible et abordable, dont on trouve quelques exemplaires dans la rue Léon-Provancher, à Saint-Nicolas, le courtois professeur Friedman se demande cependant si, sur une période de vie utile de 50 ans par exemple, le latex tiendra bon. Autrement, comment se comportera la cellulose?, oppose-t-il. Entre-temps, la fibre donne lieu, selon lui, à des économies environnementales extraordinaires.

Meilleur des deux mondes

Dino Mariotti est directeur technique et des ventes de la société de production d'isolant cellulosique Igloo de Pointe-Claire. Il plaide que la cellulose est le meilleur des mondes entre la laine et le polyuréthane.

Dans une maison, en coexistence, elle est complémentaire à l'une et à l'autre. La cellulose ne pouvant mieux faire que la laine pour envelopper les conduits, ni que le polyuréthane pour couvrir les lisses de rive ou les murs intérieurs inégaux ou tourmentés des fondations. Pour le reste, avec son facteur R élevé, sa capacité d'occuper complètement tout espace emmuré et sa nature totalement écologique, elle paraît vainqueure.

Quant à l'emploi du latex, trouve M. Mariotti, il n'y a pas de quoi fouetter un chat. La quantité employée est minime. On peut, théoriquement, le remplacer par un peu d'eau. «Une fois la cellulose stabilisée et que, par conséquent, elle tienne bien en place, qu'importe que l'eau soit absorbée par le matériau qui est d'ailleurs très sec ou que le latex, qui est on ne peut plus écologique lui aussi, se désolidarise. Ça ne fait pas de différence», soutient-il. Chez Isolation Air-Plus de Québec, la cellulose représente au moins 98 % des ventes. «Nous en employons, en moyenne, 33 650 livres par semaine», dit Alain Baron. C'est énorme. Il se félicite de ses propriétés. Il ne lui trouve cependant qu'un défaut : elle est poussiéreuse lorsqu'on la souffle.