La maison de Claire Vincelette et Serge LeBlanc raconte plusieurs histoires fascinantes. Visite d’un lieu plein de chaleur et d’authenticité choyé par l’amour inconditionnel de ses propriétaires.

Serge LeBlanc faisait du déneigement quand il a vu un bout de pancarte dépasser du banc de neige de la maison qu’il avait toujours rêvé de posséder, située dans un quartier recherché de Magog.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Environ 80 % des armoires de cuisine sont d’origine. Elles ont été repeintes, modifiées, voire repositionnées afin de réorganiser l’espace pour qu’il soit plus fonctionnel. Un lot de carrelage leur a servi à faire les comptoirs et le motif de coq du dosseret, dessiné comme un casse-tête par Claire Vincelette. Les électros comptent parmi les rares éléments neufs dans la maison.

« On est allés visiter en janvier, j’étais en amour avec le terrain, avec la maison, mais l’intérieur, c’était autre chose… Rien n’avait été rénové en 30 ans », raconte M. LeBlanc. Sa première offre d’achat a été acceptée, mais les propriétaires âgés, trop émus à l’idée de laisser leur maison, ne voulaient plus vendre.

L’affaire en est restée là, Serge et sa femme Claire Vincelette ont compris et n’ont pas demandé de compensation financière, mais ont précisé qu’ils seraient toujours intéressés.

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C’est une grande fierté pour Serge LeBlanc que les gens pensent que son garage date de la même époque que la maison, âgée de plus de 70 ans, parce qu’il l’a construit lui-même il y a quelques années seulement. Des fenêtres qu’il avait récupérées depuis très longtemps ont servi dans ce projet.

Quelques mois plus tard, ils ont reçu un appel les avertissant que cette fois-ci, les propriétaires étaient bien décidés à vendre, mais à condition de passer encore un été chez eux contre un loyer. Claire et Serge ont accepté et fait l’entretien de la cour pendant la belle saison.

« On allait les voir chaque fois pour jaser un peu. Quand ils sont partis, je pleurais quasiment parce que dans un sens, j’étais contente d’avoir la maison, mais dans l’autre, j’étais triste de les voir la quitter alors qu’ils y étaient très attachés. On a su plus tard qu’ils avaient préféré nous la vendre même s’ils avaient eu des offres plus élevées, parce qu’on n’était pas arrivés en dénigrant l’intérieur. Ils nous ont donné des meubles en disant qu’ils savaient qu’on allait en prendre soin. C’était comme s’ils nous laissaient un héritage », confie Mme Vincelette.

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Lors d’un encan, Serge LeBlanc avait repéré cette taponneuse, une petite balançoire du milieu du XIXe siècle où se collaient les amoureux : « Il y avait de grosses armoires très chères et quand l’une d’elles s’est vendue 40 000 $, les gens se sont concentrés sur l’acheteur et j’ai pu acquérir la taponneuse à un prix dérisoire. Les autres se sont réveillés trop tard, la vente était conclue ! »

Restaurer sans dénaturer

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Serge LeBlanc et Claire Vincelette sont animés par la même passion de l’ancien. Ils prennent le temps de restaurer leur maison et les meubles qu’ils chinent dans les règles de l’art.

Les premiers travaux ont été consacrés à la cuisine et à la salle de bains dans le but de les rendre plus fonctionnelles, mais sans dénaturer l’espace. Par exemple, ils ont réaménagé la cuisine et l’ont réduite un peu pour agrandir la salle d’eau attenante dans laquelle on peinait à entrer.

Ils ont retiré les nombreuses portes qui cloisonnaient chaque ère commune, mais sans casser de cloison, ce qui crée une circulation plus fluide et maximise la lumière sans nuire à la structure originelle. Dans le salon, le tapis cachait un plancher de bois franc qu’ils ont retapé.

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C’est en se promenant dans une maison vouée à la démolition que Claire a repéré des planches de bois au mur. « Aucun objet ne nous intéressait, mais j’ai vu ces maudites belles planches ! Le propriétaire nous les a gardées et Serge s’en est servi pour faire la table de salle à manger », dit-elle. Il a aussi restauré les assises des chaises trouvées dans une vente-débarras.

Quand on restaure une vieille maison, il faut aussi avoir la patience d’attendre de trouver la bonne pièce ou le bon matériau pour compléter la rénovation.

Serge LeBlanc

Depuis toujours, le couple court les brocantes, les encans, les ventes-débarras et achète du mobilier et des objets en fonction de coups de cœur. Les collections cohabitent et créent le décor, car ces passionnés ont le goût et le doigté pour agencer énormément de choses sans donner l’impression de trop-plein ou d’accumulation.

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Dans le salon, la charpente de bois du plafond d’origine était foncée, ce qui écrasait la pièce. Les propriétaires l’ont simplement peinte de couleur pâle et l’ont agrémentée d’une tapisserie au motif ancien.

L’équilibre est parfait et chaque objet est nourri d’une valeur émotionnelle incroyable, qui le rend extraordinaire. « On est assez conservateurs tous les deux, mais il y a un moment où il faut faire une rotation ; on organise des ventes de garage pour que ça circule, pour rentrer un peu d’argent… pour aller acheter d’autres choses ! », dit l’ancien antiquaire qui s’applique également à redonner vie à des meubles anciens.

« Mon premier critère est artistique et j’ai une préférence pour l’art populaire ; j’aime aussi les lampes à l’huile qui ne sont pas artisanales, mais que je trouve sculpturales », poursuit l’homme passionné par tous les objets. C’est également important pour eux d’utiliser ce qu’ils ont, quelle qu’en soit la valeur, comme leur belle vaisselle.

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Le bleu doux et le blanc confèrent beaucoup de fraîcheur à cette petite chambre. Le couvre-pieds, pièce rare composée de centaines de rosaces froncées et assemblées à la main, et les tableaux aux couleurs vives égayent la pièce.

Un apprentissage perpétuel

« On a beaucoup appris en se documentant ; il y a une boutique spécialisée dans les livres de collection à Montréal. On regarde des émissions de télé, on s’enrichit tout le temps. Il y a aussi l’internet, mais l’information et la valeur ne sont pas toujours justes. La valeur change d’ailleurs beaucoup en fonction des modes. Aussi, certains vendeurs proposent des meubles anciens qui ne le sont pas ou encore placent une étiquette pour camoufler un morceau de vaisselle abîmé. Il faut prendre le temps d’apprendre et créer des liens avec les marchands », précise Mme Vincelette.

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« On a voulu respecter le style, mais aussi la dimension des pièces, alors on n’a pas agrandi la salle de bains », explique Claire Vincelette. Deux des 70 canards de collection omniprésents dans la maison animent l’espace.

Le couple possède la demeure depuis 18 ans et ne cesse jamais de la bichonner. « On s’est sentis connectés avec les anciens propriétaires et on s’est dit qu’un jour, ce serait nous qui partirions en pleurant. À chaque rénovation, on s’est demandé si ça leur aurait plu. Souvent, je me promène dans la maison et j’ai l’impression “d’être” la maison.

« Je me sens comme un conservateur, comme si j’avais une certaine responsabilité ici. J’espère que mon fils en gardera une partie parce que je suis bien conscient qu’il ne pourra pas tout prendre et que d’autres gens vont être là pour transmettre le reste à d’autres générations », conclut Serge LeBlanc, qui gardera assurément avec lui l’une de ses pièces favorites, un cœur de dévotion en bois flotté.