C'est en suivant pas à pas l'inspecteur qu'on tire le maximum d'une inspection préachat. Lorsqu'il sort son échelle, cependant, il est préférable de le laisser prendre tous les risques à votre place. Récit d'une histoire vraie qui aurait pu mal tourner.

«Quand j'étais petite, je grimpais dans les arbres», me dit Patricia Doss. Ma cliente a beau être devenue adulte et diriger une boîte de production publicitaire, elle est encore petite. Je n'ai pu l'empêcher de me suivre sur le toit du triplex du Plateau Mont-Royal dont elle se proposait d'acheter le rez-de-chaussée.

Le propriétaire vendeur nous avait prévenus que le parcours vers la toiture serait plutôt aventureux. Il avait tenté de décourager Patricia de m'accompagner. En vain.

Voilà que nous montons dans un étroit escalier tournant en bois, à l'intérieur d'un hangar derrière l'immeuble. Au sommet, je m'installe sur un minuscule palier pour déployer mon échelle, évitant de justesse d'envoyer débouler Patricia au pied de l'escalier.

Au plafond du palier, je découvre un passage carré, profond d'au moins un mètre, trop étroit pour que j'y insère mon échelle. Je l'appuie donc à la jonction du mur et du plafond. Les pieds sur le dernier barreau, je m'introduis dans le passage et j'ouvre de la tête la trappe au sommet. Je me hisse à la force des bras vers l'inconnu, dans le noir. Patricia me suit volontiers, se retrouvant elle aussi quelques secondes les pieds dans le vide en franchissant la trappe.

Nous nous retrouvons dans l'obscurité totale. Je rassure Patricia en allumant ma lampe frontale. Je lui explique que nous sommes sur l'ancien toit, laissé tel quel, probablement dans les années 30 ou 40, quand une deuxième pente et un drain central ont été ajoutés au toit d'origine. Dans les vieux quartiers de Montréal, on retrouve encore quelques anciens toits pentus qui dirigent toute l'eau de pluie vers les ruelles lors des tempêtes estivales. 

De plus, sous l'effet des rayons du soleil et de la chaleur des plafonds sans matériaux isolants, la neige sur ces vieux toits fondait et créait sur leur débord de dangereux glaçons, longs parfois de deux mètres, raconte le couvreur Jacques Perron.

«Quand mon père est devenu couvreur, vers 1945, on finissait de corriger les pentes des vieux bâtiments. Aujourd'hui, mes travailleurs en corrigent une ou deux par année», estime Jacques Perron, président de René Perron Couvreurs.

En inspection préachat, il est très rare d'avoir accès à ces espaces où le temps s'est immobilisé, entre deux toits. On y trouve des restants de matériaux de construction et de vieux objets abandonnés.

Accroupi aux côtés de Patricia, je repère la dernière trappe à franchir, qui nous mène au grand air. Nous sommes aussitôt éblouis par la blancheur de la membrane de toiture en thermoplastique (TPO). 

L'aventure se complique au retour. Pas de problème avec la première trappe. Mais au moment de descendre dans le passage où nous attend l'échelle, Patricia perd soudainement son intrépidité et réclame mon assistance. Me voilà à la soutenir sous un bras, pour l'aider à descendre dans le vide pendant de longues secondes incertaines, jusqu'à ce que ses pieds trouvent enfin un barreau de l'échelle. 

Ouf!

Photo André Dumont, collaboration spéciale

À Montréal, on trouve encore quelques toits dont la pente n'a pas été corrigée. Toute l'eau de pluie s'écoule vers la cour arrière et la ruelle.

Éviter les risques

Nous en avons bien ri, mais ce jour-là, je me suis dit qu'il aurait été préférable que ma cliente reste en sécurité, au bas de l'échelle. Elle aurait très bien pu faire une chute et devoir être évacuée sur l'épaule d'un pompier! 

Les inspecteurs préachat n'ont pas d'assurances pour couvrir les risques que prennent leurs clients en les suivant sur un toit ou dans un endroit où ils peuvent se blesser, comme dans un vide sanitaire. 

Quand la curiosité est trop forte, un compromis est toujours possible.

Dans un vide sanitaire ou les combles d'un bungalow, je prête une lampe de poche à l'acheteur potentiel et lui demande de rester dans la trappe d'accès. Je refuse que mes clients marchent avec moi sur un toit en pente, mais je leur permets de grimper à la moitié de mon échelle et d'y rester pendant que je commente ce que je vois. 

Lorsqu'on accède au toit plat d'un vieux duplex ou triplex, il est souvent impossible de donner un angle tout à fait sécuritaire à l'échelle. Il vaut mieux que le client reste en bas, quitte à tenir l'échelle pour qu'elle soit plus sûre pour l'inspecteur. 

Sachez qu'il est toujours plus facile de monter que de descendre. Si vous restez figé de peur au moment de redescendre dans l'échelle, personne ne viendra vous secourir. Restez plutôt en bas, en sécurité. Un bon inspecteur vous fera un compte rendu complet de sa visite du toit, photos à l'appui. Vous aurez l'impression d'y être allé sans y avoir mis les pieds. Ni pris de risques inutiles.

Photo André Dumont, collaboration spéciale

Voici les vestiges du toit d'origine, à l'époque où l'eau de pluie était dirigée vers la cour arrière plutôt que dans un drain central. Il y a 100 ans, cette trappe menait directement sur le toit. Depuis que la pente du toit a été corrigée, elle se retrouve enfermée à jamais dans les combles.