La mairie de Boston en a fait sourciller plusieurs lorsqu'elle a annoncé son intention d'autoriser la construction d'appartements plus petits que jamais. Y aurait-il vraiment un marché pour cela? Les jeunes professionnels seraient-ils vraiment prêts à payer - cher - pour rester, certes au centre-ville, mais dans un logement à peine plus grand que le salon de celui qu'ils pourraient s'offrir en banlieue?

Dix jours après avoir dévoilé ses plans lors d'une activité «portes ouvertes», l'un des premiers projets construits en vertu des normes permettant de vendre de plus petites unités d'habitation à Boston - le Factory 63 - avait déjà reçu 47 dossiers de candidature pour les 28 unités offertes en location. «Il a fallu organiser une loterie! On n'imaginait jamais que l'engouement serait aussi fort, dès le début», note Jessica Ryan, gestionnaire de Factory 63. Le taux d'occupation est de 100 % depuis l'ouverture.

La Ville de Boston avait sa réponse: il y avait bel et bien un marché pour de plus petits appartements au centre-ville.

«Le coût élevé des logements et du développement immobilier est le principal défi de Boston, remarque Nicholas Martin, directeur des communications de l'Autorité de redéveloppement de Boston, responsable de l'aménagement du territoire. Il y a donc un besoin réel pour des logements plus petits, et donc potentiellement plus accessibles pour les jeunes professionnels.»

La location d'une unité à Factory 63 n'est pas ce que l'on qualifierait d'abordable, surtout d'un point de vue montréalais (1799 $ US par mois pour le plus petit studio en location, de 347 pi²), mais elle reste avantageuse: le coût moyen d'un appartement dans le centre-ville de Boston est de 3300 $ US par mois (selon l'index du géant de la location Zillow).

Services

Cela dit, le prix ne dit pas tout. En autorisant la réduction de la taille des logements sous la barre des 450 pi², la mairie a aussi obligé les promoteurs à offrir un minimum de services additionnels pour créer un effet de communauté qui semble plaire. Pour obtenir le permis de construction, les plans devaient prévoir une terrasse sur le toit et un salon à l'entrée pour accueillir les invités, par exemple.

C'est ainsi que le rez-de-chaussée du Factory 63 a été aménagé en vaste boudoir avec des tables, des divans modulables, une machine à café, un frigo et un petit coin cuisine. L'internet y est gratuit. Un écran mural permet à tous de lancer des invitations pour des événements qu'ils comptent organiser sur place: des cours de yoga, un lancement de disques, une conférence, une assemblée de quartier, etc. L'un des résidants, galeriste, supervise la rotation des expositions d'artistes locaux sur les murs. «Je viens ici pour changer d'air, sans vraiment sortir de chez moi», dit Phoebe, jolie rouquine attablée avec son ordinateur portable.

Deux salles de conférences peuvent accueillir jusqu'à 10 personnes pour les réunions privées. «C'est très tranquille et très pratique d'avoir cet espace, très lumineux, pour travailler avec des collègues sans nécessairement aller dans un café», explique David Tschiegg, dérangé en pleine réunion avec une collègue dans l'un de ces locaux... même si aucun n'habite l'immeuble! Surprise! Ces espaces sont ouverts à tous, pas seulement aux locataires. «Nous sommes dans un quartier où il y a beaucoup de travailleurs autonomes, de jeunes entreprises, nous voulons créer des espaces où les gens peuvent se retrouver», explique la gestionnaire Jessica Ryan.

Mais tout cela est peut-être... trop beau. Les projets mis sur pied suscitent un tel intérêt que l'«Innovation District» est devenu l'un des plus recherchés. «Les loyers sont plus élevés que ce que nous avions prévu et espéré», laisse tomber en entrevue Nicholas Martin. Les familles se font rares, aussi, puisqu'elles préfèrent avoir moins d'aires communes et davantage d'espaces privés.

La municipalité a donc récemment ouvert la porte à la construction de micro-unités dans d'autres secteurs, à la condition sine qua non qu'elles soient situées à 1,6 km au plus d'une ligne de transports en commun et qu'elles respectent les mêmes exigences en ce qui concerne la création d'aires communes. Un groupe d'experts de Harvard a aussi été mandaté pour étudier le projet et établir si la voie choisie par Boston était bel et bien la plus efficace.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Des trucs pour vivre à l'aise dans plus petit

  1. Penser plat

    Un écran de télévision plat, accroché au mur, c'est déjà mieux que les anciennes télévisions cubiques, mais c'est encore mieux s'il n'y a... rien du tout. Collins Dunns a troqué le sien pour un projecteur HD qui envoie ses images sur le vaste mur blanc, dénudé, de son salon. Une fois éteinte, la télévision disparaît comme par magie. «Je ne voulais pas d'une pièce centrée sur un écran, c'est laid.»

  2. Penser mobile

    Choisissez des meubles qui ne sont pas trop lourds et peuvent être déplacés facilement, au gré des envies et des visiteurs: on ne s'assoit pas de la même manière pour une soirée cinéma que pour un souper en tête à tête. Du coup, on réinvente aussi plus facilement son décor.

  3. Jouer avec la transparence

    Deux sections de murs de la salle de bains sont faites de verre givré. Même si la pièce sert d'écran entre la lumière du jour et la chambre à coucher, la lumière peut filtrer vers l'arrière du studio.

  4. Exposer

    Multiplier les armoires pour tout y ranger est une avenue séduisante: on verra moins ce qui traîne. En contrepartie, on risque d'alourdir les murs et l'espace avec des meubles trop massifs obstruant la lumière naturelle. Pourquoi ne pas en exposer certains, qui auront plus d'effet que s'ils sont cachés derrière des portes closes? Collins Dunn a, par exemple, préféré présenter sa batterie de cuisine au-dessus d'une rangée d'armoires plutôt que d'en faire installer une deuxième, qui aurait assombri le coin-cuisine.

  5. Bouger

    Quand la cuisine n'est que le prolongement de la chambre à coucher et qu'il n'y a pas, à proprement parler, de salle à manger, il peut être tentant de déjeuner, dîner et même souper au lit (en écoutant un film?). Erreur: vivez comme si les pièces étaient divisées, vous aurez moins l'impression qu'il vous manque des pièces.

  6. Louer

    N'hésitez pas à louer un rangement additionnel pour y entreposer les articles de saison (les skis l'été, etc.) et éviter d'encombrer votre espace quotidien. Prévoyez toutefois ces frais dans votre budget de location mensuel.

Micro?

La Ville de Boston a révisé, en 2012, ses règlements afin de permettre la construction d'unités de moins de 450 pi². Les premières ont été inaugurées en 2013 dans l'Innovation District. Les plus petits logements y font 375 pi², une taille qui, même si elle peut sembler importante comparativement aux studios construits dans les grandes villes d'Asie, tranche avec les standards américains. À Montréal, le règlement sur la construction et la transformation de bâtiments prévoit que la taille d'un studio doit être de 274 pi² au minimum et celle d'un appartement avec une chambre fermée, de 319 pi².

Ma vie dans un micro-appartement

Soixante secondes? Quand Collins Dunn propose à des amis de venir visiter rapidement son studio, il peut sincèrement leur proposer d'en faire le tour en moins d'une minute. Et ce, même s'ils prennent leur temps.

En franchissant la porte d'entrée de son studio, on passe directement du corridor commun au plancher de sa chambre à coucher - il n'a bien sûr pas de place pour un hall d'entrée, qui se résume à un petit tapis pour essuyer ses pieds. La pièce est accaparée en quasi-totalité par son lit. Le mur du fond est fermé partiellement par une salle de bains lilliputienne - avec douche mais sans baignoire, pour des raisons évidentes.

Un petit bloc-cuisine habille le couloir menant à l'autre pièce du studio: quelques armoires, un comptoir et un évier, les électroménagers d'usage sont encastrés d'un côté. De l'autre, une desserte en bois joue les rôles multiples de gardienne des provisions, de surface de travail, d'étagère à livres de cuisine. La pièce du fond est la plus grande et sert à la fois de salon, de salle à manger, de bureau, de chambre d'amis, etc. L'ensemble fait 435 pi2.

«La superficie que j'occupe est deux fois plus petite que dans mon dernier appartement, mais j'ai l'impression d'avoir autant sinon plus d'espace, raconte pourtant Collins Dunn. L'ensemble a plus de cohésion et le confort est nettement plus grand.»

Il faut dire qu'il a fait un sacré travail d'élagage avant d'emménager, réduisant ses avoirs à quelques boîtes. Au retour, il a pris du temps avant de meubler son nouveau chez-lui. Tout objet, avant d'entrer chez lui, a dû passer le test: «En ai-je vraiment besoin?» «A-t-il une signification particulière pour moi?»

Les livres, par exemple: Collins en a donné des dizaines, pour ne garder que ceux qui ont une valeur sentimentale ou l'inspirent actuellement. Ceux-là, il les expose sur ses deux tables en bois - sa table de travail et sa table à manger - comme des oeuvres d'art, à la vue de tous les regards, ou dans une petite étagère près de son lit. Les romans, les best-sellers à lecture unique, il les consulte sur un support électronique. «Les gens n'ont plus besoin d'autant d'espace maintenant que les livres et la musique se sont dématérialisés, dit Jessica Ryan, gestionnaire de l'immeuble. On ne me réclame plus d'appartements avec de grandes bibliothèques.»

À ce rythme, plus d'un an après avoir emménagé, il lui reste même encore un peu d'espace. «Quand j'aurai atteint ma limite, ce sera la règle: un objet entre, un objet sort», annonce-t-il.

«J'ai développé une relation complètement différente avec les objets. Je valorise davantage leur côté esthétique», explique-t-il. Il a ainsi décidé d'exposer ses casseroles parce qu'elles auraient pris trop de place dans ses armoires. Il a aussi dû se contenter d'un nombre réduit d'ustensiles - en installer davantage aurait alourdi et assombri le décor. «C'est non seulement plus joli, mais aussi plus pratique.»

En couple?

Mais plus que tout, Collins Dunn salue la présence d'esprit des architectes de la firme ADD, qui ont disposé la salle de bains et le coin-cuisine de manière à créer un écran entre la chambre à coucher et le salon. Du coup, il n'a pas l'impression de passer sa journée dans sa chambre. «C'est aussi très pratique quand on est en couple, on a un peu plus d'intimité», dit-il. Les couples sont toutefois assez rares et les familles, presque inexistantes dans les unités de Factory 63.

«J'ai vraiment trouvé ma place ici, je ne m'imagine plus déménager. Enfin, jusqu'à ce que j'aie des enfants», concède-t-il.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE