C’est un marché qui fait régulièrement les gros titres de la presse américaine : celui des propriétés de luxe, qui se vendent… ou pas. Au printemps, une « mega mansion » à Los Angeles s’est vendue à moins de la moitié du prix demandé (126 millions US pour 100 000 pi⁠2 et 42 salles de bains, tout de même). Les déboires du luxe annonceraient-ils la fin d’une ère d’excès immobilier en Californie ? Rien n’est moins sûr.

(San Francisco, Californie) Ville de tous les excès, Los Angeles offre un vaste parc immobilier de propriétés toutes plus flamboyantes les unes que les autres, comme le savent bien les fidèles de l’émission de téléréalité immobilière Selling Sunset.

Lisez un article sur la maison « The One » (en anglais)

Plus au nord, San Francisco est au cœur du marché immobilier le plus cher des États-Unis. Avec la Silicon Valley juste à côté et un revenu annuel moyen par foyer de 113 000 $ US — contre 47 000 $ pour l’ensemble des États-Unis, selon les chiffres de 2021 —, San Francisco n’a cessé de voir les prix de l’immobilier grimper en flèche depuis le début des années 2010.

PHOTO CARLOS BARRIA, ARCHIVES REUTERS

San Francisco est au cœur du marché immobilier le plus cher des États-Unis.

Luxe à profusion

« On a beaucoup plus de demande que d’offre », résume Isabelle Grotte, agente d’origine française qui, avec son équipe, a réalisé 195 millions US en transactions immobilières l’an dernier à San Francisco. Avec ses célèbres pentes et collines, la ville offre en effet peu de terrains vierges pour construire des châteaux.

La fourchette de prix pour des propriétés dans les quartiers les plus enviables va varier entre 17 et 25 millions US. Ce qui semble bien modeste à côté des villas stéroïdes du sud de la Californie.

Cela n’empêche pas des propriétés plus luxueuses d’arriver régulièrement sur le marché.

PHOTO TIRÉE DU SITE COMPASS

Une ancienne maison de l’actrice Sharon Stone est actuellement en vente pour 39 millions US.

Ainsi, une ancienne maison de l’actrice Sharon Stone, qui domine la plage de Baker Beach, dans le chic quartier de Sea Cliff, est actuellement en vente pour 39 millions US. À ce prix, vous aurez un décor à l’italienne un peu daté, une vue imprenable sur l’océan Pacifique, les montagnes du comté de Marin et le Golden Gate Bridge, mais aussi sur tous les plagistes qui se soulagent au pied des escaliers de la villa dès le retour des beaux jours. Nous en avons été témoin.

Consultez l’annonce de l’ancienne maison de Sharon Stone (en anglais)

Autre quartier, autres excès : dans Russian Hill, au sommet des collines qui font le charme et la réputation de San Francisco, un double appartement-terrasse ayant appartenu à l’ancien secrétaire d’État George Schultz est en vente pour 29 millions US. Celui-ci compte plus de 5800 pi⁠2 de surface habitable et des baies vitrées offrant une vue panoramique sur la baie. Pour les millionnaires plus regardants sur la dépense, il est possible d’acheter séparément l’une des deux unités qui composent le penthouse.

PHOTO TIRÉE DU SITE THE SUMMIT PENTHOUSES

Dans Russian Hill, au sommet des collines qui font le charme et la réputation de San Francisco, un double appartement-terrasse ayant appartenu à l’ancien secrétaire d’État George Schultz est en vente pour 29 millions US.

Consultez l’annonce du penthouse (en anglais)

Marché post-pandémique 

Post-pandémie, malgré la fin du travail au bureau obligatoire annoncée par de grands employeurs de San Francisco — Airbnb et Pinterest, notamment —, le marché immobilier continue de croître : + 11,7 % de croissance en un an pour San Francisco, 21,3 % dans le comté de Santa Clara (qui comprend une bonne partie de la Silicon Valley) et le comté d’Alameda, près d’Oakland.

Celui du luxe suit l’évolution des prix du marché moyen, qui se situe tout de même autour de 1,9 million US pour une maison unifamiliale en moyenne, selon les chiffres fournis par l’incontournable site immobilier Zillow.

« Une maison qui se serait vendue 900 000 $ US il y a trois ans va se vendre aujourd’hui plus de 3 millions US », observe Jen Passetti, agente immobilière de San Francisco. Fait à noter, si vous aimez flâner sur Zillow, sachez que les prix affichés ne reflètent jamais le prix de vente à San Francisco. « C’est un prix qui est fait pour appeler un tsunami : on affiche beaucoup plus bas pour attirer plus d’acheteurs et susciter de l’intérêt, et des émotions », explique Mme Passetti. Les maisons unifamiliales se vendent ainsi en moins d’une semaine en moyenne, avec une surenchère pouvant représenter plusieurs centaines de milliers de dollars.

Hausse continue

La hausse des taux d’intérêt ne devrait pas ralentir cet engouement immobilier dans la baie de San Francisco, comme dans plusieurs marchés chauds des États-Unis (Austin, au Texas, notamment).

Ted Stroll a acheté une maison dans un quartier modeste de San Jose, l’une des villes les plus abordables de la Silicon Valley, en 2007, pour 600 000 $ US. Aujourd’hui, cet avocat retraité de la Cour d’appel de Californie croit qu’elle vaut plus du double. « Si je travaillais encore, je ne pourrais pas acheter à San Jose aujourd’hui, dit M. Stroll. Malheureusement, les hypothèques sont si élevées que beaucoup de gens ne peuvent pas prendre leur retraite ou doivent déménager. C’est un gros problème. »

La tendance à la hausse devrait néanmoins se poursuivre, selon les prédictions de Zillow. « Notre modélisation prévoit une autre hausse des prix de 16,3 % jusqu’en février 2023, dit Jeff Tucker, économiste principal chez Zillow. Mais mon instinct me dit que ce sera sûrement moins, la baie va sûrement être l’une des premières régions au pays à connaître l’effet de la hausse de taux d’intérêt. Ça reste quand même complètement incroyable de voir de 15 à 20 % d’appréciation de prix sur un marché immobilier en si peu de temps. Je n’aurais jamais cru que je verrais ça. »

Le marché haut de gamme dans cette région ne connaît pas non plus la crise. « Ce que ça montre, c’est qu’il y a un solide bassin d’acheteurs qui n’ont aucun problème à acheter une maison, et qui peuvent même payer plus », croit M. Tucker.

Le royaume du home staging 

Photos léchées, meubles et plantes tendance, chaises de jardin invitant au farniente. En Californie, les agents immobiliers ne plaisantent pas avec la mise en marché des biens qui leur sont confiés. À moins d’avoir une maison au goût impeccable et décorée d’œuvres d’art (ce qui n’est pas impossible ici), les propriétés sont soumises à une rénovation et un home staging avant leur mise en vente. Ainsi, on maximise le potentiel d’un bien immobilier, on facilite la capacité des futurs acheteurs à s’y projeter puis on évite les négociations à la baisse qui pourraient survenir. Adieu, donc, meubles IKEA abîmés par des années de service, photos de mariage et autres dessins d’enfants. Ce service, souvent une condition sine qua non des agents, coûte au vendeur plusieurs dizaines de milliers de dollars. Fait intéressant, les vendeurs quittent leur domicile plusieurs semaines avant la vente, et les prises de possession sont ici très rapides et peu flexibles.