Elle est prodigieuse, pourtant. Car elle nous permet, suivant le principe du levier, de soulever et de déplacer des charges équivalant à au moins deux fois notre propre poids.

Elle est prodigieuse, pourtant. Car elle nous permet, suivant le principe du levier, de soulever et de déplacer des charges équivalant à au moins deux fois notre propre poids.

«Vous avez 5000 livres de gravier à transporter, comptez plus d'une douzaine de voyages. Ne vous employez pas à résumer tout ça à huit, vous persuadant que vous économiserez temps et efforts», met en garde René Boissonneault, conseiller chez Canadian Tire, arrondissement de Vanier.

À la toute fin, vous en aurez les épaules endolories, les bras allongés et le dos moulu. Cela parce que vous aurez surchargé. Le temps que vous avez voulu gagner est perdu tandis que la «sursollicitation» corporelle vous aura rendu provisoirement «inapte» au travail.

En fait, l'inclination à mettre dans la cuve de la brouette plus qu'on est personnellement capable de transporter est grande chez les gens.

«On possède une brouette à deux, trois, voire quatre roues. Elle est généralement réductrice de tensions corporelles ou est de moindre exigence musculaire», détaille l'ergonome et ergothérapeute Josée-Marie Couture de la firme Couture et Associés Ergonomes, rue Boisseau à Québec. Elle s'y entend en matière de manutention de charges.

Or le fait qu'une brouette ait plus d'une roue nous «envoie le message» qu'elle peut en prendre davantage. Ainsi, on surcharge et, ce faisant, on se prive des avantages qu'on cherchait. Soit se ménager le dos et les muscles.

Une seule roue

Ce qui ne veut pas dire qu'une brouette à une seule roue ne fait pas bien le travail et qu'elle soit plus éprouvante. Pour peu, bien entendu, qu'on s'en serve adéquatement.

Suffit que les manchons soient de bonne hauteur. Ce, afin qu'on puisse, le corps droit, fléchir légèrement les genoux et les redresser en soulevant les longerons des mains et des bras.

Ensuite, ne reste plus qu'à pousser jusqu'à l'endroit où on fera basculer par devant la cuve pour la vider de son contenu. Ici, avec le secours des mains et la force des bras.

En fait, insiste-t-on, on doit jamais soulever les manchons par la force du dos. Jamais.

Il faut aussi, précise l'ergonome et ergothérapeute, que les manchons ne soient pas trop près du corps, ni trop éloignés. En effet, ils doivent être alignés à la limite extérieure des épaules les bras pendants, peut-être même un peu en dehors. De sorte que le centre de gravité ne soit pas hors champ.

Préalablement, on aura rempli la cuve de sorte qu'il n'y ait pas plus de poids d'un côté par opposition à l'autre. Autrement, on n'en mènera pas large. On se sentira en déséquilibre et, du coup, il y aura risque de perte de contrôle, de chute et de blessure.

Imaginez à présent une brouette surchargée et, de surcroît, inadaptée à votre taille, les matériaux mal distribués dans la cuve, le soulèvement des manchons par flexion du dos et redressement par la force de celui-ci au lieu d'employer les genoux essentiellement, des mains humides contre des poignées de bois trop grosses et sans fini antidérapant.

Puis un pneu gonflé à bloc susceptible de rouler sur un terrain mou, pentu ou accidenté. Devant tant de facteurs défavorables, vous êtes en péril appréhendé.

Quelque prodigieuse que soit la brouette, il faut tout de même l'aider.

Puis, il ne faut jamais reculer avec une brouette, surtout si elle est chargée. Car, explique M. Boissonneault, on peut heurter un objet qu'on n'aura pas vu, tomber tout en recevant sur soi la brouette et sa charge.

Le pneu, lui, doit être un peu mou. De sorte qu'il ait plus d'emprise contre le sol. Dans le cas contraire, pense le conseiller, il ne travaillera que sur la bande de roulement et sera porté à patiner.

Essayer

Chez les détaillants, les brouettes de démonstration sont d'ordinaire accrochées. Car, sur le parquet, elles prendraient trop de place, les marchands cherchant le plus haut rendement possible du pied carré exploité.

Aussi le consommateur est-il contraint à acheter sa brouette du regard. En pointant le doigt, il montre au vendeur celle qu'il veut. Ce dernier la lui descend, à moins qu'on ne lui remette un boîte en contenant une identique, mais en pièces détachées. Le produit et son prix le satisfaisant à première vue, l'acheteur passe à la caisse.

Il faut se défendre contre ça, pense Mme Couture. Priez le vendeur de la descendre afin que vous puissiez l'essayer. «On n'achète pas une brouette à l'oeil», plaide-t-elle.

Vérifiez la hauteur de ses manchons, leur ouverture «entre», la grosseur de la cuve suivant vos besoins, la solidité d'ensemble aussi bien que des composants. Puis la maniabilité de l'outil, sa capacité ou non de prendre des virages courts.

À savoir:

- On n'achète pas une brouette à l'oeil. L'ergonome et ergothérapeute experte en manutention de charges Josée-Marie Couture vous le dira. Il faut l'essayer. Ce faisant, on sentira si elle nous convient ou non. Néanmoins, il faut tenir compte de certains détails.

- La hauteur: On fléchira légèrement les genoux pour saisir les manchons en gardant la dos droit. Si on doit plier trop, on aura l'impression d'être à l'étroit comme dans une voiture trop petite pour soi.

- L'envergure des manchons: chacun ne doit pas dépasser la limite extérieure de l'épaule.

- Grosseur de chaque poignée: la main doit, en principe, l'entourer complètement. Idéalement, chacune doit être antidérapante.

- Virages: Ils doivent êtres courts; dans le cas contraire, le transport sera plus long et on aura besoin de plus d'espace.

- Roue: Pour une meilleure maniabilité, elle doit être pourvue d'un pneu de bon diamètre.

- Besoins: Mais avant de se rendre chez son marchand, il faut connaître ses besoins, ce qu'on veut transporter, sur quel terrain et à quelle fréquence.

- «La main, par exemple, doit faire le tour complet de la poignée antidérapante. Le poids aussi peut avoir son importance», continue Mme Couture.

- Une cuve en acier est plus pesante cependant qu'une autre en polypropylène, par exemple, sera plus légère et, en principe, aussi résistante. Elle peut être aussi en résine.

Comment être certain finalement que la brouette nous va comme un gant? demande Le Soleil à l'ergonome et ergothérapeute.

«En la prenant et en la manipulant, on le sent d'ordinaire tout de suite», répond-elle.

Quant aux modèles à deux roues d'une part, à quatre roues et à bascule d'autre part, ils sont sans doute «facilitants», croit Mme Couture.

Mais à quoi bon s'il faut de grands déplacements pour contourner des obstacles et plus d'espace pour circuler? se demande-t-elle.

On aura voulu déployer moins d'efforts pour le transport du gravier ou de la terre; on a visé l'outil de nature à réduire l'appel musculaire. On croit avoir trouvé la brouette miracle. Mais voilà qu'on s'aperçoit, à l'usage, qu'elle n'est pas très maniable sur certains sol, nécessite des virages à longs rayons et augmente le temps et les distances de déplacement.

La brouette à quatre roues dont les deux de derrière sont dures et pivotantes convient pour les sols unis et durs. Dans un sol mou, accidenté ou sur du gazon, les roues arrière seront les premières à s'embourber. Il faudra mettre de l'énergie et de la force musculaire pour se tirer de là.