La réponse est non, vous ne pouvez rien exiger du tout! Vous devez tenter de vous entendre avec le voisin pour l'élagage des branches dérangeantes. Peine perdue? Vous pouvez toujours porter la question en cour, mais la jurisprudence indique que vous courez à l'échec: difficile de convaincre un juge que l'ombre constitue «un préjudice sérieux»...

«L'ombrage d'un arbre est considéré par les juges comme un inconvénient normal de voisinage, au même titre que les feuilles tombées dans l'écumoire de la piscine», explique Jean Lamontagne, consultant et professeur en arboriculture.

Souvent convoqué en cour comme expert, pour estimer la valeur pécuniaire d'un arbre et son potentiel nuisible, M. Lamontagne ajoute que la situation est différente lorsqu'il y a dommage pécuniaire à la propriété. Par exemple, la croissance de l'arbre peut nuire à un mur, à une gouttière, à un toit; ses racines peuvent bloquer un tuyau d'égout. Le propriétaire de l'arbre doit alors assumer ses responsabilités.

«Il faut conserver les preuves des dépenses causées par la nuisance de l'arbre, si on veut déposer une plainte à la Cour du Québec. On peut se tourner vers la division des petites créances [pas besoin d'avocat] si la somme réclamée est inférieure à 7000$, ou aux instances supérieures si la somme est plus élevée. Mais alors, gare aux frais d'avocat!»

Ne pas tailler l'arbre du voisin

«Si vous taillez l'arbre du voisin sans sa permission, vous êtes coupable! rappelle M. Lamontagne. On ne peut pas élaguer un arbre qui ne nous appartient pas.»

L'arbre relève du terrain sur lequel repose son tronc. Il pousse sur la frontière entre les deux terrains? «Le juge peut partager les responsabilités à 50-50, explique M. Lamontagne. Parfois aussi, il peut les répartir au prorata de la base de l'arbre, qui peut reposer, par exemple, à 80% sur un terrain et à 20% sur un autre.»

Règlements municipaux

Dans l'arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie, Marie-Claude Perreault indique que «l'arbre qui fait de l'ombre» sort du champ de compétence de l'arrondissement pour entrer dans celui du Code civil du Québec.

Même chose à l'arrondissement de Ville-Marie, où Émilie Miskdjian, chargée des communications, affirme qu'il n'y a pas de règlement pour l'ombre d'un arbre - ou ses feuilles mortes, samares et autres fruits -, inconvénients qui ne touchent ni à la sécurité ni à la dégradation de la propriété. «Ce sont des nuisances raisonnables, précise-t-elle. L'arrondissement ne se mêlera pas de ça. Mieux vaut essayer de s'entendre entre voisins. Dans notre secteur, on privilégie les arbres à gros feuillage, car ils combattent les îlots de chaleur. Alors forcément, ils font de l'ombre!»

Abattre un arbre

Il faut demander un permis, dans l'île de Montréal (et dans maintes municipalités), pour abattre un arbre de plus de 10 cm de diamètre (mesuré à une hauteur du sol de 15 cm).

«Il n'y a que quatre conditions qui justifient l'abattage d'un arbre, indique Caroline Légère, de l'arrondissement d'Ahuntsic-Cartierville. La sécurité, le dommage à la propriété, l'empêchement de construire et le fait que cet arbre soit mort ou en voie de dépérissement irréversible.»