Lorsqu’il a fondé son entreprise, en 2010, Mathieu Lamarche s’est fixé comme objectif de bâtir un gratte-ciel à Laval dans un horizon de 10 ans. Il a frôlé la faillite deux fois, mais il a persévéré, faisant le saut avec succès de la construction d’immeubles multirésidentiels en bois à celle de complexes immobiliers en béton, à Terrebonne. Treize ans plus tard, il approche du but grâce, en grande partie, à sa nature optimiste.
Devenu tétraplégique à la suite d’un accident de moto en 2002, l’entrepreneur a depuis misé sur ses forces. « Je me suis concentré sur ce que je pouvais encore faire, révèle-t-il. Cela m’a aidé. J’avais aussi un bon cercle d’amis qui m’a soutenu et ne m’a jamais pris en pitié. Je me suis dit : “ou je passe ma vie à me morfondre, ou je me retrousse les manches”. C’est sûr que ma formation universitaire d’analyste financier m’a beaucoup aidé. Mon travail est surtout cérébral. Mais jamais je n’ai senti que je n’étais pas à ma place. »
Il raconte candidement les obstacles qu’il a surmontés sur son tout premier chantier, à Saint-Jérôme. Les clous sur le sol ont percé à répétition les pneus de son fauteuil roulant. Comme la maison unifamiliale comportait des marches, il ne pouvait pas y avoir accès sans aide. Un projet à la fois, il a peaufiné sa stratégie, mettant l’accessibilité universelle et les besoins variés des locataires au cœur de sa réflexion.
« L’installation d’ouvre-portes automatiques dans l’entrée sert aussi à des personnes qui ne sont pas en situation de handicap, comme une mère avec trois enfants portant plein de paquets, souligne-t-il. L’accessibilité universelle simplifie la vie. Dans le TerraNova II, à Terrebonne, des ouvre-portes automatiques donnent aussi accès à la piscine et au sauna. C’est cool. »
Prochaine étape : la certification Fitwel
Son entreprise, Groupe GDI, a érigé les complexes locatifs TerraNova et TerraNova II, de respectivement 6 et 10 étages, grâce à l’appui financier de précieux partenaires. Les immeubles ayant tour à tour été vendus, Mathieu Lamarche et son équipe ont pris un pas de recul pour établir leurs prochains objectifs.
Est ainsi née la volonté de viser la certification américaine Fitwel dans leur projet Névéa, soumis pour approbation à la Ville de Laval. Le futur complexe de 15 étages, conçu par TLA Architectes, s’élèverait au nord du Marché Public 440.
C’est facile de tomber dans la complaisance et de suivre une recette qui fonctionne bien. Cette certification nous pousse à nous dépasser et force l’équipe à réfléchir pour aller un peu plus loin. Plein de petites décisions auront au final un grand impact.
Mathieu Lamarche, entrepreneur et fondateur du Groupe GDI
Le système d’évaluation Fitwel encourage l’adoption de stratégies ayant des répercussions sur différents plans sur la santé et le bien-être des occupants, dans 12 catégories. L’emplacement du complexe (près du transport collectif), l’accès au bâtiment (à pied, en vélo en prévoyant du rangement), les espaces extérieurs (avec une aire de jeux pour les enfants, un jardin extérieur d’où la circulation automobile ne peut être vue, la présence de potagers), une entrée principale accessible à pied et donnant sur un jardin, l’aménagement d’escaliers agréables à emprunter, la présence d’une salle d’exercice et la livraison de paniers de légumes sont quelques exemples d’objectifs qui seront poursuivis afin d’atteindre le premier niveau de la certification Fitwel. Cette dernière, en plus d’encourager l’activité physique, force à se pencher notamment sur le choix des matériaux, la qualité et la circulation de l’air (avec des fenêtres ouvrantes), le confort acoustique, la luminosité et la vue dans les logements.
Mathieu Lamarche est par ailleurs en mesure de faire cavalier seul grâce au programme APH Select, de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). Ce programme d’assurance prêt hypothécaire pour immeubles d’au moins cinq logements offre des primes réduites et des périodes d’amortissement plus longues (jusqu’à 50 ans) aux promoteurs. Ces derniers s’engagent à offrir un certain pourcentage de logements abordables, des logements accessibles de conception universelle et une performance énergétique de 20 %, 25 % ou 40 % au-dessus du Code pour les constructions neuves. Plus le nombre de points accumulés est élevé, meilleures sont les mesures incitatives.
Le défi, pour le gestionnaire, réside dans l’atteinte d’un juste milieu où les bénéfices escomptés engendreront des hausses de coût nulles ou minimales. Certaines décisions vont de soi, comme celle d’accorder une attention particulière aux seuils des portes et aux dénivellations. D’autres choix s’imposent d’eux-mêmes.
« On a installé un certain nombre de bacs de jardinage surélevés sur le toit du TerraNova II en pensant aux personnes à mobilité réduite, explique-t-il. Mais tout le monde en a demandé pour ne plus avoir à se mettre à quatre pattes. »
Au Névéa, tous les bacs de jardinage seront surélevés. « L’accessibilité réussie, estime Mathieu Lamarche, c’est quand on ne la voit pas. »
Consultez le site du Groupe GDI