Après 59 ans sous le même toit, Louis-Marie Pilote et Lucie St-Cyr ont vendu leur propriété, loué deux logements voisins et fait installer une porte entre les deux. Si leur idée des plus originales leur permet de savourer une intimité décuplée, ils continuent de partager d’innombrables activités au quotidien.

Dynamiques, toujours amoureux et possédant le regard tannant de ceux qui n’ont jamais cessé de goûter à la vie, les deux octogénaires, qui célèbrent ce mois-ci leurs noces de diamant, ont choisi de quitter le condo qu’ils possédaient depuis 14 ans à Boucherville. « À notre âge, une certaine fatigue s’était installée avec les responsabilités qui viennent en étant propriétaires, dit Louis-Marie Pilote. On ne voulait pas attendre trop tard, ou être malades. » « On avait envie de choisir où on allait vivre nous-mêmes, sans que les autres choisissent pour nous », renchérit Lucie St-Cyr.

Cherchant un logement de cinq pièces et demie, toutes dépenses incluses (télévision, internet, eau chaude, etc.), ils n’ont pas trouvé à Boucherville. En analysant les municipalités voisines, ils ont repéré un immeuble de copropriétés locatives à Longueuil. Malheureusement, celui-ci n’avait aucun logement assez grand pour eux.

Toutefois, une expérience du passé les a inspirés. « En 1976, quand je suis allé travailler comme ingénieur à La Pocatière, nous avions loué deux cinq et demie, se souvient M. Pilote. Nos trois grandes filles occupaient un logement, alors que nous étions dans l’autre avec la petite dernière. »

Cette période semble avoir été plus que positive. « Les filles avaient leurs locaux et leur chambre de bain, explique Mme St-Cyr. On avait aimé cette séparation. » Même son de cloche chez son mari. « Ça nous a inspirés 46 ans plus tard. »

Vivre autrement

Lors de leurs échanges avec les gestionnaires de l’immeuble longueuillois, ils ont suggéré d’occuper deux logements voisins et d’installer une porte à leurs frais. « Je pensais qu’ils allaient dire non et qu’on resterait au condo, puisqu’on ne voulait pas déménager dans quelque chose qui nous plaisait à moitié, dit Mme St-Cyr. J’aimais notre condo. Je pensais que j’allais y mourir. Finalement, ils ont accepté. »

Après une semaine de réflexion, les gestionnaires, d’abord très surpris par la demande, ont convenu de créer un nouveau paradigme immobilier. Ainsi, leur souplesse a permis aux amoureux de ne pas s’éloigner exagérément de leurs trois filles établies à Boucherville et de la quatrième vivant à Montréal. Et de se bâtir un nouveau quotidien.

PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Lucie St-Cyr et Louis-Marie Pilote

On a chacun nos affaires, mais on fait vie commune. On mange ensemble. On accueille notre famille ensemble. On fait des soirées télé ensemble.

Lucie St-Cyr

Quand ils ont envie de regarder des émissions différentes, ils s’installent chacun dans leur appartement. Et ils peuvent choisir quand ils dorment ensemble. « J’ai un petit lit dans mon appartement, alors que Louis a un lit double, explique-t-elle. Donc, je peux venir dormir avec lui si je veux. »

« On le faisait déjà au condo depuis environ cinq ans, à cause d’une situation de ronflements », précise son mari en demeurant volontairement vague. « C’est moi qui ronfle, s’exclame sa femme en rigolant comme une gamine. Ça le réveillait et je lui disais : “Réveille-moi pas si je ronfle, parce que je dors profondément !” »

Une solution durable

Même si les amoureux semblent en bonne santé, ils ont réfléchi à l’éventualité qu’un des deux meure avant l’autre. « Si l’un de nous deux part, nos appartements peuvent devenir l’équivalent d’une habitation bigénérationnelle, imagine Louis-Marie Pilote. Une de nos filles peut y habiter temporairement. » Cela semble déjà très clair pour elles. « Les filles nous ont dit qu’elles ne laisseraient pas partir l’appartement advenant qu’un des deux décède, et que l’une d’elles va prendre l’autre. »

Quand on les questionne sur leur bilan, ils n’arrivent pas à nommer des inconvénients à leur mode de cohabitation original. « On a pas mal tous les avantages de notre vie de condo, mais on s’est débarrassés des responsabilités, estime Louis-Marie Pilote. On paye une fois par mois. C’est un clés en main. » Sa femme en rajoute. « C’est une trouvaille ! »

PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Louis-Marie Pilote et Lucie St-Cyr

Une trouvaille qui n’est pas pour toutes les bourses. « Il faut avoir les moyens, car ce n’est pas donné, dit Lucie St-Cyr. Mais ce n’est pas plus cher que d’aller dans une RPA. » Pas plus cher, mais plus grand. « On a 1400 pi⁠2 ensemble, précise M. Pilote. C’est une très bonne solution dispendieuse. »