La présence de nouvelles gares le long du trajet du Train de l'Est crée une rare occasion de repenser l'aménagement des terrains situés tout autour, notamment pour réduire la dépendance à l'automobile et limiter l'étalement urbain. L'arrivée du train annonce-t-elle une nouvelle façon de penser la ville et, surtout, sa banlieue?

Un grand exercice de réflexion se fait un peu partout dans la région du Grand Montréal, à proximité des gares et des stations de métro.

D'ici 2031, les municipalités de la Communauté métropolitaine de Montréal se sont en effet lancé le défi de planifier l'aménagement de leur territoire de façon à intégrer au moins 40 % de leurs futurs résidants dans de nouveaux quartiers structurés autour des transports collectifs, selon les principes du TOD (Transit Oriented Development). Il s'agit de l'une des priorités du Plan métropolitain d'aménagement et de développement (PMAD), adopté en décembre 2011.

Le concept, élaboré aux États-Unis dans les années 90, vise à créer des quartiers denses, dynamiques et multifonctionnels dans un rayon de 600 m à 1 km de marche du transport collectif. Pour instaurer de véritables milieux de vie, une diversité d'activités autour d'un coeur à vocation commerciale, ainsi que des espaces publics favorisant les déplacements à pied, sont nécessaires.

Ces principes sont en mis en application à Montréal depuis longtemps, fait remarquer Russell Copeman, maire de l'arrondissement de Côte-des-Neiges - Notre-Dame-de-Grâce et responsable notamment de l'habitation et de l'urbanisme au sein du comité exécutif à l'hôtel de ville.

Pour une ville déjà axée sur le transport collectif, l'arrivée du Train de l'Est est une occasion d'augmenter les déplacements en transport en commun, de favoriser les déplacements à pied et de consolider des endroits déjà établis, souligne Sylvain Ducas, directeur de l'urbanisme et du développement économique de la Ville de Montréal.

Cette vision se reflète dans le schéma d'aménagement et de développement de l'agglomération de Montréal, qui fait l'objet actuellement d'une consultation publique. Celui-ci intègre les orientations du PMAD de la Communauté métropolitaine de Montréal, tout en tenant compte des orientations que se fixent les 16 municipalités de l'agglomération de Montréal.

Dans cette optique, des endroits spécifiques où la densité peut être augmentée sont ciblés, d'une extrémité à l'autre de l'île.

Différent en banlieue 

L'adoption du PMAD, qui vise l'implantation de 155 aires TOD dans 14 des 82 municipalités de la Communauté métropolitaine de Montréal est en soi significatif, estime Paul Lewis, doyen de la Faculté de l'aménagement de l'Université de Montréal.

«C'est un premier pas pour dire comment la CMM veut aménager la région de Montréal, dit-il. Les suivants iront plus loin. Ce qui se cache derrière, c'est le processus de densification de la banlieue, qui est déjà en cours.»

Selon lui, les terrains autour des gares du Train de l'Est seront mis en valeur dans un horizon plus ou moins long. Mais il doute qu'ils deviennent de véritables aires TOD, surtout en banlieue.

«Dans le mot TOD, la lettre la plus importante est le T, pour "transit", dit-il. Avec le Train de l'Est, ceux qui travaillent au centre-ville de 9 h à 17 h la semaine sont choyés. Mais ce n'est pas si simple pour ceux qui ont des horaires atypiques ou veulent aller magasiner au Carrefour Laval. Le tracé est fait pour se rendre au centre-ville et il n'y a pas suffisamment de départs pour laisser aller son auto. Ce n'est pas comme quand on habite à côté d'une station de métro. Si on habite à Mascouche, c'est presque impossible de se passer d'une voiture.»

Le concept du TOD ne peut s'appliquer de la même façon à Montréal qu'à Mascouche, indique Francis Villeneuve, directeur des communications de cette municipalité. «Le concept doit être adapté à la réalité d'une ville de notre gabarit, précise-t-il. C'est l'occasion de voir les choses différemment et d'établir une vision orientée vers l'avenir. C'est un défi très stimulant.»

La vision des aires TOD pourrait être poussée plus loin dans le Schéma d'aménagement et de développement de l'agglomération de Montréal, estime Félix Gravel, responsable des campagnes de transport, GES (gaz à effet de serre) et aménagement du territoire au Conseil régional de l'environnement de Montréal. Le schéma devrait inscrire les bonnes pratiques à respecter pour créer des milieux de vie complets, croit-il.

«Sinon, il se fera de la haute densité sans penser à la qualité de vie, précise-t-il. La densité permet de faire de bonnes choses, mais elle n'en est pas garante.»

Selon lui, il faut prendre le temps de mieux définir les aires TOD pour qu'elles deviennent la manière de faire des villes du XXIe siècle. Les gens auront alors le goût de les habiter!

À savoir

CMM

Communauté métropolitaine de Montréal, que forment les 82 municipalités de l'île de Montréal et des environs.

PMAD

Plan métropolitain d'aménagement et de développement. Les municipalités de la CMM ont adopté cet ambitieux plan en décembre 2011. Celui-ci fixe des balises au développement et prône une utilisation plus rationnelle de l'espace.

TOD 

Transit Oriented Development. Ce concept élaboré aux États-Unis dans les années 90 vise à créer des quartiers denses, dynamiques et multifonctionnels dans un rayon de 600 m à 1 km de marche des transports collectifs. Les principes ont été établis pour contrer l'étalement urbain et diminuer la dépendance à l'automobile en banlieue.