Imaginez des maisons construites selon un système tenant du jeu de meccano. Fenêtres, foyers, armoires, escaliers, parements d’extérieur, qu’ils soient en bois ou en maçonnerie, sont fixés sur une ossature d’acier solidement ancrée dans une semelle de béton. Chacune des composantes est accrochée ou vissée en place, en suivant un plan détaillé en trois dimensions. De la fiction? Depuis 2005, cinq maisons ont été bâties au Québec en suivant ce procédé, mis au point par la firme Simple Concept. Une sixième est en construction à Morin Heights. >> En photos: suivez les étapes de la construction de la maison de Julie Landreville et Nicholas Couture et découvrez les modèles d'habitation disponibles.

Imaginez des maisons construites selon un système tenant du jeu de meccano. Fenêtres, foyers, armoires, escaliers, parements d’extérieur, qu’ils soient en bois ou en maçonnerie, sont fixés sur une ossature d’acier solidement ancrée dans une semelle de béton. Chacune des composantes est accrochée ou vissée en place, en suivant un plan détaillé en trois dimensions. De la fiction? Depuis 2005, cinq maisons ont été bâties au Québec en suivant ce procédé, mis au point par la firme Simple Concept. Une sixième est en construction à Morin Heights. >> En photos: suivez les étapes de la construction de la maison de Julie Landreville et Nicholas Couture et découvrez les modèles d'habitation disponibles.

Julie Landreville et Nicholas Couture font figure de pionniers: ils sont les sixièmes à faire construire leur maison avec le système Bone Structure, de la firme lavalloise Simple Concept, doté d’une ossature d’acier. Ce qui leur a plu? Son côté avant-gardiste et son extrême précision.

 «Tout est droit et solide, se réjouit Julie Landreville, qui supervise le chantier. C’est ce qui nous a permis d’avoir autant de fenêtres. Au rez-de-chaussée, nous n’avons pratiquement pas de murs. Et il n’y a pas de mur porteur à l’intérieur.»

Aucun conteneur ne se trouve à proximité. «Tout arrive précoupé et de la bonne grandeur, explique la mère de quatre enfants âgés de 3 à 9 ans. Les plans, conçus par ordinateur, sont en trois dimensions. Chaque pièce va à sa place. La plupart des erreurs de chantiers sont ainsi éliminées.»

 Les poteaux en acier, fabriqués en usine, sont déjà perforés. Aucun ouvrier n’a à percer de trous. Le câblage électrique, la plomberie, de même que le système de climatisation et de chauffage prennent peu de temps à installer.

 

Industrialiser la construction

 Le but? Industrialiser la construction. «Les maisons sont assemblées comme des voitures, explique Marc-André Bovet, président de Simple Concept. Du début à la fin, tout est planifié et exécuté avec précision. Le travail en chantier est facilité.»

Il n’y a plus de place pour l’interprétation, souligne avec satisfaction l’inventeur du système, Jean-Robert Tremblay. Frustré de concevoir des maisons haut de gamme et de voir qu’une fois bâties, elles ne concordaient pas aux plans ou à la qualité recherchée, il a mis sa formation en génie du bâtiment à profit pour créer le système Bone Structure.

 Il s’est attaqué, à la source, au problème des murs et des planchers qui ne sont pas droits, en modifiant la façon de faire les fondations. Le système de coffrage est très précis. «Une fois la semelle en place, toutes les références sont aux bons endroits, précise-t-il. Les poteaux ont plein d’ouvertures pour accrocher divers éléments. Les panneaux de tôle ondulée s’enclenchent aux endroits prédéterminés pour former les murs, et les fenêtres s’installent rapidement. En guise d’isolant, une enveloppe de mousse de polyuréthanne à base de soya scelle tout, dépassant les normes requises par le programme Novoclimat. Quant aux panneaux de finition de gypse, ils arrivent vis-à-vis. Il y a moins de chirurgie plastique à faire.»

Personne n’a besoin de repasser par-dessus le travail de l’ouvrier précédent. Autre avantage: l’ossature d’acier ne travaille pas, précise Marc-André Bovet, qui a investi au cours des trois dernières années dans la mise au point du système. «Nous n’avons pas la contrainte du bois, qui cause une série d’effets en s’asséchant.»

 L’homme d’affaires, qui a travaillé dans l’entreprise familiale spécialisée dans les vêtements pour hommes de toutes les tailles, a aussi été à l’emploi Bombardier, où il a fait ses classes, se plaît-il à dire. Lorsque Jean-Robert Tremblay l’a pressenti, il était prêt à relever un nouveau défi. «C’est dans mon code génétique de sortir des sentiers battus», confie-t-il.

Pas de marge d’erreur

 Le système est ingénieux, estime Robert Gaboriault, conseiller à l’exportation à la Société d’habitation du Québec. «Il demande une très grande précision pour faire les fondations, indique-t-il. Il n’y a pas de marge d’erreur. Une fois bien parti, tout va vite par la suite. Il y a un grand potentiel pour l’exportation.»

Développement durable

 Le système va dans la bonne direction, croit de son côté Roger-Bruno Richard, professeur titulaire à l’École d’architecture de l’Université de Montréal, spécialisé dans les systèmes de construction industrialisés.

Le système atteint les objectifs du développement durable, qui demande de construire mieux avec moins, dit-il. «Un système de construction industrialisé, où les divers éléments sont fabriqués en usine et où les détails sont réglés d’avance, assure une plus grande qualité et une plus grande précision, souligne-t-il. Avec le système Bone Structure, comme les joints sont à sec, sans colle, ni soudure ni mortier, les bâtiments peuvent être montés facilement et rapidement sur les chantiers.

 «Le système est flexible et démontable, poursuit-il. Il offre de la souplesse pour changer les cloisons, reconfigurer les maisons ou les déplacer, au besoin.»

L’architecte a divisé les systèmes de construction industrialisés à travers le monde en trois grandes catégories: le meccano assemblé au chantier, le volume usiné et l’hybride. Le système Bone Structure appartient à la première catégorie. D’autres systèmes de ce type sont notamment utilisés au Japon et en Europe.

 Au Québec et au Canada? L’industrie de la construction est un retard dans l‘application des stratégies et des technologies de l’industrialisation à la production de logements, dit-il. «Industrialisation n’est pas synonyme de standardisation, précise-t-il. Le même système constructif génère, chaque fois, un bâtiment distinct et spécifique.»

 

Le système suscite l’intérêt

 Après trois ans de recherches et de développement, Marc-André Bovet, président de Simple Concept, se dit fin prêt. Quatre usines québécoises spécialisées dans la fabrication de pièces pour les industries automobile et aérospatiale détiennent des licences pour fabriquer les produits en acier. Cet acier, qui provient surtout du Québec, est recyclé dans une proportion de 35% à 75%. Deux autres usines s’ajouteront sous peu. Une vingtaine de fabricants ont adapté leurs produits dans divers domaines: fenêtres, foyers, parements extérieurs de bois ou de maçonnerie, escaliers, béton, isolation, etc. Et l’entreprise offrira bientôt une formation aux entrepreneurs spécialisés.

Laurent Belegou, qui construit des maisons haut de gamme dans les Laurentides (celle qu’il bâtit actuellement vaut environ trois millions), s’intéresse vivement au système. Toujours aussi passionné après 48 ans dans l’industrie, il est prêt à abandonner la construction conventionnelle. Ce qu’il apprécie: la précision et la polyvalence du système, la qualité et l’endurance des matériaux, de même que l’économie d’énergie. Il sera en mesure d’offrir le tout à un prix équivalent, croit-il.

 «Les matériaux coûtent plus cher, c’est sûr, précise-t-il. Mais l’entrepreneur se rattrape ensuite sur la rapidité d’exécution. Il n’y a plus de matériaux à couper. Les outils n’ont plus besoin d’être changés tous les deux ans. Et il n’y a plus de gaspillage. On a tout à gagner avec ce système.»

La perspective de travailler avec une ossature d’acier l’enchante. «Depuis que je suis arrivé de France, en 1963, j’ai dû travailler avec la contrainte du bois, qui gonfle ou rétrécit, précise-t-il. On fait des choses magnifiques, mais elles ne reposent pas sur du solide. Même si on essaie de faire des maisons parfaites, elles éprouvent toutes des problèmes après 20 ans. C’est ahurissant.»

 Remi Fortier, technologue ayant une formation en architecture, envisage lui aussi de collaborer avec Simple Concept pour réaliser la maison d’un client, à Mont-Tremblant. «Tout est planifié, jusqu’à la fondation, se réjouit-il. Le client peut tout voir sur ordinateur avant de se lancer dans la construction.»

La possibilité d’installer de très grandes fenêtres, la solidité de la structure, l’isolation enveloppant la maison, de même que le contrôle de la qualité des matériaux et de l’exécution lui plaisent également. Spécialisé dans la construction de maisons haut de gamme (de 500 000$ à six millions), il songe à développer certains concepts avec le système Bone Structure. «Un plus grand nombre de personnes pourraient avoir accès à ce qu’on fait, souligne-t-il. Certains modèles pourraient être répétés, tout en donnant un cachet personnalisé à chaque maison.»

 Pour le moment, les demeures bâties avec le système sont haut de gamme: il faut débourser un minimum de 400 000$. Mais les prix diminueront à mesure que le système gagnera en popularité, assure Marc-André Bovet.

Pour en savoir plus: www.bonestructure.ca

Photo Rémi Lemée, La Presse

Julie Landreville supervise de près la construction de sa maison à Morin Heights, la sixième à être bâtie avec le système Bone Structure. Mathieu Roy, de la firme Simple Concept, fournit une aide technique.