Battue par le vent, la maison du chemin du Canal à Lachine, aux confins de trois plans d'eau, garde le cap. Ancrée entre le canal, le lac Saint-Louis et le fleuve Saint-Laurent, cette demoiselle centenaire a subi une cure de rajeunissement sous le signe de la récupération et de l'écologie. À vos gouvernails!

Battue par le vent, la maison du chemin du Canal à Lachine, aux confins de trois plans d'eau, garde le cap. Ancrée entre le canal, le lac Saint-Louis et le fleuve Saint-Laurent, cette demoiselle centenaire a subi une cure de rajeunissement sous le signe de la récupération et de l'écologie. À vos gouvernails!

 Sur le chemin du Canal, à Lachine, les souvenirs de la vie ouvrière et maritime sont figés sous les congères. De nos jours, à chaque saison froide, ce sont plutôt les mordus de ski de fond qui s'élancent sur le Canal. Et aux beaux jours, seuls les bateaux de plaisance naviguent le long du cours d'eau.

 Ici, depuis une vingtaine d'années, cyclistes et piétons se sont approprié les berges. Et tous sont intrigués par cette maison peu banale ancrée au bout de l'île.

 La propriété du 285, chemin du canal a notamment accueilli une famille de réfugiés juifs polonais, les Casarda, arrivés vers 1945. Le père était mécanicien de bateau. À côté vit Lise Leduc, elle-même descendante d'Emmanuel Leduc, capitaine du Cécilia L., un bateau de 52 pieds qui faisait du transport entre Valleyfield et le centre-ville de Montréal. Entre autres, il transportait des passagers de l'Ouest de Montréal: Baie-d'Urfé, Pointe-Claire, etc. qui voulaient faire des courses chez Eaton.

 En défaisant le duplex, le propriétaire, Jean-Raymond Goyer, a fait de drôles de découvertes. Les anciens occupants en savaient déjà beaucoup côté récupération. «Ils se sont servis de bois de bateau. J'en ai trouvé beaucoup au sous-sol et partout dans la maison!»

 À quelques «encablures» de la propriété, au bout de la piste cyclable qui longe le canal de Lachine depuis le Vieux-Montréal, sur les rives du lac Saint-Louis, s'étend le parc René-Lévesque. L'idée d'origine du parc était de transformer cette longue presqu'île en un musée en plein air. Résultat: au fil des sentiers, parmi les arbres ou au bord de l'eau se dressent une trentaine de sculptures monumentales, réalisées par des artistes contemporains.

 Et en été, outre le vélo et la marche, les riverains ont leurs petites habitudes: «On descend nager dans le lac Saint-Louis au bout, et on se laisse dériver dans le fleuve», dit M.Goyer.

Un havre aux confins de trois voies navigables

De l'extérieur, on dirait une maison avec un air faussement provençal. En ouvrant la porte, c'est l'image d'une maison de pêcheur méditerranéenne qui nous vient à l'esprit. Ensuite, à l'étage, la salle de séjour, la cuisine très actuelle et surtout la fenestration abondante, donnent un tout autre aspect à l'ensemble, celui d'une douce modernité. D'abord déroutante, cette juxtaposition de style s'avère finalement esthétique et chaleureuse.

 Car nous n'avons pas affaire ici qu'à un bricoleur habile. Jean-Raymond Goyer est avant tout fondeur d'art, spécialiste du bronze et ébéniste, préoccupé par le développement durable. C'est donc dans un habitat harmonieux, inventif et sain que nous avons passé une matinée ensoleillée.

 Battue par le vent, la maison est située aux confins de trois plans d'eau: entre le canal de Lachine, le lac Saint-Louis et le fleuve Saint-Laurent. Notre demoiselle centenaire a subi une jolie cure de rajeunissement sous le signe de la récupération et de l'écologie.

Éléments nautiques

 M. Goyer a intégré un peu partout dans cet ancien duplex du début du siècle des éléments nautiques. Rien que la nouvelle disposition abondante des fenêtres au sud-ouest plonge - c'est le mot - notre regard en permanence sur l'eau. C'est ainsi que nous retrouvons plusieurs fenêtres rondes en forme de hublots à tous les étages. La terrasse fait dans les 15 pieds sur 30 (4,5 x 8 m.)

 Le visiteur se croirait sur le pont d'un paquebot, avec sa barrière de verre trempé tout autour. On exagère à peine. Et comme les bateaux, la toiture et la terrasse sont en fibre de verre. «Il y a trois ans, la moitié de la toiture est partie au vent. J'ai tout recouvert en fibre de verre. C'est très structurant.»

 La récupération, on l'a dit, c'est la marque très nette de la «maison verte cent-âge», ainsi que se plaît à la nommer le propriétaire. Tous les bords de fenêtre sont des bois de 100 ans qui proviennent du carré de la maison. Tout comme pour la salle d'eau: le comptoir est constitué de bois d'une épaisseur de trois pouces (7,5 cm) découvert dans la maison et les placards coulissants proviennent d'un vieux bureau. Les rampes de l'escalier menant à la salle de séjour ont été récupérées à l'extérieur.

 Tous les planchers en merisier sont d'époque. Il y en a partout, sauf dans la grande salle de séjour dont le revêtement est en ipé. Effet garanti sur la pupille. On sent que c'est du solide. «Je voulais un plancher très dur. C'est deux fois plus résistant que l'érable», souligne M. Goyer. Avec la collaboration de son équipe de menuisiers-charpentiers, il a également conservé les portes et les cadres de portes en pin de Colombie-Britannique.

 M. Goyer ne se contente pas de trouver matière à bricoler dans les rebuts. On sent une certaine recherche esthétique dans sa façon d'aborder la rénovation. Par exemple, il a intégré des boiseries dans les planchers, ajouté des insertions d'éclairage au plancher du vestibule, posé des vitraux d'église au-dessus des portes. Le visiteur remarque un beau travail également dans la salle de bains; incluant une bande de galets de Gaspésie dans la douche et un plancher en liège ajouré.

 Autre modèle réussi d'intégration de l'existant: dans la chambre principale, Jean-Raymond Goyer étale la charpente de bois originale face au lit. Le bois vieilli donne un cachet authentique à la pièce. Jouxtant cet espace, dans l'ancien «hangar», le propriétaire a aménagé une petite salle de détente, comprenant bureau et bain thérapeutique avec mur de briques blanches apparent.

Vert, le large!

 Fenestration au sud, gestion de l'eau, matériaux sains, isolation supérieure . C'est à une visite guidée très verte que nous sommes conviés dans cette maison située près du canal de Lachine.

 CUISINE: armoires en merisier russe sans formaldéhyde, construites avec la collaboration des Armoires et comptoirs LaSalle. Les caissons sont collés à l'eau. Terrasse, toit et balcon: revêtus de fibre de verre moulée sur place par les Toitures de fibre de verre G.G. inc. Le toit plat sera en partie végétalisé. Le président de l'entreprise, Guy Gauthier, souligne la résistance étonnante de ce matériau, le fait qu'il soit ignifuge et recyclable.

 REVÊTEMENT EXTÉRIEUR: finition en briques d'époque et déclin de cèdre de chez Éco-Cèdre à Saint-Donat. L'ancien duplex comportait uniquement 20 % de briques et elles ont été récupérées pour la maison actuelle.

 ISOLATION DES MURS ET DES PLAFONDS : à la fibre de roche (ou laine de roche). De plus en plus utilisé, cet isolant est résistant au feu et hydrofuge. Insonorisation: avec des panneaux acoustiques Sonopan. Panneaux d'insonorisation constitués de fibres naturelles. Ils sont recyclés et recyclables à 100 %.

PLANCHERS EN BOIS : recouverts à 70 % à l'huile naturelle (lin et soya) ÉcoSélection de Pierre Gauvreau. Tous les deux ou trois ans, surtout dans les couloirs, on rafraîchit avec une légère couche de finition.

 TOITURE DU BALCON: en polycarbonate transparent. Plus clair que la vitre teintée, il laisse passer davantage le soleil vers l'intérieur. Cette toiture est placée sur le coté sud-ouest et la fenestration de ce côté favorise le chauffage solaire.

 ET BIEN SÛR: peinture sans composés organiques volatils (COV), chasses d'eau à double débit et échangeur d'air.

 

Armand Trottier, La Presse

M. Goyer a converti l'ancien hangar qui jouxte la chambre en salle de repos avec bain thérapeutique.