Acheter un duplex entre frère et soeur. Devenir propriétaire d'un chalet avec des amis. Pourquoi pas ! Vous en rêvez depuis un moment ? Le début de l'année est le temps idéal pour passer à l'action. Témoignages et petit guide de l'accession à la propriété en groupe.

Deux amies, un duplex

Lysiane Gravel et Guylaine Lafleur s'étaient toujours imaginé devenir propriétaires avec l'homme de leur vie. Début quarantaine, célibataires, elles en ont eu assez d'attendre et sont devenues propriétaires ensemble !

Voilà bientôt deux ans que ces grandes amies habitent un duplex de l'avenue d'Orléans, dans le Vieux-Rosemont. Elles l'ont payé 435 000 $. Elles se retrouvent chacune avec un « 5 et demi » qui leur aurait coûté bien plus cher sur le marché des condos.

« Au-delà de l'argent, on l'a fait pour s'entraider », affirme Lysiane, qui va régulièrement chercher à l'école la petite Thalie, 6 ans, fille de Guylaine, chef de famille monoparentale.

Elles parlent de leur projet avec enthousiasme et humour. Elles auraient même le goût de le promouvoir comme modèle d'accession à la propriété pour femmes, jeunes et moins jeunes. 

Depuis l'achat en 2013, elles sont trois à habiter le rez-de-chaussée. En juillet cependant, Lysiane montera occuper le logement à l'étage. Ces deux années de colocation leur auront permis de mieux absorber les coûts d'un nouvel achat immobilier et de vivre de beaux moments ensemble.

Lysiane est commis comptable dans une pharmacie Jean Coutu. Guylaine est habilleuse sur des plateaux de cinéma. Elles ont des revenus équivalents. Chacune a mis la même mise de fonds. Tous les frais sont divisés également.

Elles croyaient qu'il leur faudrait un an pour trouver le duplex de leurs rêves. Elles l'ont trouvé dès la première fin de semaine. Il leur fallait un bâtiment en bon état, avec la possibilité d'occuper les deux logements.

Guylaine regarde la cuisine du rez-de-chaussée qui aurait bien besoin d'être mise au goût du jour. Elle fait remarquer qu'elles n'ont personne dans leur vie pour réaliser des travaux, puis déclare en riant : « Nous serions d'excellentes candidates pour une émission de téléréalité de rénovation ! »

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE

Lysanne Gravel (à gauche) et Guylaine Lafleur ont acheté il y a deux ans un duplex à Rosemont pour la somme de 435 000$.

Le projet en six étapes

Trouver des partenaires

Lysiane Gravel et Guylaine Lafleur se connaissent depuis l'adolescence. Elles ont des revenus et des économies équivalents. Leur tempérament est semblable. « J'ai d'autres amies dans la vie avec qui je n'aurais jamais acheté », dit Guylaine.

Acheter une propriété avec des amis ou de la famille, c'est accepter de vivre très proche et de partager des responsabilités. À bien des égards, il s'agit pratiquement d'une relation de couple ! On ne s'aventure qu'avec des gens qu'on connaît bien et qui nous ressemblent.

Choisir le bon courtier

Pour trouver sa première propriété et réaliser un achat complexe à plusieurs, il est préférable de retenir les services d'un courtier qui comprend bien le fonctionnement de la copropriété indivise. Carol Jarry, fondatrice de l'agence L'Espace Immobilier, est de celles qui ont suivi une formation spécialisée à l'Université McGill. Elle peut dresser les bases d'une future entente de copropriété, qui sera finalisée par le notaire.

Rendue populaire surtout à Montréal, en raison des moratoires sur la transformation en condos, la copropriété indivise est une affaire complexe que peu de courtiers maîtrisent. « Le processus d'achat à plusieurs est plus long et plus compliqué, mais c'est toujours un beau projet », affirme le courtier Jean Sasseville.

Chercher la perle rare

Les duplex et triplex avec au moins deux logements disponibles aux acheteurs sont rares. Dans les quartiers du centre de l'île de Montréal, la demande est forte. Les propriétés prêtes pour la double occupation se vendent facilement 10 % plus cher.

Au lieu de se trouver un duplex à 500 000 $ et de le rénover en partie, il peut être plus simple que chacun se trouve un logement à 250 000 $, suggère Carol Jarry. Attention : dans un duplex ou un triplex, il y aura toujours un logement qui aura besoin de plus de travaux que les autres.

Bye, bye locataires

Seuls les propriétaires uniques ou en couple peuvent effectuer une reprise de logement avec les mécanismes prévus par la loi. Acheter un duplex à deux couples, pour que chacun reprenne un logement occupé par des locataires ? Oubliez ça ! Dès qu'il y a plus d'un propriétaire, seule une entente de bonne foi avec les locataires permettra de libérer les logements.

Rien n'empêche un propriétaire et ses locataires de s'entendre pour mettre fin à un bail, affirme Denis Miron, porte-parole de la Régie du logement. « S'il y a eu entente de gré à gré avec documents à l'appui et que le locataire ne respecte pas cette entente, le propriétaire pourra s'adresser à la Régie et en faire valoir la validité. » S'il y a eu harcèlement envers le locataire, le juge pourrait toutefois invalider l'entente.

Prévoir le divorce

Lysiane et Guylaine ont acheté leur duplex ensemble, sans se donner une convention d'indivision. Elles sont solidaires de toutes les responsabilités légales et financières, comme le serait un couple. Si l'une ne paie pas sa moitié de l'hypothèque, l'autre devra compenser. Et si l'une veut partir, elle pourra forcer la vente, puisque la loi prévoit que « nul n'est tenu de rester dans l'indivision ».

Même quand on a entièrement confiance en nos futurs copropriétaires, il est préférable de se donner une convention de copropriété. Chacun aura sa propre hypothèque et pourra revendre son logement à sa guise.

Steve Samson est l'un des rares notaires montréalais spécialisés en indivision. « J'ai comme clients des couples d'amis qui veulent être propriétaires à 50-50 et tout se partager. Ça ne marche pas. En cas de mésentente ou quand l'un d'eux voudra vendre, comment expliquerez-vous aux acheteurs intéressés que la terrasse sur le toit et la piscine sont partagées avec les voisins d'en bas ? »

On prévoit tout dans la convention d'indivision, explique Steve Samson : le pourcentage de copropriété lié à chaque logement, la responsabilité des fenêtres et des balcons, l'usage exclusif de la cour. Compliqué ? Bien moins qu'une négociation quand la cohabitation a tourné au vinaigre !

Financer

Si vous achetez sans convention d'indivision, n'importe quelle institution peut vous financer. La banque fera les vérifications habituelles et additionnera la capacité de payer de chacun. Chaque emprunteur sera responsable de l'ensemble du prêt.

Avec une convention d'indivision, chaque copropriétaire obtient sa propre hypothèque. Cela est seulement possible à la Banque Nationale ou auprès des caisses Desjardins.

Ma blonde, ma soeur et moi

C'était un vieux triplex à deux étages d'Hochelaga-Maisonneuve, solide, mais presque complètement désuet. Parfait pour le projet dont rêvaient Alexandre Thériault-Lachance, sa conjointe et sa soeur, tous jeunes professionnels, dans la fin de la vingtaine.

Alexandre habiterait l'étage avec sa conjointe et partenaire d'affaires Sophie Girouard. Ils tiennent ensemble l'agence de marketing numérique Hamak. Avocate, Geneviève Thériault-Lachance habiterait le rez-de-chaussée.

L'inspection préachat a révélé au printemps dernier plusieurs problèmes : structure à solidifier, murs fissurés, électricité et chauffage mal en point, portes et fenêtres d'une autre époque. Mais à 313 000 $, ils estimaient faire un bon achat.

L'automne venu, plus aucune trace de délabrement ne subsistait.

« Nous avons tout mis à nu, raconte Alexandre. Nous avons eu beaucoup d'aide de la famille, jusqu'à 10 personnes en même temps. Même notre mère a vissé des plaques de gypse. Nous avons rempli quatre conteneurs de débris de démolition et fait une vingtaine de voyages à l'écocentre avec une camionnette. »

Des entrepreneurs qualifiés ont été retenus pour changer la toiture, corriger la structure, renouveler l'électricité et la plomberie, changer les fenêtres et tirer les joints de plâtre. Les deux logements du haut ont été réunis. En tout, un peu plus de 100 000 $ dépensés pour les travaux, à peine 10 % de plus que le budget initial.

Un chalet avec mon frère

John Espinoza et son frère Joaquin se sont acheté il y a trois ans un chalet sur le lac Supérieur, près de Tremblant. Prix payé : 150 000 $, tout meublé. Ils sont propriétaires à quatre, avec leurs conjointes.

« Nous voulions nous donner un projet immobilier sans trop dépenser et en essayant autre chose que la location de logements à long terme », raconte John Espinoza, qui habite le quartier Villeray, à Montréal.

Ces dernières années, le marché des chalets est favorable aux acheteurs, estime-t-il. Quand on se divise la mise de fonds à quatre, la propriété d'un chalet devient très accessible.

Au début de chaque année, John et Joaquin Espinoza se réservent chacun trois semaines au chalet, pour leur famille. Le reste du temps va à la location.

Une femme de ménage passe après chaque location et après chaque usage par les propriétaires. Un homme à tout faire qui habite dans la région peut se déplacer rapidement pour les réparations d'urgence.

« Nous partageons la mise de fonds initiale, les dépenses et les responsabilités, dit John. Par contre, si l'un de nous ne fait plus rien, ne paie plus sa part ou veut vendre, les autres seront mal pris. C'est le risque. »

Beau gros chalet

Acheter un chalet à plusieurs est une excellente idée, affirme le courtier immobilier Jean Sasseville. « Chacun paie moins cher à l'achat, les frais sont moindres et on est plusieurs pour le gérer. »

Mieux encore : on pourra se payer un bien plus beau chalet. « On pourra réaliser le rêve d'un chalet au bord de l'eau beaucoup plus facilement si on est deux acheteurs ou plus », souligne Jean Sasseville, qui travaille sous l'enseigne Re/Max du Cartier.

L'achat d'un chalet à plusieurs pourra aussi permettre d'éviter d'avoir à le louer et à gérer la location, ajoute-t-il. 

L'expérience démontre que les propriétaires de chalet ne l'occupent pas toutes les semaines. Pourquoi alors ne pas le partager entre une famille qui l'utilisera pour les sports d'hiver et l'autre, pour les plaisirs d'été ?

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Au début de chaque année, John et Joaquin Espinoza se réservent chacun trois semaines au chalet, pour leur famille. Le reste du temps va à la location.

Six conseils

À parts égales

Tout devrait être partagé à parts égales entre les copropriétaires : les paiements hypothécaires, les dépenses, les semaines d'occupation, le ménage et même les revenus de location. Ce sera ainsi beaucoup plus simple à gérer, même si un copropriétaire a injecté une plus grande part de fonds à l'achat, souligne le notaire Steve Samson.

Avoir les mêmes objectifs

Louerez-vous le chalet ? Souhaitez-vous rénover et revendre à profit dans quelques années ? Ou simplement passer du bon temps, parfois avec tous les copropriétaires réunis ? Tous doivent avoir le même objectif en tête. Sinon, il y aura « d'la chicane dans la cabane » !

Se donner des règles de vie

Il est recommandé de se donner des règles et de les consigner par écrit. Dans quel état doit-on laisser le chalet ? Avec la literie déjà changée pour les suivants ? Comment gère-t-on la neige, les déchets, la vidange de la fosse septique ? Tout doit être clair, dès le départ.

Emprunter avec des gens de confiance

Les copropriétaires contracteront le prêt de façon « conjointe et solidaire », explique Luc Monarque, conseiller en développement à la Fédération des caisses Desjardins du Québec. Tous seront responsables du paiement de l'hypothèque, et l'institution prêteuse ne tiendra pas compte des arrangements entre acheteurs.

Rédiger une convention

Il est possible de demander à un notaire de rédiger une entente qui spécifiera la part de propriété de chacun, qui prévoira des mécanismes pour fixer le prix si un copropriétaire veut se retirer et qui établira les priorités d'achat en vue d'une mise en vente. Il s'agira d'une « convention sous seing privé », puisque le notaire ne la publiera pas, comme il le fait avec une convention d'indivision.

Louer en légalité

Si vous envisagez de louer à la semaine, assurez-vous que la municipalité le permette. Signalez-le à l'assureur, quitte à payer une prime plus élevée. Inscrivez-vous auprès de Tourisme Québec. Prévoyez une boîte où retrouver les clés et utilisez les services de gens de la place pour le ménage et l'entretien. Vous vous éviterez ainsi beaucoup de déplacements.