Pouvoir prendre l’air sans quitter son chez-soi est un privilège en tout temps lorsqu’on réside en ville. Mais l’accès à une cour, un balcon, une terrasse, un petit jardin ou même un toit prend une valeur décuplée en période de confinement.

Si les consignes de confinement s’assouplissent ces derniers jours, la grande région de Montréal est encore pleinement encloîtrée. Enfermés depuis des semaines, les citadins ont besoin de sortir.

Ceux qui ont un espace extérieur accessible chez eux ont le grand avantage de ne pas avoir à se déplacer ou à risquer d’entraver les règles de la Santé publique pour leur bol d’air frais quotidien.

« Les gens m’appellent pour me dire à quel point ils sont reconnaissants d’avoir leur cour ou leur jardin en ce moment », témoigne Marie-Andrée Fortier, horticultrice et architecte paysagiste, fondatrice de l’entreprise Arts et Jardin.

Celle qui a aménagé des dizaines d’espaces verts urbains reçoit aussi des appels de clients dont le projet d’aménagement est en marche ou qui souhaitent en démarrer un. Les gens comprennent plus que jamais la valeur de leur aire extérieure. « La demande est plus grande, dit Mme Fortier. C’est vital, présentement, d’avoir un jardin. »

Lorsque le soleil apparaît, que la température grimpe un peu, les parcs se remplissent. Mais la ville ne regorge pas de grandes étendues vertes où se promener et se prélasser. C’est là qu’un balcon, une cour, une terrasse ou un toit s’avère des plus utiles. « Dès que le soleil se pointe le bout du nez, on arrête tout et on sort, raconte Camille P. Parent. On a la chance d’avoir un balcon plein soleil — crème solaire et verres fumés sont obligatoires ! Je recommence à travailler cette semaine et j’ai bien l’intention de sortir ma job sur mon balcon. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Camille P. Parent sait que le balcon sera dorénavant un facteur déterminant pour son prochain logement.

La jeune femme, qui vit avec son conjoint à Verdun, partage un espace avec ses voisins, séparé par des bacs à fleurs. « Peu importe la taille de notre balcon, [mon chum] va trouver une façon de l’enjoliver de fleurs, de fines herbes dans des bacs sur la rampe ou suspendus, question de ne pas perdre d’espace pour nous. C’est son projet chaque été, mais encore plus en confinement. »

Bien qu’il n’y ait de la place « que pour deux ou trois personnes bien collées », le balcon est mis à contribution bien plus qu’à l’habitude. « En temps normal, je ne pense pas qu’on [s’y] précipiterait aussi souvent, ajoute Camille. On opterait plutôt pour un parc avec des amis, bières et une partie de mölkky. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Le balcon de Camille P. Parent en plein soleil

Un balcon, un atout

« Avec le confinement qu’on vit, c’est encore plus important de ne pas sentir qu’on est emprisonnés entre quatre murs, dit Diane Sabourin, courtière immobilière agréée. On a besoin de lumière, de respirer. »

Mais au-delà de la période unique que nous traversons, les balcons et les terrasses sont toujours « un plus » en ville.

Les copropriétés qui ont un balcon sont toujours plus prisées et plus chères que celles qui n’en ont pas. Les gens veulent avoir accès à l’extérieur. Ne serait-ce que pour prendre un petit rayon de soleil.

Diane Sabourin

D’ailleurs, ajoute-t-elle, ces espaces (un balcon, le plus souvent) sont souvent une exigence de ses clients.

Ognjen Pirija et sa conjointe, qui résident dans le Plateau Mont-Royal, n’auraient probablement pas acheté leur condo s’il n’avait pas sa cour extérieure et son balcon. « Dans notre ancien appartement, on avait un petit espace qu’on utilisait beaucoup pendant l’été, dit Ognjen. On recherchait quelque chose de semblable puisqu’on aime passer du temps dehors lorsqu’il fait beau. Que ce soit des barbecues avec des amis, prendre un café, déjeuner, lire... »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Ognjen Pirija et sa conjointe

Depuis que le confinement a été décrété, les rassemblements à proximité entre amis ou en famille ne font plus partie de l’équation, mais la cour et le balcon permettent de garder le contact. 

« On a acheté le condo au-dessus de chez nous pour y installer mes parents. Je passe beaucoup de temps à leur parler par-dessus le balcon, raconte Ognjen Pirija. Lorsque ma sœur, qui habite le quartier, prend des marches, elle s’arrête dans la ruelle pour nous saluer. Étant une famille immigrante, de Bosnie-Herzégovine, on a toujours été très proches, et ça nous permet de vivre quelques moments familiaux dans les circonstances. »

Et puis, il y a ses meilleurs amis, un couple, qui habitent le condo voisin. « On se parle de balcon à balcon quelques fois par jour, on prend des apéros en même temps, on fait du barbecue ou on mixe de la musique », dit le Montréalais de 33 ans.

Changements à venir ?

PHOTO LA PRESSE

Diane Sabourin prévoit un mouvement dans le milieu de l’immobilier dont les paramètres seront établis par la crise sanitaire et le confinement. « Les gens vont avoir envie d’un autre type de propriété. Ils pourraient avoir plus envie d’une cour, notamment », note-t-elle. 

Après avoir été confinés, les gens seront tentés par des logements « qui leur ressemblent davantage et plus près de leurs réels besoins », croit Mme Sabourin. Ceux qui font du télétravail en ce moment auront peut-être envie de plus d’espace. « La dernière guerre mondiale a amené la mode des bungalows, les baby-boomers, celle des très grandes maisons, soulève-t-elle. Des changements sont à prévoir sur le marché, l’immobilier s’ajuste à ce qui arrive. »

Et puis, parce que l’achat local et l’autosuffisance font encore plus partie des préoccupations actuellement, « les gens vont avoir envie de leur jardin ou leur espace pour faire pousser leurs tomates ».

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Camille P. Parent et son copain, Mathieu Lair

Si elle n’a pas choisi son appartement actuel en raison du balcon, Camille P. Parent sait que ce sera un facteur déterminant pour l’avenir. « Le fait d’en profiter autant nous a convaincus que pour notre prochain logement, on aimerait vraiment avoir un balcon plus grand, voire une cour si notre budget le permet », dit-elle.

« Un jardin, en ville, c’est un refuge, affirme l’horticultrice et conceptrice d’aménagement Marie-Andrée Fortier. Que l’espace soit petit ou non, un lieu où on peut se poser, ne rien faire, profiter, c’est important. »