Westmount. Le nom évoque la richesse à flanc de montagne. Des forteresses détenues par des anglophones fortunés qui souvent s'y sont établis alors que la ville n'était que fermes et vergers. Un de ces propriétaires, John Young, était commissaire du port de Montréal au milieu du XIXe siècle. Il possédait une imposante résidence en pierre en haut de l'avenue Rosemount, sur Severn.

Vers 1870, M. Young a fait construire tout près une maison pour son gardien. Plus modeste que la sienne, hiérarchie oblige, on l'appellera Gate Lodge. Qui étaient ses résidants? Mystère. Même les historiens l'ignorent. On se doute qu'elle logera, tour à tour, les familles des gardiens et, plus tard, des propriétaires inconnus. Même si l'avant-dernière propriétaire était une comédienne bien connue. C'est d'elle qu'ont acheté les nouveaux propriétaires qui viennent d'en terminer la restauration la plus importante depuis sa construction.

 

Richard Ouellette, designer, et son associé et conjoint Maxime Vandal, architecte, ont acheté la petite maison l'hiver dernier durant le pire de la crise économique. Le couple avait travaillé sans relâche depuis des années pour des clients aisés et avait réalisé de vastes projets prestigieux, dont plusieurs en restauration historique. «Arrive la débandade et notre carnet de commandes fond comme neige au soleil», se rappelle M. Ouellette.

Les entrepreneurs, qui avaient déjà à leur actif plusieurs projets personnels de restauration, se lancent dans une nouvelle aventure, histoire de laisser passer la crise. Surtout, ils veulent garder avec eux la quinzaine d'artisans qui les suivent dans leurs projets au fil des ans.

«Cette maison avait été rénovée plusieurs fois au cours de son histoire, mais les rénovations étaient, disons, inégales.» La maison ne possédait pas la noblesse de ses voisines, mais elle détenait des atouts précieux. D'abord, sa situation géographique. Elle est perchée seule, sur un terrain triangulaire, à la jonction de deux des plus anciennes rues de Westmount. «Les maisons de l'avenue Rosemount sont en retrait et possèdent parmi les plus grands terrains de la ville, constate M. Vandal. Nos voisins sont donc éloignés.» En second lieu, la maison est construite sur du roc et est solidement ancrée au sol. Enfin, elle comprend plusieurs ouvertures sur chaque façade. La luminosité est remarquable.

Tout en la modernisant, Richard Ouellette désirait avant tout redonner à cette maison l'esprit de départ. «Ce n'était pas une maison pour seigneurs, mais elle appartenait à une famille fortunée qui, on présume, en était fière.» Donc, dans les plans de rénos, exit les planchers en travertin et les murs en noyer. Place au chêne rustique et aux boiseries blanches.

Avant de penser déco, toutefois, des travaux importants s'imposaient. «On a creusé au pic le sous-sol pour en faire des pièces vivables, indique M. Ouellette. On a retiré tous les apprêts des murs pour constater que la maison avait été isolée avec de la mousse isolante d'urée-formaldéhyde (MIUF). On a tout retiré, jusqu'aux pierres.» Les murs ont entre 24 pouces et 32 pouces d'épaisseur. De grosses pierres grises. Au sous-sol, les ouvriers en ont retranché une certaine épaisseur et les pierres récupérées ont servi à l'aménagement paysager du terrain.

Ils ont dû également retirer les planchers, car certaines des solives - des troncs d'arbres non équarris - avaient pourri. «On en a récupéré deux qu'on a plané et utilisé comme étagères décoratives dans la cuisine.»

L'escalier menant au sous-sol a été agrandi... deux fois! «La première fois, on le trouvait encore trop étroit. Les ouvriers ont dû recommencer», se souvient M. Vandal. Les fenêtres et les boiseries sont en bois massif et ont été fabriquées sur mesure. «Sauf la porte qu'on a fait décaper, planer et repeindre», explique M. Vandal.

Les propriétaires ont opté pour moins de pièces, plus grandes. À l'étage, quand ils ont acheté, il y avait trois chambres et deux salles de bains. Ils les ont converties en quatre pièces: une grande chambre, un dressing-room, une salle de bains et un bureau ouvert. Afin de maximiser l'espace, chaque pièce est dotée d'armoires intégrées. Certaines sont si bien camouflées qu'on les devine à peine. Dans le mur du bureau, par exemple, deux ouvertures glissent vers l'avant pour y déposer les périphériques informatiques. Une fois fermées, on les voit à peine. Ingénieux. Au rez-de-chaussée, une armoire semblable dans le vestibule sert aux bottes.

La cuisine est sans doute la pièce la plus jolie et la plus pratique avec ses murs complets de cabinets et ses grands comptoirs en marbre strié. Au fond, un coin-repas mignon, entouré de fenêtres à carreaux. Le salon au rez-de-chaussée est lié à la cuisine et à la salle à manger. Les pièces sont chaleureuses avec le foyer, le rangement et les plafonds en caissons.

Au sous-sol, la pièce récupérée sert de cinéma maison, mais elle pourrait être convertie en chambre ou en bureau. Sa porte française mène vers une petite terrasse. C'est au sous-sol que se trouvent le troisième cabinet de toilette (avec douche) et la salle de lessive. Il y a aussi un coin rangement et un placard.

Le chantier aura duré six mois. Durant ce temps, les entrepreneurs ont tout chamboulé, même l'extérieur qui a été rajeuni. La ville leur a donné sa bénédiction pour ce projet qui impliquait la réfection d'un bâtiment patrimonial. «Les inspecteurs connaissaient déjà nos travaux ailleurs dans Westmount», explique Maxime Vandal, qui précise que son dossier était solide.

Les voisins ont bien accueilli ces nouveaux venus qui ont réussi à faire revivre la petite maison fatiguée. Depuis, ils ont fait appel à leurs services devant cette carte de service inestimable.

 

La propriété en bref

> Neuf pièces dont une chambre

> Deux salles de bains

> Une salle d'eau

> Comprend les électroménagers, tous haut de gamme

Prix: 1 485 000$

No de MLS: 8205689

Demain, dimanche, les agents immobiliers, membres de la Chambre immobilière du Grand Montréal, ouvrent les portes d'une cinquantaine de propriétés patrimoniales dont fait partie cette maison. Visites: 13h à 16h