Il y vente à écorner les boeufs. Il y a trop de soleil. Trop de moustiques. C'est trop haut, j'ai le vertige. À quoi bon les balcons si de moins en moins de gens ont envie de s'y trouver?

En fait, les balcons sont souvent utilisés pour des usages tout autres que ce pour quoi ils ont été conçus: pour le caca du chien, la nuit (on taira le nom de cette personne pour préserver ses relations de voisinage), comme quasi-débarras ou alors parce qu'il faut bien mettre le vélo quelque part.

«Moi, je ne vais pas sur le balcon parce que je ne trouve pas ça beau, dit Ilona Gruda, qui habite au 12e étage d'un immeuble du Plateau Mont-Royal. Il y a trop de béton, partout. Quand j'ai envie de prendre l'air, je préfère descendre et aller au parc La Fontaine.»

Le balcon? «Je n'y suis jamais, dit Jean-Guy Berlinguette, qui habite au 2e étage d'une grande tour de condos. Le boulevard, en face, fait trop de vacarme.»

Ève Roye Collinge, qui habite dans l'une de ces rues typiques de Notre-Dame-de-Grâce, note que le goût du balcon se perd, même dans son quartier résidentiel. Elle, elle adore. «Pour moi, le balcon, c'est l'extension de mon appartement, dit cette mère de deux ados. C'est une pièce supplémentaire où je mange, je bois, je fume, je me fais bronzer et où je reçois des amis.»

Elle est l'une des rares personnes, dans sa rue, à avoir fleuri et aménagé son balcon. «Autour de moi, à part le troisième voisin de droite et le quatrième de gauche, je ne vois personne sur son balcon.»

Dans le Plateau ou Notre-Dame-de-Grâce, ils contribuent tout de même au charme du quartier. Mais dans les hautes tours du centre-ville, ne devrait-on pas rayer tout simplement le balcon du paysage?

«Bon nombre de nos clients sont de premiers acheteurs qui tiennent encore au balcon, qui fait partie du rêve. Mais dans les faits, au 18e étage, ils n'y seront jamais, sur leur balcon», dit Jacques Vincent, coprésident de Prével, qui construit des tours de condos au centre-ville de Montréal.

Aux huit premiers étages, «certains balcons sont aménagés, mais pas au-delà de cela: souvent, il y a trop de vent».

Les architectes, note M. Vincent, ne sont eux-mêmes pas fous des balcons, «des éléments qu'ils jugent répétitifs».

Vrai, ils n'ont souvent pas la cote dans sa profession, dit Philippe Lupien, architecte chez Lupien Matteau, architecte-paysagiste et professeur de design de l'environnement de l'UQAM.

Vrai, ils sont loin d'être massivement utilisés, poursuit-il.

N'empêche, lui, il y croit. Il est convaincu qu'à une époque où l'agriculture urbaine gagne en popularité, le balcon peut retrouver ses lettres de noblesse.

Comme M. Vincent, M. Lupien croit aussi que l'on verra de plus en plus apparaître des loggias, cet élément architectural se présentant sous la forme d'un renfoncement en retrait de façade et qui peut être complètement engagé ou semi-engagé (par exemple, trois pieds à l'intérieur de la copropriété, un pied à l'extérieur).

Simion Matei, fondateur de la firme Condo-Vision, qui gère 600 copropriétés à Montréal, souligne, quant à lui, que le balcon a une grosse pente à remonter pour regagner l'estime de nombreux copropriétaires «qui ne le voient que comme un paquet de trouble».

Parce qu'ils sont souvent mal conçus et qu'ils ne permettent pas à l'eau de s'écouler, plusieurs balcons causent régulièrement de sérieux dégâts dans les copropriétés, note-t-il.

Leur entretien et leur remplacement souvent prématuré coûtent une petite fortune, de sorte que les syndicats de copropriétaires cherchent maintenant à se délester de toute responsabilité à leur égard. «Dans certains projets récents, on voit maintenant des balcons être cadastrés et être considérés comme à la charge complète du copropriétaire plutôt que du syndicat de copropriétaires», note M. Matei.

Fait à noter, aucun règlement municipal n'oblige l'intégration de balcons aux projets immobiliers, nous confirme la Ville de Montréal.