Le secteur immobilier bouillonne dans Charlevoix : les transactions sont en nette hausse, les prix de vente atteignent des sommets. La région, où un acheteur sur cinq n'est pas de Charlevoix, a l'impression de vivre un Klondike.

Le secteur immobilier bouillonne dans Charlevoix : les transactions sont en nette hausse, les prix de vente atteignent des sommets. La région, où un acheteur sur cinq n'est pas de Charlevoix, a l'impression de vivre un Klondike.

 «C'est la folie furieuse. Des maisons offertes, il y en a autant qu'on en veut, mais les prix fixés vont jusqu'à deux et trois fois la valeur de l'évaluation municipale», dit une source consultée par Le Soleil pour cette recherche. «Mais, que voulez-vous, c'est l'acheteur qui fixe le prix. Si personne ne voulait payer 300 000 $ pour une maison de 150 000 $, on n'en serait pas là.»

«Dans 97 % des demandes, on veut le fleuve, on demande de l'espace, de grands terrains, de la tranquillité. Il faut les comprendre, ils ont vécu en condo un sur l'autre pendant toute leur vie professionnelle», explique Denis Lavoie, agent immobilier chez Royal Lepage Satisfaction depuis 13 ans.

 La proximité de Québec, les paysages, la disponibilité des terres, le resort Casino-Manoir Richelieu, le projet annoncé du Massif, et des offres à la dizaine, c'est un peu tout cela en même temps qui provoque cette ruée vers Charlevoix.

Années fastes

 Pour M. Lavoie, il n'y a pas de doute que la région connaît des années fastes. La catégorie des baby-boomers, amoureux de Charlevoix, fait la différence parce qu'elle détient un pouvoir financier important et est prête à payer pour le coin de paradis longtemps rêvé. «Souvent, ils n'ont même pas besoin de prendre une hypothèque. Pour eux, le rêve n'a pas de prix», indique-t-il. Et ces baby-boomers ne sont pas uniquement des «étrangers». Si on faisait un peu de recherche, on s'apercevrait qu'il s'agit souvent de Charlevoisiens qui reviennent après une carrière dans la fonction publique par exemple", souligne M. Lavoie.

Ce dernier admet que les gens qui recherchent des maisons entre 100 000 $ et 150 000 $ ne sont pas bien servis. «Le danger, c'est que cette catégorie sorte du marché et se dirige vers le logement», croit-il, souhaitant que se dégagent des endroits où les maisons vont pouvoir s'acheter et se vendre à coût raisonnable.

 Statistique importante, s'il en est une, une personne sur cinq qui achète n'est pas de Charlevoix et on devine que c'est cette clientèle qui paie le gros prix. Les municipalités de La Malbaie, de Saint-Irénée, des Éboulements, de Baie-Saint-Paul et de Petite-Rivière-Saint-François font partie du Klondike immobilier. Attention, des endroits comme Saint-Fidèle et Saint-Siméon, plus à l'est, gagnent en popularité.

Et force est de croire que le bassin d'offres n'est pas épuisé puisque, actuellement, sur le marché, les courtiers détiennent 381 mandats, dont 60 % dans le secteur résidentiel. Ainsi, on constate que deux maisons sur cinq sont offertes à 200 000 $ et plus, un ratio qui grimpe à 60 % pour les résidences disponibles à plus de 150 000 $. Il existe donc des maisons à vendre pour une valeur totale de 54 millions $.

 Le «paradis» a un prix

Une maison avec vue sur le fleuve dans Charlevoix, le grand air, les voisins si loin qu'on ne les entend jamais, avec des paysages montagneux dont on ne se lasse jamais. Tout ça a un prix et les vendeurs l'ont compris puisque actuellement les résidences se vendent 50 % plus cher que l'évaluation municipale. Et les acheteurs sont au rendez-vous!

 L'analyse de 200 transactions résidentielles (plus de 50 000 $) depuis le 1er janvier 2006, sans la municipalité, ni la demeure, donne un prix de vente moyen de 48 % plus élevé que l'évaluation municipale. Les statistiques proviennent de la Chambre immobilière du Québec.

Évidemment, tout ce qui se trouve en bordure du fleuve ou d'un cours d'eau, avec ou sans vue, fait monter la mise. Citons ces trois exemples qui sont loin d'être des cas uniques : un jumelé construit il y a 20 ans, à La Malbaie, vue sur le fleuve, évalué à 114 300 $ avec le terrain, vendu à 185 000 $ (61 % plus cher). À Baie-Saint-Paul, un bungalow construit en 1950, vue sur le fleuve, évalué à 88 800 $, vendu 165 000 $ (86 % plus cher). À Saint-Aimé-des-Lacs, un chalet quatre saisons, sur le bord d'un lac, évalué à 44 000 $, vendu 123 500 $ (180 % plus cher).

 En 2006, il s'est transigé des résidences, des bâtiments à logements, des commerces et des terrains pour 63 millions $. Quatre cent quarante-quatre transactions en tout pour un prix moyen de 142 000 $ la transaction. Juste pour les huit premiers mois de l'année 2007, on dépasse les 45 millions $ pour plus de 340 transactions, ce qui donne donc pour plus de 100 millions $ de ventes en moins de deux ans. Aucun doute que nous sommes dans un marché actif.

De façon générale, plus d'un bâtiment sur huit est vendu plus de 200 000 $ et, en moyenne, les demeures se vendent à 89 % du prix demandé.

Pas de surprise

 Les maires de Baie-Saint-Paul, Jean Fortin, et de La Malbaie, Jean-Luc Simard, ne sont pas surpris par les statistiques révélées dans Le Soleil.

La situation est préoccupante puisqu'elle les force à faire de l'accession à la propriété et aux logements une priorité.

 «Il y a un danger que ça devienne trop dispendieux», admet d'emblée le maire Fortin.

«Regardez ce qui se passe en Floride actuellement, il va arriver quoi dans 10 ans? Ça c'est inquiétant», renchérit le maire Simard.

 En fait, les maires n'ont pas trop de problèmes avec la surenchère actuelle, tant et aussi longtemps que les jeunes familles, les personnes seules et les moins fortunés auront accès à la propriété.

«On a créé un règlement pour interdire des résidences de tourisme dans le périmètre urbain parce que ce qu'on veut, ce sont des résidants. On doit provoquer des possibilités, composer des banques de terrains et c'est pourquoi on songe à exproprier certains endroits pour faire du développement résidentiel», dit M. Fortin.

 «C'est un signe de vitalité et c'est également la loi du marché. Mais nous avons aussi un rôle à jouer. C'est pourquoi on construit des routes, des infrastructures et on revend au prix coûtant. Des terrains de 6000 pieds carrés à moins de 15 000 $, ça ne se trouve pas beaucoup ailleurs», explique le maire.

L'autre problème reste les impacts sur la richesse foncière puisqu'elle cause des changements importants dans le partage de la facture aux contribuables. Certains paient plus, d'autres moins, sans trop comprendre pourquoi. Or, si des maisons se vendent deux fois le prix de l'évaluation municipale dans votre rue, il faut s'attendre à ce que la vôtre, sans réfection ni amélioration, soit évaluée dans la même proportion. Imaginez, en 10 ans, Charlevoix a vu croître sa richesse foncière de 58,6 %, passant de 1,2 $ à 1,9 milliard $.