Elles peuvent faire claquer les dents des acheteurs et donner des sueurs froides aux courtiers. Des maisons hantées ? Pas tout à fait. Certaines propriétés sur le marché, malgré de beaux atours, peuvent présenter un défaut ou un inconvénient susceptible d’effaroucher les clients. Tour d’horizon des bémols les plus courants, et de la manière dont les professionnels de la vente composent avec ceux-ci.

Inondé de problèmes

ILLUSTRATION JULIEN CHUNG, LA PRESSE

C’est un paradoxe : de nombreux acheteurs sont attirés par le bord de l’eau… sauf si celui-ci menace de s’inviter chez eux. Avec l’aggravation des inondations chaque année, on retrouve sur le marché certaines propriétés situées en zone inondable, à divers degrés. La courtière Caroline Lavoie, qui a commencé sa carrière comme designer et spécialiste des maisons difficiles à vendre, en compte une dans son inventaire depuis la mi-juillet, sur le bord de la rivière Saint-François. « Si elle n’était pas en zone inondable, je l’aurais vendue dès la première semaine. Quand on ne connaît pas ça, ça peut faire peur », lance celle qui vient de pêcher des acheteurs adéquats. « Ils ont déjà eu un chalet dans le même secteur et savent que ça ne va pas rentrer comme à Sainte-Marthe. Ils ont fait une offre en toute connaissance de cause », indique la courtière de Re/Max, précisant que ce sont aussi les banques qui ont la trouille : « La problématique est beaucoup plus au niveau du financement et de l’assurance », avertit-elle, ce que confirme son homologue Johanne Ducheine, courtière chez Sutton à Repentigny. « Aussitôt qu’on voit un bord de l’eau, même si ce n’est pas inondable dans l’immédiat, les gens ont quand même peur : ils savent qu’ils ne seront pas assurables ou risquent de perdre la valeur de leur propriété », indique celle qui recommande de faire beaucoup de recherches sur l’historique du terrain.

Maudite pyrite

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S’il est deux mots qui sonnent comme des incantations sataniques, c’est bien « amiante » et « pyrite », souvent synonymes de rénovations majeures. Le courtier de Vendirect Gaétan Cyr, très expérimenté, a déjà réussi à conjurer le sort en vendant une propriété de Saint-Constant, dont le rapport d’expertise affichait un indice de pyrite de 100. C’est-à-dire très élevé. Heureusement, le géologue a estimé que les dégâts seraient plus esthétiques que structurels. Deux soucis restaient : celui de la revente et celui du prêt. « C’est un chiffre qui faisait peur aux banques. J’avais des clients prêts à acheter avec le problème, ça prenait quelqu’un prêt à vivre avec ces travaux-là », se souvient M. Cyr. Les acheteurs ont finalement obtenu un prêt rénovation et la dalle du sous-sol a été refaite à neuf. La pyrite a cependant fait éclater le prix de vente. « Je l’avais évaluée pour une valeur autour de 220 000 $, mais à cause du problème et de la difficulté pour le financement, on a vendu autour de 183 000 $ », rapporte celui qui enseigne à l’École de l’entrepreneurship et au cégep de Thetford Mines.

Un vrai bazar

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Ce n’est pas toujours la propriété elle-même qui provoque des grimaces. Parlez-en à Sylvain Leclerc, courtier Re/Max dans Lanaudière. Il a hérité de la tâche épineuse de vendre une maison unifamiliale dans le secteur de Rawdon qui, pourtant, présente une situation très honorable, dont un grand terrain intime de 30 000 pi2. Le problème n’est pas la bâtisse, mais plutôt son actuel locataire, qui accumule maladivement, dehors comme dedans, du sol au plafond. Sur la fiche de vente, une seule photo recadrée, qui met la puce à l’oreille et gâche la première impression. « Dans l’esprit des clients, ça dévalue beaucoup la valeur de la propriété. Je les préviens, j’essaye de les préparer à en faire abstraction », indique M. Leclerc, qui cible un acheteur ou un investisseur avec une vision, capable de voir au-delà du débarras. Et une mise en demeure pour faire place nette ? C’est du temps, de l’argent et des tracas supplémentaires, dont les vendeurs n’aiment pas vraiment s’encombrer, dit-il. Pour le courtier, le meilleur remède reste préventif : « Pour une maison louée, un propriétaire expérimenté et diligent devrait prévoir une clause selon laquelle le locataire s’engage à ne pas faire de mécanique ni d’entreposage extérieur », recommande-t-il chaudement. D’autres accumulations à donner des frissons : la courtière Caroline Lavoie a déjà visité une maison envahie d’animaux empaillés. De quoi tuer tout espoir de vente.

Esprit, es-tu là ?

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La crainte de la maison hantée n’est pas un mythe : le courtier Gaétan Cyr a déjà accompagné des acheteurs dans une propriété de Saint-Constant où meurtre et suicide figuraient à l’addenda. « Plusieurs acheteurs ne voulaient rien savoir, mais ce n’était pas un souci pour d’autres. C’est une question de perception. Parfois même, quand il y a eu une mort naturelle, certains refusent d’acheter », se souvient-il, précisant qu’il est obligatoire de divulguer les cas de crime. Dans un autre genre, Caroline Lavoie a déjà reçu un compte rendu de visite dans lequel le refus était motivé par l’abondance de symboles religieux et une forte odeur d’encens ; signe, d’après les récalcitrants, que des esprits rôdaient dans la propriété…

Des maisons avec malformations

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Parmi les nombreuses propriétés tendant à faire fuir les particuliers, Caroline Lavoie souligne les autoconstructions mal pensées. « Les gens se disent “C’est ma dernière maison” et font des erreurs majeures, avec une cuisine disproportionnée, la seule salle de bains intégrée dans l’une des trois chambres ou des revêtements qui leur plaisent. Mais on ne sait jamais ce qui peut arriver, et quand vient le temps de la revente… » Elle évoque ainsi une propriété sur le marché depuis cinq ans, passée par autant de courtiers, avant qu’elle la prenne sous son aile : outrageusement médiévale, avec tourelle, armoiries, alcôves illuminées, planchers en échiquiers, etc. Parfait pour jouer à Donjons et Dragons. Moins pour la mise en marché. « Ce sont des choix à la base qui peuvent nuire à la revente, et qu’on ne peut pas enlever comme un cadre », dit celle qui l’a vendue en huit mois, en misant sur le home staging et des photos aériennes pour mettre en valeur le terrain.

Les « sirènes » du marché

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Dans la mythologie grecque, les belles sirènes vous envoûtent pour mieux vous prendre au piège. On les trouve aussi sur le marché de l’immobilier. Magnifique en apparence, mais dès qu’on gratte, c’est l’horreur. Richard Turcotte, qui anime l’émission Ma maison, mon cauchemar sur Canal Vie, ne les connaît que trop bien. « Celles qui font peur, ce sont celles qui sont maquillées avec une belle robe, parce qu’il y a des spécialistes pour maquiller des maisons », prévient-il. Il se souvient d’une demeure de Lac-Mégantic où l’ancien propriétaire avait recouvert un problème de moisissure extrême dans le sous-sol. Malheureusement irrécupérable. Ses conseils pour esquiver ces scénarios : surveiller les infiltrations d’eau (la malédiction numéro 1, à son sens), les vides sanitaires et demander une inspection par un professionnel fiable et recommandé.

En vrac, d’autres propriétés qui effraient

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D’anciennes cultures de cannabis

Moisissures et substances toxiques imprégnées dans la plaque de plâtre (Gyproc) au menu, avec refus de financement bancaire en perspective.

Les domiciles avec de grosses grosses rénovations

On connaît l’histoire : on pense en avoir pour 40 000 $, puis cette somme double, pour finalement se retrouver avec un zéro de plus. Sans compter le fait de vivre dans le bruit et la poussière des mois durant.

Le bruit et l’odeur

Gaétan Cyr avait trouvé une propriété parfaite pour ses acheteurs. Mais la présence d’une voie ferrée a tout fait capoter. Usines à viande (à Blainville), stations d’épuration (à Varennes), voisinage infernal, aéroport, champs agricoles… Caroline Lavoie et Gaétan Cyr rappellent que l’environnement doit être bien étudié, car il peut rapidement venir nous hanter.