L'ouverture de nouvelles gares force la banlieue à se redéfinir. Au lieu de faire du développement centré uniquement sur les déplacements en automobile, comme on le fait depuis plus d'un demi-siècle, de nouveaux projets axés sur l'utilisation des transports collectifs voient le jour. Et ils connaissent un franc succès. Pleins feux sur une petite révolution dans la construction immobilière.

L'ouverture de nouvelles gares force la banlieue à se redéfinir. Au lieu de faire du développement centré uniquement sur les déplacements en automobile, comme on le fait depuis plus d'un demi-siècle, de nouveaux projets axés sur l'utilisation des transports collectifs voient le jour. Et ils connaissent un franc succès. Pleins feux sur une petite révolution dans la construction immobilière.

Claude Valiquette et sa conjointe ne pensaient jamais résider en banlieue éloignée. Mais avec le train de banlieue, qui sert de cordon ombilical vers le centre-ville de Montréal, la chose autrefois impossible est devenue réalité. Ils ont acheté récemment une maison de ville à Mont-Saint-Hilaire, à cinq minutes à pied de la gare de train. «Ça ne me prend que 45 à 50 minutes pour me rendre au travail. Et ce n'est pas du temps perdu, j'en profite pour lire», affirme M. Valiquette, avec satisfaction.

Comme des milliers de gens, M. Valiquette ne veut plus perdre une à trois heures par jour sur les ponts, à rouspéter contre les bouchons de circulation et à brûler de l'essence. Pour ces gens-là, la solution idéale, c'est de vivre à proximité d'une gare du réseau de train. Comme l'automobile a façonné la banlieue, les trains pourraient avoir une influence majeure sur les futurs développements en périphérie. L'heure est aux projets TOD, l'acronyme de Transit Oriented Development, ou en français «développement axé sur le transport en commun».

Qu'est-ce qu'un TOD ? C'est une approche américaine qui prône un développement intégré de haute densité, mêlant résidences et commerces, articulé autour d'une infrastructure de transport, par exemple le train ou le métro, où le design urbain favorise les déplacements à pied ou à vélo. Cependant, un TOD n'exclut pas la voiture. Il ne fait qu'encourager l'utilisation des autres modes de transport. L'objectif : réduire la dépendance des banlieusards envers leur automobile.

Dans un quartier TOD, on construit des commerces et des condos tout près de la gare, un peu plus loin, des maisons de ville et, encore plus loin, des maisons unifamiliales, de façon à ce que le maximum de gens puissent se rendre à pied ou à vélo à la gare ou pour faire leurs emplettes. Les gens peuvent ainsi renoncer à leur deuxième voiture, économisant 10 000 $ par année, tout en contribuant à la diminution de la pollution atmosphérique. «Avec les problèmes de congestion routière et de pollution, le TOD, c'est la solution de l'avenir», affirme Florence Junca-Adenot, ex-présidente de l'Agence métropolitaine de transport et aujourd'hui professeure au département d'études urbaines et touristiques de l'UQAM.

Le meilleur exemple de TOD à Montréal : Ville Mont-Royal. Comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, son promoteur, la compagnie de chemin de fer Canadien National, a fait du TOD bien avant l'invention du terme. Dans cette municipalité cossue, toutes les rues convergent vers la gare de train. «Résultat : 30 % des déplacements vers la gare se font à pied. Il n'existe pas un pourcentage aussi fort ailleurs», affirme Pierre Bélanger, coordonnateur à l'aménagement à la Communauté métropolitaine de Montréal.

Pour les banlieusards, les avantages du TOD sont nombreux : réduction du temps de transport et du nombre de véhicules par ménage, augmentation de la valeur des propriétés et meilleure qualité de vie. Les municipalités en tirent également profit. Avec une plus grande densité d'habitations, elles perçoivent plus de taxes foncières et réduisent leur coût de construction de services publics. «Le TOD diminue l'étalement urbain en recréant des villes plus denses. C'est une façon d'éviter l'éparpillement urbain», explique Serge Perras, directeur général de la Ville de Sainte-Thérèse.

La banlieue intelligente (en anglais, on s'appelle cela du «smart growth»), a même des répercussions positives sur la santé des résidants. «Les études démontrent un lien positif entre l'aménagement urbain et la santé. Si les gens marchent 10 minutes par jour matin et soir pour se rendre à la gare, c'est déjà une nette amélioration», explique Lucie Lapierre, conseillère pédagogique à l'Institut national de santé publique.

Les commerces près de la gare jouent aussi un rôle essentiel. «Si les gens font leurs commissions plusieurs fois par semaine, ils peuvent acheter davantage d'aliments frais, comme les fruits et les légumes», ajoute Mme Lapierre. De plus, le design urbain favorisant la marche crée plus d'animation dans le quartier, encourageant finalement un peu tout le monde à profiter du grand air.

Dans la région métropolitaine, deux projets TOD voient actuellement le jour, celui du Village de la gare, à Mont-Saint-Hilaire, où habite M. Valiquette, et celui de Sainte-Thérèse, dans la couronne nord de Montréal. Mais ce n'est qu'un début. D'autres municipalités s'intéressent à la chose, comme Saint-Jérôme, Vaudreuil-Dorion et Repentigny. Cependant, Mme Junca-Adenot déplore que la grande région de Montréal tarde à prendre un véritable virage TOD.

Des occasions sont manquées, comme à Laval et sur la Rive-Sud. «Malheureusement, les municipalités ont l'habitude de confier le développement des nouveaux quartiers aux promoteurs, alors que pour réaliser un TOD, il faut que la municipalité s'implique et impose des règles. Il faut même interdire certains types de commerces», affirme-t-elle évoquant les grandes surfaces et les mégacentres.

Dans le schéma d'aménagement de la région métropolitaine, la Communauté métropolitaine de Montréal veut encourager une densification aux alentours des gares de 30 logements à l'hectare. C'est trois fois la densité moyenne que l'on retrouve généralement en banlieue. À Copenhague et Stockholm, on a créé au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale des dizaines de petits villages aux alentours de chaque gare de train. Le Grand Montréal s'inspirera-t-il de ces exemples?