Vivre en ville comme au bord de l'eau à la campagne, c'est possible à Montréal. Quatre exemples à faire rêver...

Le grand air du lac

«Quand on vit au bord de l'eau, c'est tellement... vivifiant! Il y a des soirs où ça sent le poisson et les algues, comme au bord de la mer, comme près des grands lacs... On peut dire aussi que ça sent les vacances.»

Ses 69 ans sonnés et guillerets, Lauraine Ouellet se réjouit d'avoir enfin du temps pour les loisirs. Avec son mari Ghislain Ouellet, semi-retraités d'une carrière de vitriers, ils profitent du lac Saint-Louis autant qu'ils le peuvent.

Les époux occupent depuis 24 ans leur maison centenaire, naturellement climatisée par des vents qui prennent leur élan sur le lac, s'engouffrent par les fenêtres, traversent en musique les grands arbres et transforment en pendules les jardinières suspendues.

«Quand nous sommes arrivés ici, en 1990, les enfants étaient élevés, explique Lauraine. Mais nos petits-enfants ne nous ont connus qu'ici. Ils aiment bien profiter des activités nautiques. Vous devriez voir ma petite-fille Karolane filer sur la planche à pagaie [stand up paddle], accompagnée de son chien! Et avec les amis, on va en chaloupe.»

«Le problème, c'est que nous manquons de temps», commente Ghislain Ouellet, qui songe à délaisser le golf pour se consacrer davantage à la pêche.

Une promenade en kayak

Lorsque son mari va à la pêche, Lauraine Ouellet saute dans son kayak de mer - insubmersible - pour une heure et demie de promenade. Elle se rend d'abord à la hauteur de la réserve ornithologique, puis remonte le courant, en direction de Beauharnois, jusqu'à l'île Dorval. Pour revenir, elle laisse son embarcation descendre le courant. «C'est un des meilleurs exercices pour la femme, soutient-elle avec enthousiasme. Ça développe le haut du corps et affine la taille, tout en faisant aussi travailler les jambes. Ça améliore ma performance au golf! Mais surtout: c'est l'fun! Ça procure un grand sentiment de liberté, une agréable solitude.»

La promenade se termine souvent par une visite au lieu de pêche, où elle va saluer son mari et voir si l'achigan ou le doré ont bien mordu. «Une fois, les poissons étaient si vifs qu'ils sautaient presque dans mon kayak!», relate-t-elle.

Dès qu'il fait assez chaud, les Ouellet déjeunent, dînent et soupent dehors, utilisant souvent un barbecue de bateau, petit et performant.

Et que dire des siestes sous la saine brise du large! «Un merveilleux répit dans les périodes difficiles», confie Ghislain Ouellet. Pas de bruits de moteurs, à part ceux de quelques autos, qui circulent lentement à cet endroit. Parfois, un sifflement indique que deux paquebots se rencontrent. «Lachine, c'est un beau petit havre de paix, la campagne à 10-15 minutes du centre-ville de Montréal», résume Lauraine Ouellet.

L'hiver romantique

En hiver, le lac gèle sur les 10 à 15 premiers mètres, alors que le reste de l'eau demeure vif. «Une fumée blanche sort du lac, raconte Lauraine. Les abords sont givrés, c'est romantique, on se croirait dans Le docteur Jivago

Photo François Roy, La Presse

Lauraine Ouellet et son kayak, devant le lac Saint-Louis, dans l'arrondissement de Lachine.

Photo François Roy, La Presse

Une passion pour la rivière

Depuis toujours, la rivière des Prairies berce les jours de Jean-Charles Castonguay.

Quand il était enfant, à Pierrefonds, Jean-Charles Castonguay allait en famille, en bateau, visiter ses oncles et ses tantes établis eux aussi sur les rives. «À cette époque, le 24 juin, on allait à Sainte-Geneviève pour la bénédiction des embarcations», se souvient-il.

Plus tard, dans le but d'occuper la vingtaine d'adolescents qui gravitaient autour de sa maison - cousins et amis de ses deux enfants -, M. Castonguay père (Jean-Bernard) a fondé, avec d'autres parents, le Club de ski À-ma-baie. L'organisme, instigateur de compétitions et de spectacles qui motivaient fort les jeunes, a aussi procuré à Jean-Charles son premier emploi d'été, comme moniteur de ski nautique.

Cette maison familiale au bord de l'eau, Jean-Charles Castonguay y a vécu de 1964 à 1977, puis l'a rachetée avec sa compagne, Denyse Galarneau, 15 ans plus tard, en 1992, pour y habiter, une fois leurs propres enfants élevés.

Orientation professionnelle

Dans ses années de cégep, Jean-Charles Castonguay a fondé à son tour une école, devenue peu après l'École de ski nautique de Pierrefonds (1976-1992), laquelle a laissé de vibrants souvenirs à ceux qui l'ont fréquentée.

Quoi d'étonnant, avec ce parcours, que Jean-Charles ait choisi d'étudier en récréologie. Des années plus tard, il emmène ses deux petits-fils adolescents s'amuser dans l'eau.

«Les sports nautiques sont très formateurs pour les jeunes, soutient le dynamique grand-père. Si jamais j'oublie ma ceinture de sauvetage, ils me rappellent à l'ordre! Ces jeunes connaissent la valeur d'un cours d'eau et n'y jettent pas leurs déchets.»

Excursions

Quand les deux retraités mettent le cap sur l'ouest, en amont, les rapides du Cheval blanc font un intéressant but de promenade, de même que le lac des Deux-Montagnes, plus loin. «L'été, nous aimons aller bruncher à Sainte-Anne-de-Bellevue, à 25 km, soit une heure en bateau, dit Denyse. On va aussi aux rapides Lallemand, entre l'île Bizard et Laval-sur-le-Lac.»

Les deux Pétrifontains (habitants de Pierrefonds) pratiquent également le kayak et la planche à voile.

La ville toute proche

Pour aller en ville, il faut compter 15 minutes à pied jusqu'à la gare de Pierrefonds-Roxboro, puis 25 minutes de train. En voiture, le couple est à 30 minutes de la ville, et à 1 heure des pentes de ski. Denyse préfère les sports de neige, ce qui ne l'empêche pas d'adorer la rivière. «Après une journée exigeante, elle a le pouvoir de nous calmer, confie-t-elle. Quand j'arrivais tard de travailler, Jean-Charles avait préparé le souper et nous allions manger sur le bateau, en nous laissant dériver jusqu'à Saint-Vincent-de-Paul.»

Le matin, M. Castonguay aime bien faire un tour de kayak d'environ une heure et demi, pour aller jusqu'aux rapides du Cheval blanc et en revenir. «C'est un exercice complet», soutient-il. Il souhaite que les citoyens s'impliquent pour se réapproprier la rivière. Un exemple: «On s'est mis à quatre familles pour faire un tracé de slalom, car les ados ont toujours besoin d'un petit défi additionnel.» Dûment approuvé par Transports Canada, le tracé est en face du Bois-de-Liesse, un endroit sans gros bateaux, «car l'autoroute 13 fait déjà beaucoup de bruit».

La qualité de l'eau s'est améliorée depuis les années 80 (traitement des eaux d'égout), et de nombreux oiseaux sont revenus - grand héron, héron bleu, martin-pêcheur, canard, outarde - ainsi que des poissons comme l'alose savoureuse.

Côté pollution sonore, il n'y a pas vraiment de problème: «Ici, 90% des embarcations à moteur ne sont pas bruyantes», dit M. Castonguay.

Côté inondations, elles sont rares, et les Castonguay ont leurs propres repères: quand le niveau de l'eau arrive à une certaine hauteur de la maison d'en face ou du rempart du voisin, il est temps de vérifier l'état des pompes et de s'assurer que rien ne traîne sur le plancher du sous-sol! Un certain printemps, se souvient le couple, un embâcle s'est formé sur la rivière, et elle a débordé jusqu'à étendre une couche de glace dans la rue...

Régulièrement, l'heureux riverain va chercher en bateau son père Jean-Bernard, qui a maintenant 88 ans et qui vit dans une résidence... au bord de l'eau (L'Amitié). «On se promène sur la rivière, on s'emplit les yeux de verdure et on regarde couler l'eau», relate M. Castonguay.

La suite, demain.

Photo Olivier Jean, La Presse

Jean-Charles Castonguay au volant de son bateau.