Quand les enfants sont grands, ils quittent la maison familiale. Ou pas. Et il arrive aussi qu'ils reviennent. Avoir ses enfants dans la maison où l'on a grandi, ce n'est pas si rare.

Reconnaître sa chance

Debout dans la cuisine où elle a réuni sa famille pour les Fêtes, Francine Laporte se rappelle sa mère. La fois où, en pleines festivités du Nouvel An, la dame de 80 ans avait surpris et fait rigoler tout le monde en portant un toast qui souhaitait autant de chance que «de cocus en France». Dans le «coeur de la maison», elle se souvient de celle qui ne manquait pas de lui prêter main-forte quand elle se mettait aux fourneaux pour faire une sauce à spaghetti. La chance, encore. Celle d'avoir cohabité avec sa mère jusqu'à l'âge adulte.

Les yeux de Francine Laporte s'embuent. «Ce n'est pas de la nostalgie, assure-t-elle. Ce sont de bons souvenirs qu'on cultive. Quand on vieillit, il faut reconnaître les privilèges et les chances qu'on a eus.»

C'est dans cette belle centenaire de Beloeil, qui fait face à la rivière Richelieu et au mont Saint-Hilaire, que Francine Laporte est née. Des photos la montrent avec sa soeur devant la maison, toutes deux chaussées de skis de fond.

Elle ne quittera la maison que l'espace d'une année et demie, une fois mariée. Ce ne sera qu'un au revoir. «Ma mère vieillissait et m'a dit: "Qu'est-ce que vous diriez de venir y habiter?" Cette maison-là allait m'appartenir. On est revenus y vivre.» Sa soeur, quant à elle, s'installe dans la maison située juste à côté, également propriété de la famille.

Lorsque le jeune couple y emménage, la maison familiale abrite deux logements unis par une porte. «C'était la garde-robe qu'on avait ouverte», relate en riant Francine Laporte. Pour ses deux filles aujourd'hui trentenaires, c'était «la porte secrète» qui menait chez grand-maman. «C'était aidant pour elle et pour nous. Quand on sortait, on couchait les enfants et on ouvrait la porte. Les filles nous disaient: "Quand est-ce qu'on va avoir une vraie gardienne?"»

Remodeler la maison

Francine Laporte et son mari Pierre ont tenu à faire leur marque dans cette maison, devenue la leur. Un designer a été engagé pour faire des plans, et les petites pièces qui plaisaient à l'époque de la construction ont été refaites.

«Maman entrevoyait la suite, qu'on reprenne la maison. Les travaux ont commencé quand elle était là, et ça lui convenait. On a modelé la maison à notre mode de vie. Mais ça s'est fait graduellement, on n'a pas tout démoli d'un coup. Tout le monde s'y est habitué tranquillement.»

La cuisine d'été est devenue un grand salon bien éclairé, décoré par de grandes toiles peintes par Pierre. La chambre où dormait Francine dans son enfance a gagné en grandeur, mais la vue sur la rivière qu'elle avait petite n'a pas été altérée.

N'empêche, le temps a passé. À la fin de sa vie, une fois qu'elle eut quitté la maison, il est arrivé à la mère de Francine d'y revenir et de ne plus la reconnaître. La famille s'est agrandie. Une chaise haute d'époque a été ressortie, des jouets égaient à nouveau le salon et l'intrigant grenier est découvert par une nouvelle génération.

«Des fois, avec ma soeur, on se berce et on se dit que maman aimerait ça, elle serait bien. On est en ordre, les choses sont placées, l'esprit demeure. Maman était une femme fière qui aimait les choses bien organisées. En entretenant ça, on rend hommage à nos parents.»