Un couple de Lachine s'est donné l'été pour autoconstuire la maison de ses rêves, avec vue sur le lac Saint-Louis, où il s'établira avec ses deux jeunes enfants. La Presse suit le chantier.

À première vue, ça semble simple. S'établir sur un terrain coup de coeur, dans une maison qui nous ressemble. Le bâtiment existant tombe en décrépitude, alors... on n'a qu'à le démolir et à reconstruire à neuf, en ne perdant pas de vue les limites de son budget. Les autoconstructeurs Marie Drinkwater et Nichol Pelchat, lancés dans une telle aventure, savent toutefois à quel point le chemin peut être semé d'embûches. Il y a un purgatoire à traverser, avant d'accéder à son petit paradis.

«Il faut s'attendre à des mois de démarchage», affirme Nichol Pelchat, qui signait, en septembre dernier, une offre d'achat conditionnelle à l'autorisation de démolition. Vers la mi-mars, le comité consultatif d'urbanisme (CCU) de Lachine acceptait le projet dans son ensemble. Mais il s'en fallait encore de beaucoup avant l'obtention officielle des permis de démolition et de construction. «Lorsque le comité de démolition autorise un projet, l'arrondissement doit respecter un délai légal de 30 jours d'appel avant de délivrer le permis, explique Pierre Dubois, chef de division Urbanisme, permis et inspections, à Lachine. Une affiche est posée sur la maison et une publication paraît dans les journaux. Cela afin de permettre aux citoyens de manifester leur désaccord, s'il y a lieu.»

Plus tard, au moment d'accorder ou non le permis de construction, un délai administratif sera également nécessaire pour l'analyse des plans d'exécution. «En automne, ça prend trois à quatre semaines, précise M. Dubois. Mais au printemps, saison plus active, il faut prévoir quatre à six semaines.» De façon générale, la Ville de Montréal établit le coût d'analyse des plans à 8,90$ par tranche de 1000$ de la valeur de la future maison. Nos deux autoconstructeurs en étaient à cette étape lorsqu'un imprévu a eu l'effet d'une douche froide sur leur enthousiasme.

Des frais de parc

Fin avril, un coup de téléphone apprend à Mme Drinkwater qu'ils devront payer des frais de parc de 26 000$ s'ils veulent qu'on procède à l'analyse de leurs plans. Dans l'industrie, les promoteurs immobiliers connaissent bien le Fonds des parcs: ils doivent consacrer 10% d'un terrain nouvellement loti à la création de parcs, ou alors verser au Fonds un montant d'argent correspondant à 10% de la valeur du terrain. Mais pourquoi une telle taxe à de simples citoyens? «Nous connaissions la taxe de bienvenue [droits de mutation immobilière], mais celle-là [les frais de parc], nous ne l'avions pas vue venir! confie M. Pelchat. Je me suis senti comme Astérix dans les dédales de la pyramide. C'est la pire partie de notre histoire. Enfin, nous avons payé. Nous voulions réaliser notre projet.»

Pierre Dubois explique que la loi provinciale donne le droit aux villes d'imposer des frais de parc aux particuliers. «Son application peut varier beaucoup d'un arrondissement à l'autre ou d'une ville à l'autre, ajoute-t-il. À Lachine, nous exigeons des frais de parc lorsqu'un projet de subdivision vise à augmenter le nombre de lots sur un terrain, ou lors d'un redéveloppement, comme dans le cas qui nous occupe.»

Cinq conseils de prudence

L'histoire de M. Pelchat illustre bien la vulnérabilité des autoconstructeurs, qui doivent redoubler de prudence, fait observer M. Dubois. Voici cinq règles de conduite.

1. Une fois repérée la propriété convoitée, la première chose à faire est d'aller voir un responsable municipal: inspecteur, préposé à la délivrance des permis ou conseiller en aménagement. Ce dernier répondra aux questions et posera quelques balises.

2. L'étape suivante consiste à consulter un professionnel, architecte ou technologue, qui fera le pont entre les besoins du client et la réglementation. Demander au professionnel des plans très détaillés, afin de les rendre faciles à exécuter pour les sous-traitants et de prévenir les dépassements de coûts.

3. S'informer auprès du plus grand nombre de sources possibles. Demander à l'inspecteur municipal et à l'architecte quels sont tous les frais qui pourraient survenir, lire, discuter avec d'autres autoconstructeurs et avec de petits entrepreneurs qui font affaires dans la même région.

4. Ne pas choisir le sous-traitant le moins cher. Privilégier les références.

5. Se garder une marge de manoeuvre: en temps, en argent et en réserve de bon moral. «Il ne faut pas être trop serré dans tout ça. Car il y aura des imprévus, de toute façon», conclut M. Dubois.



PRÉCISION


Dans le premier article de cette série, nous écrivions que le terrain avait été payé 260 000$. En fait, la propriété a été vendue 400 000$, terrain et maison compris. Toutefois, la Ville évalue le terrain à 261 100$, comme on peut le voir sur le rôle d'évaluation foncière.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Le 4 juin dernier, le drain français a été installé tout autour de la semelle, drain que l'on recouvre, comme il se doit, de gravier.