Des propriétaires nous ouvrent les portes de leur demeure d’exception, offerte sur le marché de la revente.

Ne rien changer. Entretenir avec soin, mais garder les choses comme elles sont depuis toujours. Résister aux modes, aux incitations à moderniser son décor. Difficile, impossible ? Pas pour Monique Scheffer, propriétaire de ce quintuplex presque centenaire, à Verdun.

« Oh non, jamais ! », s’exclame Monique quand on lui demande si elle a déjà songé à modifier le décor des pièces dans lesquelles on se trouve actuellement. Vitraux, boiseries de chêne, murs artistiquement travaillés et patinés, vaisseliers, parquets de bois avec motifs… Au rez-de-chaussée de ce noble immeuble de la rue Wellington, toutes les pièces d’en avant, y compris le salon, la salle à manger, l’ancien bureau de notaire et sa salle d’attente, sont d’origine. Le coup de pinceau ? Elles ne connaissent pas. Même le tapis bourgogne de l’ancienne salle d’attente, encore étonnamment moelleux, et les rideaux de voile ont quasiment 100 ans. Parlant de rideaux, après les avoir délicatement lavés, Monique en peignait soigneusement la frange, se souviennent ses filles.

Plus jeune que lui…

Monique Scheffer est plus jeune que son immeuble. Trois ans d’écart, pour être précis. C’est un notaire, Joseph-Hector Messier, qui allait plus tard devenir son beau-père, qui a fait bâtir l’immeuble, en 1925, pour y habiter avec sa famille et exercer sa profession. Il en a été ainsi jusqu’à ce qu’il déménage à Outremont, en 1952. Le fils de celui-ci, Henri, devenu notaire lui aussi, a alors repris l’immeuble de Verdun, avec sa jeune femme, Monique, ici présente. De jour, Henri exerçait sa profession rue Saint-Jacques et, le soir, il faisait du bureau à la maison. Comme son père avant lui. Le rez-de-chaussée avait d’ailleurs été pensé pour ça. Une fois fermées, les portes vitrées du corridor séparaient l’espace bureau du reste de l’appartement. Hormis l’inscription « Sonnez et entrez », qui a disparu, tout est pratiquement resté tel quel.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Monique (veste verte) est entourée de ses filles, Francine, Louise et Nicole. Cette dernière est notaire elle aussi.

Des murs comme ça, jamais retouchés, c’est une rareté, à n’en pas douter. Joseph-Hector racontait qu’il avait engagé un ex-prisonnier pour les façonner. L’histoire ne dit pas si ce dernier était un artisan faussaire, mais quand on voit la qualité et le détail, on est porté à le croire. Entre autres techniques impressionnantes, on note le veinage d’un certain lambris, qui nous fait prendre pour du bois ce qui supposément n’en est pas. Il faudrait un test d’ADN pour le prouver.

Zone interdite

Henri et Monique ont eu trois filles : Louise, Francine et Nicole, présentes également lors de notre visite. À les voir rire et bavarder, on imagine que ça devait bouger dans cette maison-là. Il y avait cependant des frontières à ne pas franchir. Ces pièces, qui forcent l’admiration aujourd’hui, étaient réservées au notariat et aux grandes réceptions. La vie quotidienne, avec ses petites et grandes folies, c’est à l’arrière et au sous-sol que ça se passait.

Moderniser, il y a 50 ans…

Avançons donc… en arrière, pour voir le reste de la maison. Une fois passé les chambres, qui n’ont pas beaucoup changé, elles non plus, on arrive aux aires de vie : la cuisine et la salle à manger, qui servait aussi de boudoir. Ici, en matière d’aménagement, on est propulsé au début des années 1970. C’est à ce moment que les dernières rénovations ont eu lieu. Monique disposait désormais d’une cuisine dernier cri, avec deux fours et un lave-vaisselle. Ça facilitait les choses lors des grandes fêtes de Noël, qui réunissaient parenté, amis et locataires du haut. On étalait le buffet sur la table de billard au sous-sol et c’était le party, se souviennent les filles.

Entretien méticuleux

Outre le logement principal, et son sous-sol tout aussi grand, l’immeuble compte quatre logements de cinq pièces et demie aux étages supérieurs. On imagine l’entretien… Pourtant, l’immeuble est manifestement très bien conservé. Lorsqu’il fallait réparer ou changer quelque chose, Joseph-Hector, et son fils Henri après lui, avait le souci de préserver le style et les matériaux, souligne Francine, une des filles.

En 2002, l’immeuble a d’ailleurs gagné le prix émérite résidentiel de l’Opération patrimoine architectural de Montréal, pour l’arrondissement de Verdun. On notait que « l’état remarquable de conservation du bâtiment était dû à l’entretien soigné de la part du propriétaire ».

Rester, partir…

Après la mort d’Henri son mari, en 2006, Monique est restée dans son immense maison. Pour l’entretien, « j’ai eu beaucoup d’aide », précise celle qui s’estime bien « chanceuse » dans la vie, et qui plus est d’avoir passé cette vie dans cette belle maison. L’été dernier, à 93 ans, elle s’est cependant résolue à aller demeurer dans une résidence pour personnes âgées. Deux de ses filles, qui occupaient des logements du haut, s’en vont aussi. Presque tous les meubles sont partis, il y a quelques mois, lors d’une vente de succession. Malgré les pièces vides, on sent que l’âme de la famille Messier habite toujours la maison. La robe de bal que Monique a confectionnée, il y a bien longtemps, et qui fait toujours la jolie dans une penderie y est peut-être aussi pour quelque chose…

Moderniser

Cette propriété de la rue Wellington est bien entretenue, et des éléments importants ont été refaits, comme le toit et les fournaises de chacun des cinq logements, tous chauffés indépendamment à l’eau. Mais on comprend qu’il y a du travail à faire pour moderniser l’intérieur, notamment en matière d’électricité. Les boutons-poussoirs en cuivre pour faire la lumière et les prises à deux brins, ici et là, en témoignent. Mais il y a moyen de moderniser en conservant le cachet, estime le courtier, Jonathan Saveriano, lui-même fervent d’art et d’architecture ancienne. « C’est rare de voir une propriété de cette qualité, dans un aussi bon état, dit-il. Elle va toujours gagner de la valeur avec le temps. »

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La propriété en bref

Année de construction : Quintuplex construit en 1925, ayant toujours appartenu à la même famille.

Prix demandé : 2 750 000 $

Pièces : Logement principal de 14 pièces avec sous-sol, et 4 logements de 5 pièces et demie aux étages supérieurs. Deux garages et hangars de rangement à l’extérieur.

Évaluation municipale : 1 307 500 $

Taxe municipale : 9497 $

Taxe scolaire : 1228 $

Superficie au sol du bâtiment : 2509 pi2

Superficie du terrain : 8040 pi2

Courtier immobilier : Jonathan Saveriano, Équipe Céré/Saveriano/Christiansen, Groupe Sutton centre-ouest inc.