Nos aïeux «bâtisseurs de maisons» savaient récupérer. Ils employaient par exemple, pour la construction de leur demeure, du bois provenant d'arbres de défrichement.

«Par ailleurs, ils tissaient leurs étoffes au moyen de chanvre. Puis ils utilisaient le résidu de filasse, l'étoupe, pour boucher hermétiquement les joints entre les pièces de bois de leur maison en chantier», rappelle France Fleury de Beauceville, présidente de Maison Ancestrale, petite entreprise spécialisée dans le sauvetage de maisons de bois du temps jadis.

 

Mais l'étoupe, à l'époque, n'était pas imperméable. Il fallait couvrir les joints extérieurs de crépi - mélange «perspirant» de pierre broyée, de glaise ou de boue - pour empêcher l'eau de l'investir. Et l'air qui essaierait de s'y insinuer.

Cependant qu'au début même du Régime français, on parait les murs extérieurs de feuilles d'écorce de bouleau, réunies et collées au moyen de gomme d'épinette, à la façon dont nos frères amérindiens garnissaient leurs canots. C'était le Tyvek de ce temps-là, dit-on par analogie.

En revanche, dans la maison, on était conscient qu'il fallait retenir la chaleur. C'est pourquoi on enduisait les murs intérieurs d'un crépi de trois à quatre pouces d'épaisseur. Après y avoir fiché une nuée de chevillettes en bois dur pour retenir le matériau.

Perte minimale

De nos jours, les scieries, par des programmes de sciage assistés par ordinateur, limitent les pertes au maximum. Le bois construit ou d'ingénierie, si fiable, procède de la même économie.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les planches dont on bardait verticalement, à l'extérieur, les murs de nombreuses maisons, comme première défense contre les entrées d'air, étaient géniales. Et donnaient lieu au moindre gaspillage du bois.

Elles empruntaient la forme de l'arbre : larges en bas, moins en haut. Chacune était contiguë à une autre, disposée inversement. Et ainsi de suite.

«Chaque paire produisait un rectangle parfait», note Mme Fleury.

Épinette rouge

Quel bois employait-on pour bâtir? demande Le Soleil à France Fleury. De l'épinette rouge surtout, répond-elle. Ajoutant qu'il s'agit du plus dur des bois mous. Car les outils d'alors n'auraient pu tenir tête au chêne, à l'érable ou au hêtre avec lequel on se chauffait, de préférence.

Quant aux poutres, faute de scies ou de godendarts, faute aussi de scies hydrauliques voire électriques ou de tronçonneuses, elles étaient équarries au moyen de doloires. Il s'agissait de haches de six pouces de tranchant, planes d'un côté, biseautées de l'autre.

«Elles étaient lourdes et il fallait que la cognée soit précise», continue Mme Fleury qui dit reconnaître souvent dans les poutres qu'elle découvre les traits de hache aux six pouces.

Dans les maisons qu'elle sauve de la ruine ou de la démolition, elle découvre des entailles «qui ne sont pas à leur place». Ce qui lui suggère qu'on avait fait des réparations au moyen de bois provenant d'autres maisons qui avaient fait leur temps. Encore là, on récupérait.