Saint-Séverin, je n'y étais jamais allée. Mais après avoir reçu un courriel de Lyse Marsan et Daniel Perron, le village de Saint-Séverin m'a tout à coup intriguée, ou plutôt son presbytère vieux de 100 ans que le couple a rénové de fond en comble. Grâce à Google Map, je me suis donc rendue jusqu'à Saint-Séverin de Beauce. Un charmant petit village niché dans les contreforts des Appalaches à environ une heure et demie de Québec.

Au coeur du village, il y a bien sûr l'église et le presbytère. Étonnamment, l'un et l'autre sont sains et saufs : l'église grâce aux efforts déployés par la Fabrique et le presbytère grâce à l'arrivée inopinée du couple Marsan-Perron. Un exploit quand on sait que la municipalité ne compte plus que 300 habitants.

 

«Mais quand nous avons racheté l'édifice en 2002, il était midi moins une», avoue Lyse Marsan. En priorité, ils ont restauré les 52 fenêtres du presbytère, la salle à manger et l'immense grange qui faisait partie de la transaction. Par la suite, le couple s'est attaqué à la cuisine, aux salles de bains et pour finir aux chambres à coucher, et ce, tout en conservant le cachet d'antan. Au total, 17 pièces ont été passées au peigne fin.

 

Respecter l'architecture

Mais que serait un presbytère sans son imposante galerie qui court sur quatre côtés? En fait, les galeries et garde-soleil sont un peu la marque de commerce des presbytères d'autrefois. Des installations qu'utilisaient messieurs les curés pour lire leur bréviaire. Or, afin de respecter l'architecture du bâtiment, Daniel Perron a voulu que la nouvelle galerie soit identique à l'originale. Pour ce faire, il a réussi à dénicher du bois centenaire conservé dans une scierie des environs. «Du matériel qui a servi entre autres à refaire le plancher et à tourner les 167 barrotins du garde-corps. Un travail de moine qui s'est étiré sur presque deux ans», explique M. Perron. Mais le résultat en valait la peine car, aujourd'hui, les gens s'arrêtent devant leur presbytère si bien préservé.

Et pour l'avoir visité, je peux jurer que l'intérieur est aussi authentique que l'extérieur. Au rez-de-chaussée, des murs de lambris, des cimaises, de larges moulures, des planchers de bois usés, un immense garde-manger qui remonte à l'époque des premiers curés. Deux grands escaliers. Le plus somptueux, celui qu'empruntait monseigneur lors de sa tournée des paroisses, l'autre plus modeste utilisé par la servante du curé.

Parmi les pièces de la maison, les salles de bains ont été les plus difficiles à rénover, signale le couple, parce qu'on voulait le confort moderne sans sacrifier au design original. Un des lavabos d'époque rendu inutilisable a dû être remplacé. Et c'est un artisan de Québec qui a eu la commande de sculpter le nouvel évier.

Photo: Patrice Laroche, Le Soleil

La salle à manger du presbytère est flamboyante. Les planchers sont d'époque, tout comme l'ensemble de la pièce. La table faite sur mesure a été conçue par un des amis du couple. Sur un des murs, Lyse Marsan a accroché une de ses oeuvres, qui illumine la pièce.

Concessions colorées

En fait, les seules concessions que Lyse et Daniel se sont autorisées concernent la couleur. Lyse Marsan, une artiste peintre de renommée internationale, a voulu personnaliser son intérieur. «On ne voulait surtout pas d'un presbytère tout en brun et beige, dit-elle, c'était beaucoup trop austère.»

L'artiste a puisé son inspiration dans son propre carrousel de couleurs pour donner à chaque pièce une thématique. Ainsi, à l'angle du deuxième étage, on découvre la chambre des Fauves dans les tons de brun chocolat, framboise et pistache. «Ça se veut un rappel de l'époque des Toulouse-Lautrec, Gauguin et cie», précise Mme Marsan. La suivante fait dans la simplicité, c'est la chambre du quêteux avec son petit lit de fer bleu délavé et son plancher sang de boeuf. Juste à côté, une chambre d'enfant tout en dégradé de bleu-vert.

Et sur la table de chevet, des livres aux titres évocateurs : Le temps des amours de Pagnol et Souvenirs pieux de Marguerite Yourcenar. Enfin, la dernière et non la moindre, la chambre des plaisirs dans les tons d'aubergine et caramel suggère la sensualité. «Il fallait bien être un peu grivois», déclare Daniel Perron en riant.

De l'autre côté du palier, c'est l'antre de Lyse Marsan, son lieu de création. «Je me suis gardé quatre pièces», dit-elle. La plus éclairée lui sert d'atelier, les autres ont été converties en salle de vernissage et d'entreposage et de remisage.

D'ailleurs, un peu partout dans la maison, les toiles de l'artiste complètent l'ameublement et ajoutent du piquant à la décoration. En toute modestie, les propriétaires avouent avoir rénové le presbytère tout simplement parce qu'ils en sont tombés amoureux fous.

Photo: Patrice Laroche, Le Soleil

Lyse Marsan et Daniel Perron