La coopérative d'habitation La Saluade de Québec comprend 27 logements répartis sur cinq niveaux. Son conseil d'administration, qui ne cache pas sa sensibilité au développement durable, voudrait abaisser les frais d'exploitation de son immeuble à toit plat. À moins qu'il ne veuille dès à présent se garantir contre les hausses appréhendées des coûts de l'électricité, entre autres.

En cela, il se demande à quel prix et à quelles conditions il pourrait prendre au soleil, au vent ou aux profondeurs du sol leur énergie gratuite et renouvelable.

 

L'ancien immeuble institutionnel, occupé par la coopérative, est situé sur De La Chevrotière. Il est immédiatement entouré de six autres coopératives, dans autant de bâtiments contigus. Les sept comprennent donc 225 logements.

Il est bardé de pierre. Les fenêtres, désuètes, sont sur le point d'être changées. Chaque logement, chauffé par plinthes électriques, est pourvu d'un thermostat électronique. L'approvisionnement en électricité et en eau chaude est commun. Chaque locataire doit donc s'obliger à une consommation raisonnable.

«Car l'énergie la plus propre et économique est celle qu'on ne consomme pas», rappelle Yann Grenier, entrepreneur et technologue professionnel au service de la société d'architecture et de construction écologique Tergos de Québec. En 2007, il fut au nombre des équipiers de la série Habitat 07, Les compagnons du rebut global, télédiffusée sur les ondes de Télé-Québec.

En revanche, il note l'absence, dans l'immeuble, du serpentin Power-Pipe qui est à l'eau ce que le ventilateur récupérateur de chaleur (VRC) est à l'air. Il transfère la chaleur des eaux usées à l'eau fraîche et neuve qui alimente les chauffe-eau. Il est à prix assez abordable alors que son installation par un maître mécanicien en plomberie est presque sans effort.

Selon Hydro-Québec, dans ses notes explicatives entourant sa campagne Le diagnostic résidentiel, ça rapporte à tous, le chauffage, dans une résidence moyenne, prend 54 % des dépenses d'électricité, l'eau chaude, 20 %. Or, Power-Pipe donne lieu à une économie de chauffage de l'eau de 5 % à 10 %.

Géothermie

La «coop», trouve Yann Grenier, doit oublier la mise en place d'un faisceau de pompes géothermiques, autant de collecteurs qu'il y a d'appartements et un appareil de chauffage central à air pulsé. Bien que le solde d'économie d'énergie aurait été d'au moins 66 %, le chantier, lui, aurait été démesuré et les coûts, astronomiques. Facteur aggravant, il faudrait forer dans le roc pour enraciner les pompes. Ce qui est de nature à hausser encore les coûts.

Soleil et vent

Cependant, Yann Grenier reconnaît à l'immeuble un potentiel considérable eu égard à la captation de soleil ou de vent pour la production d'électricité. «Pour les petites éoliennes, cela passe toutefois par une analyse numérique, durant un an, des vents selon leur origine, leur intensité et leur fréquence. Ce, au moyen d'un anémomètre», précise-t-il.

«Mais produire de l'électricité, même à partir d'un train de panneaux photovoltaïques et de petites éoliennes, coûte 0,42 $ par kWh dans le premier cas, un peu moins généralement dans l'autre. En contrepartie, Hydro-Québec nous vend son kWh 0,07 $. L'écart est considérable et la conclusion s'impose d'elle-même», constate l'expert en conception, construction et rénovation écologiques.

Cependant, pondère-t-il, le prix de revient du kWh produit par des petites éoliennes dépendrait du genre d'installation, de leur nombre et du potentiel éolien de l'endroit. S'il y a beaucoup de vent, soutenu peut-être par de vigoureux mouvements d'air occasionnés par l'édifice Marie-Guyart situé juste en face, il pourrait être concurrentiel avec Hydro-Québec.

Aussi, déconseille-t-il à la coopérative de se fourbir de panneaux photovoltaïques, tout au moins. «Pour l'instant, ce ne semble pas économiquement viable», pense-t-il. Cela, quand bien même elle remettait au réseau hydro-québécois, contre un crédit de consommation équivalant à 0,07 $ par kWh, l'électricité qu'elle ne consommerait pas. La nuit ou l'été, par exemple.

«En revanche, l'absence d'incitatifs financiers pour ce genre de projet, de la part d'Hydro-Québec, congédie nos idéaux de réduire l'émission de gaz à effet de serre et contrecarre notre désir profond de profiter des intérêts renouvelables que la nature nous offre gratuitement», déplore M. Grenier.

De son côté, le pdg de Systèmes d'énergie «alternatives» Naviclub de Lévis, Pierre Bégin, concédait au Soleil, il y a quelque temps, qu'il est difficile d'être «accro» de l'électricité solaire et du vent «au prix qu'Hydro nous vend ses kWh». Ce qui prouve qu'au Québec, disait-il, on est encore plus pratique et économe que «vert».

Néanmoins, tout n'est pas peine perdue pour la coopérative d'habitation La Saluade. Elle peut éventuellement se rebattre, selon Yann Grenier, sur les chauffe-eau solaires de sorte de chauffer son eau gratuitement l'été et pour la moitié de son coût pendant l'hiver.