De nombreux travailleurs autonomes réalisent leurs contrats dans leur salle à manger ou dans leur salon. Mais après un moment, le besoin d’avoir un vrai bureau peut se faire sentir, et même devenir un critère incontournable dans la recherche d’une propriété.

Selon les experts en immobilier, ce critère est bien plus fréquent qu’auparavant. « Ça fait 20 ans que je suis dans l’immobilier et ce genre de demande existait peu il y a une décennie », explique Nathalie Bégin, présidente du conseil d’administration de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ).

Lors de ses recherches pour l’achat d’un condo en 2015, le nutritionniste Bernard Lavallée ne pouvait pas concevoir d’acheter une propriété sans bureau. « J’avais besoin d’un espace uniquement consacré au travail afin d’essayer de faire une petite séparation entre ma vie personnelle et ma vie professionnelle, même si je dois admettre que la ligne est assez floue, dit-il.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Depuis deux ans, le nutritionniste Bernard Lavallée alterne entre son bureau à la maison et un espace de travail partagé qu’il loue.

Mon seul critère était d’avoir une pièce fermée pour essayer d’oublier le boulot quand j’étais chez moi.

Bernard Lavallée, nutritionniste

M. Lavallée correspond à l’un des deux types de clients qui désirent un bureau à la maison, selon Mme Bégin. “Ceux qui font du télétravail veulent idéalement une pièce à part, confortable et avec une bonne luminosité, souligne-t-elle. Certains sont prêts à s’accommoder d’une demi-pièce ou d’un coin de mur.” Les autres sont des travailleurs autonomes qui veulent recevoir des clients chez eux. “Il leur faut un endroit séparé, avec une deuxième sortie extérieure et parfois un stationnement supplémentaire.”

Un espace professionnel

C’est le cas de Sandra Kellerman, qui travaille en gestion de petites entreprises comptables et qui a cherché une nouvelle propriété précisément pour avoir un bureau. “Il me fallait un espace professionnel”, dit-elle.

Avec son conjoint et leurs trois enfants, elle a trouvé un duplex avec un studio. “Au début, j’ai aménagé une pièce pour mon bureau au premier étage, en laissant le bachelor du bas pour les deux plus vieux.”

Rapidement, elle a vu l’impact d’un bureau fermé sur sa vie professionnelle.

“Avant, je n’étais pas capable de me concentrer. Si je travaillais dans ma cuisine, j’avais souvent le goût de faire une nouvelle recette. Si je trouvais que mon four était sale, je devais aller le laver. Ça devenait envahissant.”

— Sandra Kellerman, travailleuse autonome

Pour elle et pour les autres. “Quand ma famille revenait à la maison, je devais enlever mon ordinateur et mes papiers de la table. Après leur passage, l’espace n’était pas toujours propre. Ça me rendait anxieuse. Je criais. Ce n’était agréable pour personne…”

Fluctuation des prix

Selon Nathalie Bégin, il est difficile d’affirmer que le besoin d’une pièce servant de bureau augmente automatiquement la somme à investir pour acheter une propriété. “Dans certaines propriétés, pour faire la pièce bureau, on a dû couper dans un autre espace, alors ça ne rend pas le condo ou la maison nécessairement plus chers”, explique la spécialiste en immobilier.

Si on parle d’un ajout qui augmente le nombre de pieds carrés de la propriété, ça peut augmenter la valeur. Mais il faut que la pièce soit bien située et agréable.

Nathalie Bégin, présidente du conseil d’administration de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ)

Tout dépend aussi de l’endroit où se trouve la propriété. Dans le cas de Sandra, celle-ci a d’abord cherché dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, mais les propriétés affichées à 500 000 $ ne lui convenaient pas du tout. “Finalement, on a payé 350 000 $ pour un duplex à Tétreaultville avec trois chambres pour les parents, le bébé et le bureau, en plus d’un bachelor pour les ados, et d’un garage.”

Lorsque les plus vieux ont quitté le nid familial, elle a transformé le studio : la moitié en bureau et l’autre en salle de jeu. “C’est très rentable pour moi de travailler à la maison, dit-elle. Je peux déduire une partie de mes frais dans mes dépenses de travailleuse autonome.”

Elle ne se verrait pas louer un local expressément pour son bureau. “Aujourd’hui, les locaux sont soit hyper chers, soit abordables, mais mal situés et mal éclairés. Pourquoi je donnerais mon argent à un autre propriétaire quand je peux être ici ?”

La perception de Bernard Lavallée est différente. Depuis deux ans, il alterne entre son bureau à la maison et un espace de travail partagé qu’il loue.

C’est mieux pour ma santé mentale de sortir de chez moi chaque jour et de parler à des gens qui vivent les mêmes réalités que moi.

Bernard Lavallée, nutritionniste

“C’est aussi vraiment plus motivant de voir des gens travailler à côté de toi. Par contre, j’aime la flexibilité de pouvoir me permettre de rester à la maison et de travailler en pyjama”, dit-il.

Dernier détail, et pas toujours le moindre, les travailleurs autonomes qui reçoivent des clients chez eux doivent s’assurer d’obtenir toutes les autorisations nécessaires auprès de leur municipalité (ou de leur arrondissement). La compagnie d’assurance maison doit aussi impérativement en être informée.