Grosso modo un ménage sur deux était formé d'une seule personne en 2009 sur le Plateau Mont-Royal*. Marcel Cloutier faisait partie de ces 29 315 personnes habitant seules. Il lui suffisait de descendre dans son quartier pour aller boire un café - plus convivial que de s'en préparer une tasse dans son appartement riquiqui.

La superficie de son logis totalise 46 mètres carrés nets, soit moins de 500 pc. Il était temps de chercher un autre logis.

Un pied-à-terre en ville

Le studio pour lequel il a craqué se trouve dans l'un des premiers édifices montréalais construits en ciment et en pierre, rue Rachel.

Un abbé dénommé Auclair a écrit dans ses mémoires que son oncle, un curé, avait ouvert là un hospice pour «donner asile» aux «éprouvés», aux «vieux infirmes» et aux «pauvres connus ou cachés» de la communauté. Les religieuses ont fait vivre l'endroit dès 1896.

Un siècle plus tard, M. Cloutier dégotait dans cet immeuble à caractère patrimonial un lieu de tournage tout indiqué pour des scènes d'une télésérie sur Alys Robi. L'édifice était délabré. Cela n'avait pas empêché la production d'y créer au sous-sol une salle d'opération dont certains téléspectateurs se souviendront. (M. Cloutier fait du repérage pour le cinéma et la télé; c'est lui qui a trouvé le logement glauque du film Nuit #1.) Peu de temps après sa trouvaille, le Montréalais apprenait que le promoteur Rachel Julien avait acquis l'immeuble pour le transformer en copropriétés. À 47 ans, après une nuit d'insomnie, ce locataire de longue date décidait de devenir propriétaire.

Plusieurs résidences ont été construites en 1997 dans l'ancien hospice. La sienne a ceci de particulier qu'elle occupe un ancien balcon: un mur intérieur est en pierre grise; son épaisseur gruge une partie de la surface au sol, mais que dire du cachet qu'il procure à ce pied-à-terre du Plateau?

Des briques rouges habillent la face opposée de l'épaisse cloison. La cuisine en profite.

Une cuisine laboratoire, une deuxième pièce mesurant 26 pi sur 8 et un couloir en L: voilà l'essentiel de l'appartement.

Une pièce principale

Des zones bureau, repas et séjour sont aménagées dans la pièce principale. C'est la seule pièce fenêtrée. Elle est orientée au nord-est.

Une ouverture dans la cuisine sert de «passe-lumière» et de passe-plat vers le coin-repas (une petite table, deux chaises). Au bas de cette ancienne fenêtre, l'épaisseur du mur cache un classeur près d'une table de travail, une astuce comme tant d'autres pour exploiter chaque recoin... Le prix demandé de 249 000$ inclut cette table d'artisan ancrée au mur de pierre.

Le poste de travail devient un poste d'observation privilégié sur la rue Henri-Julien et un alignement de petits plex colorés, couverts de neige par ce jour de tempête. Une image digne du cliché touristique du Plateau. «L'été, je vois le soleil se coucher», dit M. Cloutier.

Le coin séjour occupe l'autre moitié de la pièce principale. Il se transforme le soir en chambre grâce à un lit escamotable (également inclus) qu'on déploie après avoir poussé un sofa. On pourrait remplacer ces deux meubles par un lit de jour pour dégager les fenêtres donnant sur l'église Saint-Jean-Baptiste, l'une des plus grandes de Montréal.

Double emploi

Doubler l'usage de pièces de mobilier, exploiter l'espace en hauteur, voilà des stratégies permettant de désencombrer le sol d'un studio.

Ici les casseroles sont suspendues pour libérer de l'espace dans les armoires de la cuisine. Le garde-robe d'entrée est surmonté d'un rangement vitré construit exprès pour entreposer de grands tirages photographiques. D'autres rangements se font plus discrets, dans le plafond par exemple.

La salle de bains est équipée d'une baignoire. Il y a assez de place dans le placard le plus proche pour mettre une laveuse et une sécheuse côte à côte.

Le Rachel-Julien est desservi par des ascenseurs et les copropriétaires partagent une terrasse sur le toit avec vue sur la montagne.

Il n'y a pas de stationnement inclus. «Je stationne en avant de chez nous la plupart du temps. Une fois par mois, oui je dois tourner en rond pour trouver de la place. Ou quand il y a une messe. C'est ça, vivre en société», exprime le citoyen de 62 ans, moitié automobiliste, moitié piéton.

Or, ce Saguenéen ne fait plus partie des quelque 30 000 personnes habitant en solo sur le Plateau. Avec sa compagne, il squatte de temps à autre l'endroit quand l'un ou l'autre quittent leurs Laurentides d'adoption. «Mais à deux, il n'y à rien à faire». Comprendre: c'est un logement pour une personne, pas deux.

* Source: profil sociodémographique publié par la Ville en 2009.