Chaque fois que vous entrez dans votre condo, une désagréable odeur de tabac vous prend au nez. Pourtant, vous n'êtes pas fumeur, mais votre voisin d'en bas, lui, peut griller plusieurs cigarettes quotidiennement. Rien ne vous oblige toutefois à supporter cette situation.

La meilleure façon d'agir dans des cas comme celui-là, c'est d'y aller par étapes et avec tact. C'est du moins ce que conseille François Damphousse, directeur du bureau du Québec de l'Association pour les droits des non-fumeurs. Avant de se lancer dans une bataille juridique, il vaut mieux aller cogner à la porte de son voisin, lui expliquer que l'odeur de sa cigarette est incommodante et tenter de voir avec lui s'il y a moyen de trouver une solution. Peut-il aller fumer sur son balcon, par exemple?

Si vous frappez un mur et que l'autre copropriétaire refuse de collaborer, il faut alors en discuter avec le syndicat de copropriété de votre immeuble. Un sondage pour connaître l'opinion des membres à propos de la fumée secondaire et pour savoir s'ils sont eux-mêmes incommodés permettra de déterminer un plan d'action pour la suite des choses.

Les copropriétaires peuvent ensuite convoquer une réunion et procéder à un vote pour savoir si une majorité d'entre eux accepte de modifier l'acte de copropriété pour ajouter un règlement interdisant aux gens de fumer à l'intérieur de leur unité, explique Me Karine Fournier.

Si on accepte de faire cette modification, il ne reste qu'à l'ajouter à l'acte. Le syndicat n'est pas tenu de passer devant un notaire pour le faire, précise Me Fournier. Dans le cas où les propriétaires fumeurs ne respectent pas les nouvelles règles en vigueur, ils sont passibles d'amende et peuvent même recevoir une mise en demeure.

Mais il se peut que le changement ne puisse être adopté si le copropriétaire fumeur concerné appose son veto, souligne Yves Joli-Coeur, avocat émérite et secrétaire général du Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec (RGCQ). «Il a 60 jours pour contester une décision d'assemblée», mentionne-t-il.

Dans d'autres cas, il arrive que les membres du syndicat refusent de changer le règlement. Résultat: les copropriétaires lésés continuent de vivre avec l'odeur du tabac chez eux. Que faire dans ces cas-là? «Si le règlement ne passe pas, explique l'avocate, on se tourne vers la Cour supérieure et on demande une injonction interdisant de fumer à l'intérieur de l'unité concernée. Pour convaincre le juge, il faut démontrer qu'il y a eu infiltration et qu'on en est incommodé, ajoute-t-elle. On doit aussi démontrer qu'on a essayé de bonne foi de régler le problème.»

Si les fumeurs brandissent généralement l'argument selon lequels ils ont le droit de faire ce que bon leur semble chez eux, Me Fournier répond que, selon elle, la santé publique prime le droit à la vie privée.

Si vous êtes locataire, adressez-vous à votre propriétaire. Une clause interdisant de fumer à l'intérieur de l'appartement peut être ajoutée au bail.

Que faire en attendant?

Trouver une solution à l'infiltration de tabac avec vos voisins ne se fera pas du jour au lendemain. D'ici là, existe-t-il des moyens de diminuer l'odeur?

«Dès qu'il y a une odeur, ça veut dire que tu es contaminé», tient d'abord à préciser François Damphousse.

«Le pire problème, c'est la piètre qualité de construction», ajoute-t-il. Souvent, l'air passe par les trous près des systèmes de tuyauterie. Pour diminuer l'odeur, le mieux est d'abord de colmater ces espaces-là et de demander à son voisin fumeur de faire de même. «C'est utopique de croire qu'un condo est hermétique», souligne toutefois M. Damphousse.

Ouvrir la fenêtre, faire fonctionner la hotte de la cuisinière ou encore le ventilateur de la salle de bains, des solutions efficaces? Absolument pas, assure le Dr Fernand Turcotte, professeur émérite en santé publique de l'Université Laval. «Les constructions actuelles font en sorte qu'il se crée des microcheminées, illustre-t-il. Les appartements partagent tous la même atmosphère.»

En faisant de l'aération, il est possible de réduire l'odeur, mais la contamination est la même, insiste-t-il. «C'est un peu comme si on avait un coin pipi dans une piscine.»

«Quand on sait que nous sommes exposés à des cancérogènes, conclut le Dr Turcotte, il faut réduire l'exposition à zéro.» La seule façon d'y arriver, c'est d'interdire la cigarette partout à l'intérieur de l'immeuble, même entre les murs des propriétaires fumeurs.