Pour les propriétaires comme leurs locataires, la légalisation du cannabis soulève des enjeux et pourrait susciter quelques mécontentements...

Même si la culture de cannabis à domicile est interdite au Québec, la récente légalisation de la drogue douce crée des remous dans le monde de l'immobilier.

En effet, si les consommateurs de cannabis sont plus nombreux à tenter la culture à domicile, dans un contexte où le gouvernement fédéral les invite presque à défier la réglementation québécoise, la vie des assureurs, des courtiers et bien sûr d'éventuels acheteurs pourrait se compliquer un brin...

«Ça risque d'être un gros casse-tête pour tout le monde dans l'immobilier», prévient Patrick Januéda, courtier de Via Capitale et président de la Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ), qui demande au gouvernement de «maintenir une interdiction stricte sur la culture de marijuana à la maison». Par ses besoins élevés en eau, la culture de cannabis crée de l'humidité qui provoque souvent l'éclosion de moisissures, ce qui peut endommager l'immeuble, réduire la valeur de la propriété ou compliquer son financement, énumère la FCIQ.

Fumer à la maison?

Dans la foulée de la légalisation, les municipalités du Québec ont encadré la consommation de cannabis dans les lieux publics. Certaines, comme la Ville de Sainte-Julie, sur la Rive-Sud, ont d'abord consulté leurs citoyens. Fort de 2900 réponses, le questionnaire a permis de mieux connaître l'opinion des gens sur les lieux où la municipalité devait permettre ou interdire la fumée de cannabis.

«Les gens qui disent en consommer déjà et les parents avec des enfants en bas âge sont en grande majorité en faveur d'une interdiction du cannabis dans les lieux publics, résume Amélie Poirier, conseillère à la Ville de Sainte-Julie qui a suivi de près le dossier. Ce que ça signifie, c'est que la plupart des gens vont devoir fumer à la maison.»

Fumer à la maison pourrait être problématique dans les immeubles comptant plusieurs logements, qu'ils soient locatifs ou en copropriété. Une majorité de syndicats de copropriété interdisent déjà de fumer dans les aires communes, voire partout.

Modification de bail

De son côté, l'Association des propriétaires du Québec s'est montrée clairement en faveur de la loi québécoise qui permet d'interdire la fumée dans les logements. «Permettre aux propriétaires de le faire est une bonne chose pour la vie en communauté et le droit à la jouissance paisible des lieux», a déclaré Martin Messier, président de l'APQ, l'été dernier.

Comme pour la cigarette, un propriétaire peut inclure dans un nouveau bail une interdiction de fumer du cannabis. Pour les baux en cours, un article de la loi québécoise laisse aux propriétaires jusqu'au 15 janvier 2019, soit 90 jours à partir du 17 octobre dernier, pour transmettre aux locataires un avis les informant d'un changement à leur bail qui les empêcherait de fumer du cannabis. Ces derniers ont ensuite 30 jours pour refuser cette modification pour des raisons médicales seulement, prévient la Régie du logement du Québec.

L'APQ rappelle que ce refus peut être à son tour débattu, en citant la cause Ronald Chartier contre Gilles Chassé, où le locataire a été évincé même s'il consommait à des fins thérapeutiques.