La ville regorge de recoins oubliés, parfois tout près des grands axes, qui peuvent devenir d’agréables lieux de vie. Un petit projet de cinq unités s’est niché dans l’un d’eux, au cœur de Villeray, en misant notamment sur une inhabituelle maisonnette de fond de cour, un type d’habitation qui pourrait faciliter l’accès à la propriété.

La rue Saint-Élie se cache dans le dédale bigarré de la trame urbaine de Villeray, derrière la rue Jarry Est, à Montréal. À l’ombre de quelques arbres, on trouve, dans ce cul-de-sac, d’un côté, les cours arrière de commerces et de logements et, de l’autre, une poignée de bâtiments résidentiels et un garage en piètre état.

C’est ici que la firme L. McComber — architecture vivante a conçu la restauration d’un duplex et la construction de trois nouveaux logements, là où se trouvait un autre garage, pour les promoteurs Jean-Claude Rivard et Frédérick Lizotte. En tout, cinq familles pourraient faire leur nid au bout de la rue Saint-Élie. Chaque unité, dont la superficie varie de 1340 pi⁠2 à 2025 pi⁠2, compte en effet trois ou quatre chambres, une offre assez rare en ville.

Plus rare encore : le projet baptisé Saint-Élie-de-Villeray par les architectes — pour évoquer la convivialité du village de Saint-Élie-de-Caxton du conteur Fred Pellerin — comprend une maisonnette en fond de cour.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

La maisonnette de fond de cour, sur la gauche, occupe l’arrière du terrain. Collée sur l’agrandissement du duplex, à droite, elle est construite sur quatre niveaux, du sous-sol à la mezzanine, avec sa terrasse.

Cette propriété occupe la partie arrière du terrain. Elle est construite sur quatre niveaux, avec les chambres au sous-sol et au rez-de-chaussée, la cuisine à l’étage et un séjour dans la mezzanine qui donne sur une terrasse où la vue porte jusqu’au mont Royal.

C’est une construction vraiment atypique dans le marché, qui nous a permis de densifier la ville sans la défigurer, en restant à deux étages sur rue.

L’architecte Laurent McComber

Un joli casse-tête

Il a fallu faire preuve d’audace pour permettre à ce bâtiment de sortir de terre, car les maisons de fond de cour sont en général interdites à Montréal. Afin de respecter le règlement, la maisonnette a été « rattachée » à deux unités situées côté rue par une série de cabanons.

Toute la conception du projet a représenté un joli casse-tête. « Le promoteur voulait un beau projet d’architecte, mais pas un “trip” d’architecte, pour garder des prix plus accessibles », dit Laurent McComber, qui a joué avec les volumes pour respecter les contraintes du terrain, tout en favorisant l’harmonie entre le bâtiment existant et la nouvelle construction.

  • Avant les travaux. Le duplex, à gauche, et le garage.

    PHOTO FOURNIE PAR L. MCCOMBER — ARCHITECTURE VIVANTE

    Avant les travaux. Le duplex, à gauche, et le garage.

  • Pendant la construction des nouvelles propriétés

    PHOTO FOURNIE PAR L. MCCOMBER — ARCHITECTURE VIVANTE

    Pendant la construction des nouvelles propriétés

  • Toutes les unités n’ont pas encore trouvé preneur. Sur Centris, trois des cinq propriétés sont affichées à des prix qui vont de 789 000 $ à 899 000 $, plus taxes.

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Toutes les unités n’ont pas encore trouvé preneur. Sur Centris, trois des cinq propriétés sont affichées à des prix qui vont de 789 000 $ à 899 000 $, plus taxes.

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« Il fallait se limiter à un taux d’implantation de 70 % et conserver le duplex, qui a quand même été agrandi. On a donc favorisé des logements plus grands plutôt que plus nombreux, poursuit l’architecte. On souhaitait donner à chaque unité un petit espace extérieur, une cour ou une terrasse. Le tout avec des vues intéressantes et de la lumière naturelle. »

Comme les unités sont sur au moins deux niveaux, aucune ne se trouve complètement en sous-sol. Les pièces sont parfois petites, mais les grandes fenêtres font qu’on ne s’y sent pas à l’étroit, en particulier aux étages supérieurs. « J’ai longtemps été connu comme un architecte qui fait dans le compact, dit en rigolant Laurent McComber, mais je m’assure que les espaces sont bien qualifiés, fonctionnels. »

  • Trois des cinq unités comptent une terrasse sur le toit. La vue porte loin.

    PHOTO RAPHAËL THIBODEAU, FOURNIE PAR L. MCCOMBER — ARCHITECTURE VIVANTE

    Trois des cinq unités comptent une terrasse sur le toit. La vue porte loin.

  • Les unités qui se trouvent près du sol profitent de petites cours, comme celle-ci. Le revêtement extérieur passe de la brique au crépi, en passant par de la tôle d’acier.

    PHOTO RAPHAËL THIBODEAU, FOURNIE PAR L. MCCOMBER — ARCHITECTURE VIVANTE

    Les unités qui se trouvent près du sol profitent de petites cours, comme celle-ci. Le revêtement extérieur passe de la brique au crépi, en passant par de la tôle d’acier.

  • Les pièces ne sont pas immenses, mais les grandes fenêtres font qu’on ne s’y sent pas à l’étroit.

    PHOTO RAPHAËL THIBODEAU, FOURNIE PAR L. MCCOMBER — ARCHITECTURE VIVANTE

    Les pièces ne sont pas immenses, mais les grandes fenêtres font qu’on ne s’y sent pas à l’étroit.

  • Les cages d’escaliers de toutes les unités se ressemblent, avec leurs jolies parois de linoléum gris.

    PHOTO RAPHAËL THIBODEAU, FOURNIE PAR L. MCCOMBER — ARCHITECTURE VIVANTE

    Les cages d’escaliers de toutes les unités se ressemblent, avec leurs jolies parois de linoléum gris.

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Chaque propriété a ses particularités, dans la disposition des pièces bien sûr, mais aussi du côté des revêtements de sol. Ici du chêne blanc, là du béton poli… Les cages d’escaliers sont en revanche toutes semblables, avec leurs jolies parois de linoléum gris. « Pas du prélart en vinyle, précise Laurent McComber, mais bien un matériau entièrement biosourcé à base de jute et d’huile de lin. »

Une solution à la crise du logement ?

Les règlements municipaux limitent beaucoup la construction de maisons de fond de cour à Montréal et dans les environs, même quand elles se qualifient comme des unités d’habitation accessoires (UHA), qui peuvent être louées à des membres de la famille ou des étudiants.

Selon l’urbaniste Charlotte Montfils-Ratelle, de la firme Arpent, ces maisonnettes font pourtant partie du « cocktail des solutions » pour régler la crise du logement abordable.

Les UHA suscitent tout de même un intérêt grandissant, constate l’urbaniste. Ottawa les accueille depuis 2016, par exemple. Sur la Rive-Sud, Arpent a accompagné la ville de Sainte-Catherine dans la refonte de ses règlements pour leur faire une place dans les lots assez grands et ainsi augmenter l’offre dans des secteurs déjà bâtis, ce qui pourrait aider de premiers acheteurs à trouver un toit.

  • Les unités d’habitation accessoires (UHA) sont des logements locatifs intégrés à des lots déjà occupés par une habitation principale.

    IMAGE FOURNIE PAR ARPENT

    Les unités d’habitation accessoires (UHA) sont des logements locatifs intégrés à des lots déjà occupés par une habitation principale.

  • Une UHA peut être attachée ou pas et située devant ou derrière l’habitation principale, ou sur le côté de celle-ci.

    IMAGE FOURNIE PAR ARPENT

    Une UHA peut être attachée ou pas et située devant ou derrière l’habitation principale, ou sur le côté de celle-ci.

  • S’il est bien encadré, l’ajout d’UHA ne viendra pas bouleverser la vie d’un quartier déjà bâti. « C’est une densification très douce », explique l’urbaniste Charlotte Montfils-Ratelle, d’Arpent.

    IMAGE FOURNIE PAR ARPENT

    S’il est bien encadré, l’ajout d’UHA ne viendra pas bouleverser la vie d’un quartier déjà bâti. « C’est une densification très douce », explique l’urbaniste Charlotte Montfils-Ratelle, d’Arpent.

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« C’est une densification très douce, au bon vouloir des propriétaires, observe Charlotte Montfils-Ratelle. Pourquoi ne pas l’offrir ? Il y a beaucoup d’exemples réussis, charmants et coquets d’UHA, qui ne dénaturent pas les quartiers où elles sont construites. »

Bien sûr, les UHA s’insèrent plus facilement en milieu suburbain, où les terrains sont plus grands. Mais avec un bon cadre réglementaire, il y a aussi moyen d’en bâtir en pleine ville, pense-t-elle. « Même dans des quartiers sous cloche, complètement développés, comme le Plateau Mont-Royal, il y a de beaux défis à relever pour les architectes ! »

Consultez le site de L. McComber — architecture vivante