Griffintown sort enfin de l'ombre. Tombé dans l'oubli, même s'il est très bien situé, l'ancien quartier industriel renaît sur de nouvelles assises. Plus besoin d'être jeune et de rechercher l'aventure pour s'y installer. Actuellement, 2000 logements sont en construction et plus de 5000 autres pourraient se concrétiser. Un branle-bas de combat s'organise pour répondre aux besoins d'une toute nouvelle population.

La route sera toutefois longue avant que ne se crée une véritable communauté, bien ancrée dans un milieu de vie diversifié et verdi, estime Pierre Morrissette, directeur général du Regroupement économique et social du Sud-Ouest (RESO).

«On est parti d'un milieu désert en terme de population, avec des entrepôts, dit-il. On souhaite que se greffent aux condos des logements communautaires, des emplois, des espaces verts et des parcs, ainsi que des services publics comme des écoles et des CPE, pour qu'il y ait une vie sociale et culturelle. Il faudra être patient, mais il ne faut pas non plus regarder le train passer.»

Une mutation complète se prépare dans le secteur, qui comptait à peine 1118 habitants en 2001 et s'apprête à en accueillir environ 16 000.

«Nous sommes à la ligne de départ de la mise en place du programme particulier d'urbanisme préparé à la suite d'une vaste consultation publique, indique Luc Gagnon, directeur de l'aménagement urbain et des services aux entreprises à l'arrondissement du Sud-Ouest. Un pas important a été fait l'été dernier quand la Ville de Montréal a autorisé un règlement d'emprunt de 93 millions pour acquérir des terrains et aménager des parcs et l'espace public.

«Nous sommes conscients que les gens peuvent douter du sérieux de la Ville, reconnaît-il. Mais l'argent n'a pas été emprunté pour rien. C'est à nous de faire nos preuves.»

Un quartier riche en histoire

La tentation pourrait être vive de ne voir en Griffintown que la prolongation du centre-ville et du Vieux-Montréal. Surtout que le quartier, affaibli par la fermeture graduelle des usines qui en avaient fait la force et par la construction de l'autoroute Bonaventure entre 1964 et 1966, est l'ombre de ce qu'il a déjà été.

Or, façonné par la population ouvrière irlandaise qui s'y est installée pour creuser le canal de Lachine, le quartier est riche en histoire. Berceau de la révolution industrielle au Canada, sa trame de rues aux angles droits précède celle de Manhattan, qui date de 1804.

«C'est un des gestes pionniers de l'urbanisme moderne, explique Dinu Bumbaru, d'Héritage Montréal. Les bâtiments toujours présents, quant à eux, sont assez modestes. Le défi est de les faire cohabiter avec les tours construites tout autour et de créer un vrai quartier.»

«Ce serait facile d'être paresseux et de vouloir tout casser, ajoute-t-il. Mais ce qui s'est fait avec le Horse Palace, l'an dernier, est très intéressant. Grâce à la collaboration d'un promoteur, de la Ville et d'associations, un nouvel enclos pour les chevaux a été aménagé. Le Horse Palace n'est certes pas la basilique Notre-Dame, mais il constitue une porte sur le temps. Lorsqu'on s'y trouve avec les gratte-ciel à l'arrière-plan, c'est comme si on reculait au XIXe siècle et qu'on regardait le Montréal de l'avenir!»

Le défi d'innover

Reconstruire la ville dans la ville représente tout un défi, admet Benoit Dorais, maire de l'arrondissement du Sud-Ouest. «C'est plus difficile que si on partait de rien, mais c'est emballant. Nous sommes en train de mettre la table pour innover.»

L'innovation, qui a si bien servi Griffintown il y a deux siècles, est encore une fois au coeur de sa croissance. Elle prendra différentes formes, comme l'aménagement de rues qui laissent une plus grande place aux piétons et aux cyclistes.

La mise en valeur de Griffintown s'amorce à peine. L'arrondissement du Sud-Ouest compte aménager de nombreux parcs, rues et places publiques afin d'améliorer la qualité des nouveaux résidents.

Illustration fournie par l'arrondissement du Sud-Ouest

Griffintown, qui profite depuis 20 ans du dynamisme de l'École de technologie supérieure (l'ETS), se trouve par ailleurs au coeur du tout nouveau Quartier de l'innovation, porté conjointement par l'ETS et l'Université McGill. Une synergie se crée.

«Le Quartier de l'innovation s'intègre dans Griffintown et Griffintown s'intègre dans le Quartier de l'innovation, constate M. Dorais. Il y a une belle concertation entre les deux universités, l'arrondissement, la Ville de Montréal et d'autres établissements d'enseignement. Tous mettent ensemble leurs meilleures idées et cherchent à bâtir quelque chose. Cela aura un grand rayonnement.»

Griffintown ne pourra que profiter des diverses expériences appelées à être menées sur son territoire.