Vous venez d'acheter une maison construite quelque part entre 1940 et 1980 et vous planifiez d'importantes rénovations avant de vous y installer? Attention, le plâtre pourrait contenir de l'amiante. Des précautions sont à prendre.

Des risques trop mal connus

Dans le domaine résidentiel, l'amiante peut se retrouver dans le plâtre, le ciment, l'isolation, les tuiles de plancher et de plafond, ainsi que le revêtement mural. Une fois projetées dans l'air et inhalées, les particules d'amiante peuvent causer à long terme des maladies graves, comme le cancer.

Pourtant, les spécialistes estiment que le grand public est peu conscient des risques. «Il y a encore de la sensibilisation à faire, particulièrement à l'ère où les gens regardent beaucoup d'émissions de rénovations et décident de mener leurs projets eux-mêmes, sans faire appel à des professionnels», explique François-William Simard, vice-président à l'Association des professionnels de la construction et de l'habitation du Québec.

Il explique que de nombreux Québécois s'inspirent de ce qu'ils voient à la télévision en s'occupant de la phase de démolition pour économiser des sous, sans être conscients des risques pour leur santé. «Si M. ou Mme Tout-le-Monde détruit des murs et qu'il y a de l'amiante dans le gypse, des particules peuvent se retrouver dans l'air et devenir un grand problème», ajoute-t-il.

Lors des démarches d'achat d'une propriété, les questions sur l'amiante sont peu fréquentes, selon Mathieu Lagarde, courtier pour l'équipe Christine Gauthier de REMAX. «Tant et aussi longtemps qu'on n'en découvre pas durant l'inspection, les clients ne nous en parlent pas, dit-il. C'est un sujet méconnu, spécialement au sein de la jeune génération d'acheteurs, qui n'a pas été élevée en étant exposée aux risques de l'amiante dans les médias.»

Même son de cloche chez Abas Sakande, chargé de projets pour Langevin Montréal, une entreprise en construction spécialisée en après sinistre et franchisée GUS. «Les gens ne sont pas suffisamment au courant. Ils ont plus peur de la moisissure que de l'amiante, alors que cette dernière est très dangereuse. Si vous inhalez des particules, vous ne serez pas nécessairement malade en quelques jours. Ça peut prendre des années avant de ressentir les effets.»

Il déplore aussi que certains professionnels de la construction prennent le sujet à la légère. «Je vous assure que plusieurs entrepreneurs font des rénovations, sans en tenir compte.»

Prévention

Toutefois, les méthodes de prévention et de décontamination existent. Les entrepreneurs certifiés savent identifier les matériaux pouvant contenir de l'amiante. Ils peuvent alors prélever des échantillons et les faire examiner par un laboratoire indépendant, afin de déterminer si les risques sont faibles, modérés ou élevés. «Une panoplie de mesures de protection sont ensuite prescrites en fonction de chaque degré de risque», souligne M. Simard.

Des vêtements de protection aux gestes à faire, tout est pensé pour empêcher la poussière de contaminer l'aire de travail. «On fait des tests journaliers dans l'espace de travail, explique l'employé de Langevin Montréal. À la fin des travaux, on vérifie pour s'assurer que tout est conforme.»

Moins qu'avant?

Puisque les matériaux contenant de l'amiante ne sont plus permis dans la construction résidentielle depuis 1980, les constructions faites au cours des quatre dernières décennies sont largement à l'abri de ces problèmes. Et les travaux de rénovation réalisés sur les vieilles propriétés font peu à peu disparaître les risques de contamination, depuis 40 ans. «Il n'y a pas de statistiques compilées sur le sujet, alors c'est difficile de quantifier s'il y a encore beaucoup de maisons contenant de l'amiante, précise François-William Simard. Mais si on suit la logique des rénovations qui font disparaître sa présence, il devrait y en avoir de moins en moins. Mais il y en a encore et les mesures de précaution sont toujours nécessaires.»

Le courtier immobilier Mathieu Lagarde affirme néanmoins qu'il faut parfois relativiser la situation. «On a déjà géré la vente d'une maison dans laquelle on trouvait une plaque isolante de quatre pieds par quatre pieds, en haut du système de chauffage, qui contenait probablement de l'amiante. Comme la plaque était en ciment, il n'y avait rien de volatil. Mais les acheteurs ont eu peur et ils ont demandé une baisse de prix ridicule en fonction de la valeur de la propriété.»

Résultat: la transaction n'a pas eu lieu et le vendeur a préféré payer quelques centaines de dollars pour faire enlever la plaque, plutôt que d'accepter un prix de vente déraisonnable. «C'est souvent moins cher pour le vendeur de faire décontaminer que d'accepter l'estimation des coûts des travaux faite par l'acheteur, ajoute-t-il. Toutefois, si le vendeur n'a pas les moyens de payer les experts en décontamination, il doit déclarer la présence d'amiante et considérer le tout dans le prix.»

Avec les années, le courtier et son équipe ont décidé de prévenir les négociations potentiellement ardues au sujet de l'amiante, en conseillant à leurs clients de commander des préinspections. «On préfère découvrir la présence de vermiculite [un isolant qui contient parfois de l'amiante] avant de mettre une propriété sur le marché, dit-il. On la fait tester, et s'il n'y a pas d'amiante, il n'y a pas de problème. On évite surtout de créer de gros doutes dans la tête des acheteurs, alors que la présence de vermiculite n'est pas toujours grave.»

Photo Thinkstock

Dans le domaine résidentiel, l'amiante peut se retrouver dans le plâtre, le ciment, l'isolation, les tuiles de plancher et de plafond, ainsi que le revêtement mural.

L'avis des inspecteurs en bâtiments

Entre 250 000 et 300 000 propriétés résidentielles au Canada contiennent toujours de l'amiante, selon le président de l'Association des inspecteurs en bâtiments du Québec, Pascal Parent. Une réalité à ne pas négliger.

Est-ce que l'amiante doit inquiéter les gens?

Sa présence dans les isolants n'est pas mauvaise, car elle offre un bon degré de résistant thermique, mais ça devient problématique si elle se retrouve dans l'air. Au Canada, dans le domaine résidentiel, ce n'est pas obligatoire de faire décontaminer une propriété qui contient de l'amiante. Mais quand on inspecte une maison et qu'on trouve de l'amiante dans la vermiculite, on recommande aux acheteurs de faire analyser sa concentration. On prélève des échantillons à trois endroits et il faut que le résultat d'analyse soit inférieur à 0,01 % pour être sans crainte. S'il y a contamination, les clients peuvent décider d'acheter la maison ou non, et de la faire décontaminer ou non.

Comment prévenir les dangers potentiels durant les rénovations?

Un entrepreneur qui travaille dans une maison contenant potentiellement de l'amiante va vérifier s'il en trouve, demander une analyse et, si les résultats démontrent une contamination, exiger une décontamination avant de procéder aux travaux. La Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail l'exige. Dans une petite maison standard, la décontamination coûte 10 000 $ en moyenne.

Est-ce que les gens font faire plus de vérifications qu'avant?

Ça dépend. Les clients de 60 ans et plus sont moins portés à demander un test pour trouver de l'amiante, mais les plus jeunes font presque systématiquement vérifier ça avant d'acheter.

Faut-il craindre d'acheter les maisons construites entre 1940 et 1980?

Si l'inspection est bien faite, il ne faut pas avoir peur. Les inspecteurs savent tous reconnaître l'amiante. C'est facile à détecter. Alors, quand on en trouve, on fait décontaminer.

Si on découvre de l'amiante après avoir acheté une maison, est-ce que c'est considéré comme un vice caché?

Si l'amiante n'affecte pas l'air ambiant, elle ne cause pas de préjudice au bâtiment. Ce n'est pas illégal d'avoir de l'amiante dans une propriété résidentielle et aucune loi n'exige la décontamination des propriétés qui en contiennent. Donc, si l'acheteur n'a pas été informé de la présence d'amiante, il n'a pas de recours en justice. Ceci dit, ce n'est pas tout le monde qui est prêt à vivre dans une maison avec de l'amiante. Certains clients partent quasiment en courant quand ils l'apprennent, alors que d'autres ne sont pas inquiétés du tout.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Au Canada, dans le domaine résidentiel, ce n'est pas obligatoire de faire décontaminer une propriété qui contient de l'amiante. Mais quand on inspecte une maison et qu'on trouve de l'amiante, on recommande aux acheteurs de faire analyser sa concentration.

Les secteurs les plus à risque

Les vieux arrondissements comme Outremont, Villeray, Ahuntsic, Côte-des-Neiges, le Plateau-Mont-Royal, Hochelaga-Maisonneuve et Rosemont-La Petite-Patrie comptent plusieurs propriétés construites pendant les «années de l'amiante». Et la ville de Westmount n'est pas en reste.

Pour les projets de rénovation de logements sociaux (programme Accès-logis), la Ville de Montréal exige que la présence d'amiante soit d'abord documentée et que tout matériau contenant de l'amiante soit retiré lors des travaux de rénovation. Ces travaux doivent respecter les règles strictes imposées par la CNESST qui encadrent autant l'enlèvement que l'entreposage des déchets. «Pour les demandes de subvention à la rénovation, la Ville émet un avis au propriétaire qu'il est de sa responsabilité de faire la vérification de la présence d'amiante», explique Jules Chamberland, relationniste à la Ville de Montréal.

Le cas Westmount

Depuis deux ans, la Ville de Westmount exige un rapport d'analyse sur la présence potentielle d'amiante pour toutes propriétés construites avant 1990, avant d'accorder un permis de rénovations. Sauf dans les cas où les demandeurs peuvent prouver que les espaces où les travaux seront faits ont déjà été testés et rénovés. «Comme notre parc résidentiel est ancien, la découverte d'amiante est plus probable lors des projets de rénovations intérieures que dans d'autres centres urbains, explique Tom Flies, directeur du service de l'aménagement urbain de la Ville de Westmount. On est plus stricts que les standards minimaux afin de protéger nos inspecteurs, les travailleurs et les occupants.»

Une situation qui ne plaît pas à tous les citoyens. «On est conscient que l'analyse ajoute des coûts à la demande et que cela dérange certaines personnes, mais au final, on veut protéger les gens», explique M. Flies.

Par la force des choses, les problèmes d'amiante ne peuvent que diminuer. «Avec le temps, les gens font des travaux et enlèvent les traces d'amiante problématiques, alors c'est un souci de moins en moins présent.»

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

La ville de Westmount, comme les vieux arrondissements de Montréal. compte de nombreuses propriétés construites pendant les «années de l'amiante».