Emmanuelle Cérat carbure aux défis. Très organisée et efficace, l’entrepreneure dans le domaine de la construction veut se servir de ce qu’elle a appris, au cours des 25 dernières années, pour insuffler un vent de changement. Le 8 mars lui servira de prétexte pour encourager les femmes à oser prendre leur place dans l’industrie, comme elle-même l’a fait, malgré les embûches.

Les obstacles qu’elle a dû surmonter ont été nombreux, raconte celle qui, armée seulement d’un diplôme d’études professionnelles en comptabilité, est parvenue à gravir les échelons d’une entreprise dans le domaine de la construction. À 27 ans, elle était mère de quatre enfants, qu’elle a élevés seule.

« Déjà en étant une femme, il faut en faire plus, souligne-t-elle. En n’ayant pas de diplôme universitaire, avec la conciliation travail-famille, c’était quelque chose. Cela m’a amenée à développer des aptitudes hors du commun. J’ai appris à gérer différentes situations de crise, rapidement, parce qu’on voyait mon efficacité et ma productivité. On me mettait au défi. Cela m’a poussée à me démarquer. »

Elle avait toujours voulu avoir sa propre entreprise. Elle a foncé à la veille de ses 40 ans, ciblant un secteur désorganisé. « J’ai réalisé que le corps de métier qui était un peu broche à foin, c’était celui de la démolition et de l’enlèvement d’amiante, parce que c’est un des seuls pour lesquels on n’a pas besoin d’aller à l’école. J’ai lancé l’entreprise National Démolition avec un associé. C’est sûr que les deux premières années ont été difficiles. Faire sa place a dérangé les gens, encore une fois. Mais alors qu’au début, les clients achetaient un prix, on s’est bâti une notoriété. On n’est pas juste des jobeurs. On vient avec de la qualité, de l’efficacité, on est structurés par rapport à la paperasse et on suit les normes au Québec. »

Ce sens de l’organisation, Emmanuelle Cérat veut le transposer à l’échelle de l’industrie de la construction, composée à 82 % de petites entreprises, qui travaillent chacune de leur côté et manquent trop souvent de ressources. Afin de les soutenir et de les accompagner dans leur recherche de solutions, elle inaugurera Ensemble pour la construction, au printemps. En attendant, elle désire profiter de la Journée internationale des droits des femmes pour lancer une vidéo sur YouTube, le 8 mars, qui mettra en avant des femmes qui se sont taillé une place enviable dans l’industrie de la construction. Elle espère ainsi en inspirer d’autres.

« Une des principales solutions à la pénurie de main-d’œuvre, c’est d’intégrer la femme et de la laisser prendre sa place, estime celle qui, à 47 ans, a déjà deux petits-enfants. Il faut pour cela redorer l’image de l’industrie de la construction, parce que c’est un domaine qui est rough, et qui fait peur à beaucoup de gens. »

Je veux honorer les femmes qui osent prendre leur place et les hommes qui savent reconnaître leur potentiel.

Emmanuelle Cérat, de National Démolition

S’épanouir dans l’industrie de la construction

Nadya Michel a accepté sans hésiter de faire partie de la vidéo, espérant ainsi faire une différence dans la vie d’autres femmes. « J’approche 50 ans, alors c’est sûr que je veux aider les plus jeunes à s’épanouir, dit-elle. Je souhaite avoir un impact auprès des femmes qui se posent des questions et qui voudraient peut-être changer de métier. Je travaille moi-même dans une industrie masculine, celle des explosifs. J’aime encourager les femmes à suivre leur cœur, à exploiter leurs qualités et à réaliser leurs ambitions, peu importe le type de milieu. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Nadya Michel est présidente de Gestion Monox, spécialisée dans la prévention d’intoxications au monoxyde de carbone, à la suite de dynamitage. Elle se trouve devant un chantier, à Saint-Léonard, où s’effectue du dynamitage.

Présidente de Gestion Monox, une entreprise spécialisée dans la prévention d’intoxications au monoxyde de carbone à la suite de dynamitage, elle est une des ambassadrices de l’organisme à but non lucratif Les Elles de la construction, voué à la promotion des droits et des intérêts des femmes dans les milieux de la construction. Elle a rencontré Emmanuelle Cérat dans le cadre d’activités de réseautage organisées pour favoriser les échanges entre des femmes qui occupent différents postes dans l’industrie, que ce soit à la tête d’entreprises, dans les chantiers ou les bureaux administratifs.

« C’est sûr qu’on a des atomes crochus, souligne Nadya Michel. Emmanuelle est rassembleuse, elle donne le goût d’avancer. Je pense qu’avec Ensemble pour la construction, elle peut vraiment avoir un impact sur plusieurs types d’entrepreneurs pour améliorer le rendement de leur entreprise et augmenter leur niveau de bonheur. »

Une place en croissance

John Marcovecchio, président-directeur général de Magil Construction, se souvient à quel point la présence de femmes dérangeait, il y a une trentaine d’années, parce qu’elle forçait les hommes à contrôler leurs émotions et à employer un langage moins grossier, tant dans les chantiers que lors des négociations de contrats. Cela a beaucoup changé, constate l’ingénieur, qui a obtenu son diplôme de l’Université Concordia en 1986 et qui témoignera lui aussi dans la vidéo La puissance de l’équité en construction, tout comme Alexandra Murdoch, vice-présidente exécutive de Magil Construction.

PHOTO FOURNIE PAR MAGIL CONSTRUCTION

John Marcovecchio, président-directeur général de Magil Construction, se souvient à quel point la présence de femmes dérangeait, il y a une trentaine d’années. Cela a beaucoup changé, surtout sur le plan de la gestion et de la supervision des chantiers, constate-t-il.

Les femmes en construction arrivent aujourd’hui avec une certaine confiance et une détermination. Elles sont faites fortes et je pense que cela leur permet de réussir, de se démarquer.

John Marcovecchio, président-directeur général de Magil Construction

« Elles ont plus de respect grâce aux femmes qui leur ont ouvert le chemin, ajoute-t-il. Quand elles gagnent de l’expérience, elles commencent à adorer ce qu’elles font et ne changeraient pas. »

La pénurie de main-d’œuvre serait pire sans la contribution des femmes, croit-il. « Il y a beaucoup plus de femmes dans les programmes de génie et c’est une bonne nouvelle. Chez Magil, on a réussi à inclure plus de femmes dans la supervision et dans la gestion des chantiers. Dans un de nos plus grands projets, le Square Phillips, une tour de condos au centre-ville de Montréal, c’est une femme qui est surintendante. Dans la gestion de chacun de nos chantiers, on a au moins une femme. Il peut y en avoir deux, trois, quatre. C’est énorme comparativement à il y a 30 ans. »

Consultez le site d’Ensemble pour la construction