Vous vous êtes fait construire une maison par un entrepreneur, dernièrement. À moins qu'il n'ait rénové celle que vous possédez déjà... Or, vous apprenez qu'il vient de faire faillite ou qu'il s'est mis sous la protection de la loi pour l'éviter.

Vous vous êtes fait construire une maison par un entrepreneur, dernièrement. À moins qu'il n'ait rénové celle que vous possédez déjà... Or, vous apprenez qu'il vient de faire faillite ou qu'il s'est mis sous la protection de la loi pour l'éviter.

 Ce qui a fait naître en vous une peur bleue que votre droit de propriété soit remis en cause ou encore qu'on ne saisisse votre maison pour dettes impayées à des sous-entrepreneurs et pour lesquelles vous auriez été tenu dans l'ignorance. Ces appréhensions sont-elles fondées? demande Le Soleil à deux notaires.

En fait, il vaut mieux voir à son affaire et s'assurer, par exemple, qu'aucune hypothèque légale n'a été publiée au Registre foncier par un sous-entrepreneur, recommandent Me Christine Gagnon de Québec et Me Mélanie Boissonneault de Lac-Etchemin.

«On peut avoir versé des acomptes à son entrepreneur qui aurait pris la liberté de les détourner sur un autre projet de construction au lieu de payer le sous-entrepreneur auquel ils étaient destinés», dit Me Gagnon. Ainsi, après avoir eu la certitude de ne plus lui devoir un rond, voilà qu'on est susceptible de payer deux fois pour le travail qu'il a fait.

Quant à votre droit de propriété, il ne peut être, en principe, mis en doute. Car le notaire aura remonté toute la chaîne des titres s'accordant au cadastre, en vue de la passation de l'acte de vente. Il aura vérifié, du coup, l'existence ou non d'hypothèques légales.

Mais il arrive qu'à cette fin, le notaire reçoive des informations de l'institution financière prêteuse qu'il n'est pas toujours en mesure de vérifier tandis qu'il ne peut savoir si un sous-traitant a triché. C'est pourquoi, insistent-elles, il vaut mieux aller vérifier au Registre foncier. À Québec, rue de l'Atrium.

Si une hypothèque légale s'avère, elle aura été normalement enregistrée dans les 30 jours suivant la fin des travaux. Mais cette hypothèque s'éteint six mois après la fin du chantier si, dans l'intervalle, le sous-entrepreneur a été payé ou renonce à prendre action contre le propriétaire. Non contre l'entrepreneur.

Selon Me Boissonneault, la cloche de la fin des travaux chantiers tinte quand l'entrepreneur, les ouvriers, les sous-entrepreneurs et les fournisseurs ont ramassé tous leurs effets et sont partis. Laissant derrière eux une maison parachevée. Alors, le décompte des 30 jours commence.

Hors délai

Par contre, des sous-entrepreneurs futés peuvent faire enregistrer une hypothèque légale hors délai. Soit passé les 30 jours après la fin du chantier. «Dans ce cas, elle n'est pas valide, mais il faudra prévoir des frais juridiques pour la contester et la faire radier», appréhende Me Gagnon.

Le prêteur hypothécaire, lui, n'aura pas pris de risque. Il aura retenu 15 % des sommes reliées au projet jusqu'à la certitude qu'aucun sous-entrepreneur ne s'est prévalu, dans les délais légaux, d'une pareille hypothèque.

Dénonciation

Il faut se rappeler toutefois qu'une hypothèque légale naît lorsqu'un sous-traitant envoie une lettre au propriétaire de la maison l'informant d'une part de la nature du contrat qu'il a passé avec son entrepreneur, d'autre part de son droit, le cas échéant, de se prévaloir d'une hypothèque légale.

Il l'aura toutefois fait avant même qu'il n'ait entrepris ses travaux ni même transporté son matériel sur le chantier. C'est ce qu'on appelle la dénonciation. S'il ne s'est pas acquitté de cette formalité, il ne peut prétendre à l'hypothèque. Sans dénonciation donc, pas d'hypothèque valide.

Mais si vous avez acheté votre maison neuve, clé en main, directement du promoteur ou de l'entrepreneur, c'est à lui qu'auront été adressées, éventuellement, les dénonciations. Car c'est lui qui en aura été d'abord le propriétaire. Vérifiez auprès de lui.

Enfin, si votre institution financière, votre notaire ou vous personnellement avez payé l'entrepreneur, sur présentation de quittances de la part des sous-entrepreneurs, vous êtes en voiture. Et si les chèques ont été signés conjointement à l'entrepreneur et aux sous-entrepreneurs concernés, dormez bien. Vous aurez agi avec discernement.

 Certaines conditions s'appliquent

Si l'entreprise de construction qui bâtit votre maison ou votre logement fait faillite et ne peut plus faire face à ses obligations, le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, dans la mesure où vous êtes couvert, y supplée, mais à certaines conditions.

 Lors de la signature de votre contrat de construction, vous auriez dû signer un formulaire en vue de l'inscription de votre projet au plan, dit un entrepreneur de Saint-Rédempteur.

 Mais à supposer que vous ne vous souveniez plus si votre propriété est inscrite ou non, vérifiez votre contrat. Sinon joignez la direction du plan de garantie de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec (APCHQ) ou de l'Association de la construction (ACQ). Là, en tout cas, où vous croyez que l'entreprise avec laquelle vous avez fait affaire est en lien.

 Acomptes

 «Le plan prend le relais, c'est clair. Quoique cela soit plus laborieux pour le particulier», constate Me Christine Gagnon, notaire de Québec et docteure en droit.

 De façon générale, il peut recouvrer ses acomptes jusqu'à concurrence de 39 000 $, à moins qu'il ne s'entende avec l'administrateur du plan (*) pour le parachèvement des travaux.

 «En fait, lors d'un contrat d'entreprise, en vertu duquel l'entrepreneur s'engage à construire et le particulier à payer pour le service rendu, et bien avant que la passation de l'acte de vente devant notaire n'ait lieu, ce dernier aura normalement versé ne serait-ce qu'un acompte. C'est ce qu'il peut, en principe, recouvrer», explique, de son côté, Me Mélanie Boissonneault, notaire de pratique à Lac-Etchemin.

 Si l'immeuble a été livré, l'administrateur prend sur lui les travaux de parachèvement à moins qu'il ne s'agisse de vices et malfaçons apparents indiqués par écrit lors de la réception du bâtiment. Puis ceux qui sont découverts durant l'année suivant la réception et qui sont signalés à l'administrateur dans un délai raisonnable. Ensuite, les vices cachés découverts dans les trois ans. Enfin, les vices de conception, de construction ou de réalisation, et les vices de sol qui apparaissent dans les cinq ans.

 La Garantie exclut toutefois les créances des personnes qui ont participé à la construction du bâtiment. Ce qui comprend les hypothèques légales.

 Enfin, si la maison n'est pas accréditée parce que sa construction a été confiée à une entreprise au noir ou parce qu'elle a été achetée d'un «autoconstructeur», là le particulier est en difficulté et devra se battre seul. Il aura à faire valoir ses droits auprès du liquidateur de la faillite. Vaste programme.

 (*) Ce sont les organismes compétents qui gèrent le Plan de garantie sur délégation de la Régie du bâtiment du Québec. Il y en a trois. La Garantie des maîtres bâtisseurs, Qualité Habitation de l'Association de la construction du Québec (ACQ) et Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations (APCHQ).

Renseignements : registrefoncier.gouv.qc.ca

Tél : 1 866 226-0977 ou 418 643-3582