Même si vous n'avez jamais vécu les années yéyés, vous connaissez peut-être la chanson Découragé du groupe Les Bel Canto. La formation faisait fureur dans les salles de danse des années 60. Son célèbre tube jouait à toutes les stations de radio. «Pendant 10 ans, on a parcouru le Québec, les États-Unis et l'Europe, se souvient le chanteur et guitariste du groupe André Fortin. On a même joué au pavillon du Canada à l'exposition d'Osaka en 1970!»

André a quitté le groupe après ce voyage au Japon et est revenu au Québec. «Après Les Bel Canto, je ne savais plus quoi faire de ma vie. Pendant 10 ans, j'avais vécu dans un tourbillon. Ça m'a pris un certain temps avant de trouver ma voie.»

Sa voie, il l'a retrouvée dans une de ses premières passions: le bois.

De la guitare à l'équerre

«À 13 ans, j'avais déjà bâti ma première guitare. À 15, 16 ans, je suivais des cours d'ébénisterie. On disait que j'étais doué!»

Pendant quelques années, il a construit des meubles et a enseigné l'ébénisterie. Il a étudié en Europe et a baigné dans la construction lourde, si bien qu'il s'est retrouvé à superviser un chantier de 10 millions en Algérie. Et c'est sans parler des trois maisons qu'il a construites en Espagne.

Mais, le «road runner», comme l'appelaient ses amis, voulait plus que tout bâtir son propre domaine. En 1979, il achète un vaste terrain de 16 arpents au bord de la rivière Abercrombie, à Sainte-Sophie, dans les Laurentides. Un terrain boisé, pas très hospitalier. «Je voulais construire une maison, mais étant donné que je n'avais pas énormément d'argent, je me suis retourné vers des bâtiments qui devaient être démolis.» Après avoir défriché une partie du terrain près de la rivière, il a acheté trois vieilles maisons et une grange pour les déconstruire et en retirer les clous. Avec les matériaux récupérés, il s'est mis à l'oeuvre. Près de 40 ans et cinq bâtiments plus tard, l'oeuvre est enfin achevée.

Il a d'abord bâti une maisonnette sur les lieux de l'actuelle grande maison. «Quand je l'ai terminée [André préfère travailler seul !], je ne la trouvais pas assez grande. Je l'ai déménagée sur des billots de bois plus près de la rivière et j'ai entrepris la construction de la grande maison, celle qui fait 50 pi de large.»

Il a tout équarri, assemblé et monté lui-même, comme en font foi les photos d'époque. Des amis l'aidaient pour les tâches plus exigeantes, mais dans l'ensemble, André a été seul maître à bord.

Selon son évaluation, plus de 50 % des matériaux utilisés viennent de matières récupérées. Le solage est formé de pierres trouvées sur le terrain. Celles du foyer sont des cadeaux de la rivière.

Les 4700 briques de la cheminée appartenaient à un cultivateur qui les vendait 1 cent chacune. «Mais il fallait les nettoyer ! Chaque soir, j'allais en chercher, puis je les grattais pour retirer le ciment.»

Le bois des poutres de la chambre principale provient de la grange. Il a trouvé le magnifique évier double en porcelaine blanche de la cuisine sur le bord du chemin. «Je l'ai fait réémailler, il est comme un neuf!»

Parlant cuisine, un appareil a retenu notre attention. Si les électros sont en inox et récents, le poêle au bois est d'une autre époque. «C'est un P.T. Légaré Rural que j'ai acheté de Louis Vigneault, le fils du grand Gilles, un ami. Je l'ai fait restaurer par un artisan de Châteauguay.» Le métal ornemental est exquis. Ancrées sur les carreaux en fine porcelaine, deux étagères en métal s'abaissent pour déposer les théières. C'est sans parler des trois fours et des réchauds.

André a voulu donner à sa demeure un look ancien, avec le confort de la modernité. Il a fabriqué toutes les fenêtres à crémone mais s'est assuré qu'elles soient parfaitement isolantes. Même les «châssis doubles» sont à double vitrage. Avec du bois récupéré ici et là, il a réalisé les moulures, les portes, les armoires et tous les meubles. Quand on vous dit l'oeuvre d'une vie...

La maison est accueillante et chaleureuse, tout comme le petit chalet qui accueille ses invités. La rivière qui borde le terrain est tout à fait irrésistible. Peu profonde et légèrement frémissante, elle coule doucement. Surtout que la forêt de l'autre côté est feuillue et sauvage. André a aménagé les berges et deux bassins pour la baignade.

Le proprio bâtisseur veut maintenant passer à autre chose. Le terrain est grand et il y a cinq bâtiments à entretenir. À 74 ans, il cherche un nouveau défi, un brin moins exigeant.

Photo fournie par Sotheby’s International Realty Québec

On voit ici l'étendue de la portion défrichée du terrain. Il y a cinq bâtiments, dont une cabane à sucre, un atelier de menuiserie sur deux étages, un garage et un chalet d'invités. Le propriétaire a planté quelques nénuphars dans la petite rivière qui ont pris de l'expansion.

La propriété en bref

Prix demandé: 675 000 $

Année de construction: 1981

14 pièces comprenant 4 chambres, 2 salles de bains, 1 foyer au bois, 2 poêles au bois. Domaine comprend aussi quatre bâtiments, dont une maison d'invité.

Superficie du terrain: 217 489 pi2 en bordure de la rivière Abercrombie.

Évaluation municipale: 368 300 $

Impôt foncier: 2811 $

Taxe scolaire: 1118 $

Courtier: Stéphane Larrivée, Sotheby's International Realty Québec. 514 809-8466

La fiche de la propriété: https://www.centris.ca/fr/maison~a-vendre~sainte-sophie/15399424?view=Summary

Photo fournie par Sotheby’s International Realty Québec

Ouvert sur le rez-de-chaussée, le salon occupe la partie gauche de la maison. Les poutres de bois ont été équarries à la main.