Si les néomanoirs sont légion, il faut se lever de bonne heure pour trouver un vrai manoir. À vendre de surcroît! En voici un construit entre 1812 et 1814. Cette somptueuse résidence est offerte à 2 998 000$.

Le manoir, fraîchement rénové, borde les rapides de Chambly près du lieu historique du fort de Chambly. Son histoire est singulière.

Le premier propriétaire a été l'un des personnages de la guerre de 1812-1814, celle-là même dont le Gouvernement du Canada s'apprête à souligner le 200e anniversaire. Il s'agit de Charles-Michel d'Irumberry De Salaberry, héros de la bataille de Châteauguay.

Par une habile stratégie, le major, âgé de 34 ans et vétéran de l'armée anglaise, avait fait croire à l'envahisseur américain que l'armée canadienne-française comptait 10 fois plus d'effectifs qu'en réalité. «Après un combat qui dura environ quatre heures, Hampton (le major général américain) commanda la retraite», peut-on lire dans le Dictionnaire biographique du Canada en ligne.

«Notre souveraine a même dormi à l'étage», affirme Cyrille Girard, le courtier mandaté pour vendre cette propriété pour le moins spéciale. Cette information sur la reine Élisabeth provient d'anciens propriétaires. «Ils nous ont affirmé à plusieurs reprises, que la reine y aurait séjourné lors d'une activité qui a eu lieu à Chambly», écrit Gilles Lépine, le propriétaire.

Un manoir et des dépendances

La propriété comporte un abri d'autos ayant probablement servi de stalles pour chevaux, une piscine creusée et une annexe abritant une cuisine d'été (avec BBQ au gaz, réfrigérateur, etc.) et une terrasse en pierre de Saint-Marc.

La résidence principale domine l'ensemble. Cette construction imposante a résisté à 198 hivers. Symétrique, elle dégage une impression de grande solidité. Des moellons recouvrent les quatre façades mais il n'en pas toujours été ainsi: une photo d'archives datant des années 1920 montre l'immeuble tout recouvert d'une sorte de crépi.

L'endroit appartient depuis 2007 à M. Lépine et à Danièle J. Martin qui en ont complètement restauré l'intérieur.

«Cette maison avait besoin de beaucoup d'amour, comme on dit», indique Mme Martin.

«On l'a rendue pratique. Par exemple, il n'y avait pas de garde-robe...». Une cloison a été amplifiée pour abriter deux placards dans la chambre principale à l'étage. Un séjour avec foyer flanque cette chambre de l'autre coté de l'épaisse cloison en question. La directrice générale de la fondation de l'hôpital Charles-Lemoyne y a aménagé un bureau intimiste. Le mobilier (provenant de chez Fraser) imite le vieux. «Je n'ai pas le temps de magasiner des antiquités!»

À leur arrivée, la chambre principale donnait sur l'avant du manoir, du côté de la rue. Les vues sur la rivière Richelieu n'étaient pas exploitées. Relocalisée à l'arrière, leur chambre offre une intimité absolue. La baignoire romaine de la nouvelle salle de bains principale trône près de trois fenêtres en baie. De la douche en porcelaine, les résidants voient dehors.

Au rez-de-chaussée les proprios ont inversé la position de l'évier et de la cuisinière pour les mêmes raisons, «parce qu'on passe bien plus de temps au lavabo». Le coin repas bénéficie de la proximité de fenêtres en baie et de la galerie, construite au nord.

De la cuisine on voit, on entend surtout le ronron incessant du cours d'eau. «Cela m'apaise. Je suis tombée en amour [avec cela]», dit Mme Martin.

Marbre et fenêtres à crémones

Cette pièce fait partie des 12 que les propriétaires ont restaurées. «Tout est neutre en termes de teintes, sauf la cuisine», note Mme Martin.

Les travaux ont duré huit mois à temps plein, «six mois plus intensifs et deux mois pour la finition».

On remarque des luminaires discrets aux murs et aux plafonds. Touches modernes dans un décor XIXe siècle...

La mouluration du hall n'est pas d'origine, plutôt une création des professionnels retenus pour réaliser les travaux d'ébénisterie, Daniel Lahaie d'Armoires Mirabel et Jacinthe Girard qui a agi à titre de décoratrice.

Revenons à la cuisine où leur travail est le plus visible.

Des meubles en bois fabriqués sur mesure ponctuent l'espace comme autant de buffets exploitant chaque partie de mur libre entre les nombreuses ouvertures: fenêtres à crémones, accès au hall d'entrée, accès à la salle à manger, accès à la bibliothèque construite récemment (avec du mobilier intégré), couloir.

Les plans de travail sont en marbre de Cararre. C'est élégant et clair, et ce matériau se conformait à l'âge de la maison, fait valoir Mme Martin. Il n'était pas question d'installer du quartz ou du granit. L'acidité du jus de citron a beau modifier l'apparence du matériau italien, cela ne fait rien. Au contraire. «Cela lui donne de la patine». (Des planches à découper assorties aux comptoirs permettent de circonscrire taches et éraflures.)

Les parquets en pin ont été sablés et teints à l'aide d'une teinture «faite sur commande» par Planchers Saint-Hubert.

Des carreaux noir et blanc ont remplacé les vieilles planches du hall d'entrée, certaines sections ayant été récupérées ailleurs dans le manoir suivant la réfection des systèmes de chauffage, d'électricité et de plomberie. Une entreprise majeure: il fallait, entre autres, surélever les planchers des salles d'eau (pour y faire passer la tuyauterie).

Impossible d'énumérer tout. Notons seulement les six manteaux de cheminée actualisés. Quatre fonctionnent au gaz et l'un, au sous-sol, consume le bois. L'autre est décoratif.

Terrain de 29 943 p.c.

«On l'a achetée pour le terrain, le paysage», confie la dame originaire de la Beauce. Le couple de Saint-Bruno avait découvert la propriété à vendre au hasard d'un pique-nique. «On connaissait l'agent. Deux semaines après, on l'achetait.»

Cinq and plus tard, ils souhaitent revenir à leur ancien mode de vie en copropriété.

Monsieur étant souvent parti en voyage d'affaires, madame se retrouve souvent seule. Il y a le déneigement à organiser, les travaux d'entretien paysager à faire. «Moi, j'aime ça que ce soit parfait, donc il faut travailler un peu si on veut que ce soit beau...».

«Je trouve ça dommage que personne ne puisse en profiter à temps plein.»

La propriété en bref

Prix demandé: 2 998 000$

Nombre de pièces: 12, dont 3 chambres + 3 salles de bains + 1 salle d'eau.

Comprend une cuisine d'été, une piscine creusée et l'équipement, un abri d'autos, un climatiseur central, le système d'alarme, tous les électroménagers, les luminaires, l'habillage des fenêtres

Évaluation municipale: 1 393 600$

Impôt foncier (2011): 11 535$

Taxe scolaire (2011): 3071$

À proximité de l'école primaire Jacques-De Chambly, d'un club de soccer et du parc de la Commune (fort de Chambly)

Courtier: Cyrille Girard, Sotheby's International Realty Québec, 514-582-2810